Bienheureux Gijs

Petite révolution dans l’Eglise: à la veille de Noël, le diocèse d’Hasselt s’apprête à accueillir un prêtre marié, autrefois pasteur

Gijs Meinesz n’accorde plus d’interview. Il est entré en semi-retraite pour préparer son ordination, le 23 décembre, en la cathédrale d’Hasselt. Particularité: le sexagénaire recevra ce sacrement en présence de son épouse et de ses enfants. Le tout, avec la bénédiction du pape. Il ne s’agit pas d’une première: dans les pays scandinaves, aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne, l’ordination, par l’Eglise catholique, de prêtres s’étant mariés à l’époque où ils étaient ministres du culte protestant ou anglican, n’est pas vraiment rare. Et en Belgique, le dernier cas remonte à une trentaine d’années. De quoi remettre en cause la règle du célibat ecclésiastique?

La destinée de Meinesz sort de l’ordinaire. Né à Sumatra, en Indonésie, il se retrouve, tout jeune enfant, dans un camp de concentration japonais, pendant la Seconde Guerre mondiale. Par la suite, émigré aux Pays-Bas avec sa famille, il entreprend une formation d’officier de marine et de pilote de chasse pour s’engager dans l’armée néerlandaise. C’est alors que le militaire se sent « appelé », d’abord, comme pasteur. Il va étudier la philosophie et la théologie à l’université de Leyde (Pays-Bas), où il rencontre son épouse, Marijke, étudiante en anthropologie.

Mais le pasteur est à la recherche de davantage de spiritualité, de moins d’austérité, d’un contact personnel avec Dieu, ce qui le rapproche progressivement des catholiques. Il est attiré par leurs rites sacramentels, par la figure de Marie et par la pratique religieuse, parfois très concrète, des Flamands: « Ils allument davantage de cierges, par exemple », explique Meinesz. Bref, le pasteur se convertit au catholicisme, en 1978, avec toute sa famille. Les Jésuites l’aident à trouver un job. Dès ce moment, Meinesz souhaite devenir prêtre, mais prend le temps d’éduquer ses enfants et de les marier avant d’introduire une demande.

La procédure n’a finalement pris qu’un peu plus d’un an. Le pape a accordé son autorisation sans aucune réserve. Il faut dire qu’à l’échelle internationale, le nombre de prêtres mariés aurait tendance à augmenter. Ainsi, voici quelques années, l’ouverture de la prêtrise aux femmes dans l’Eglise anglicane a suscité une vague de conversions, au catholicisme, de ministres de culte anglican, avec charge de famille.

Autres cas: dans les anciens pays de l’Est, des prêtres ont exercé leur sacerdoce clandestinement. Pour échapper aux soupçons de la police communiste, ils se sont parfois mariés. Après la chute du Mur, Rome les a incités à intégrer l’Eglise gréco-catholique de rite byzantin, ce qu’ils n’ont pas tous accepté. L’Eglise d’Orient a conservé la règle des premiers chrétiens: elle ordonne des hommes mariés, mais interdit les épousailles en cours de sacerdoce et réserve l’épiscopat aux célibataires.

Il fut un temps où Rome demandait au prêtre marié, fraîchement ordonné, de renouer avec la chasteté en envoyant son épouse dans les ordres. Cela n’a pas été le cas de Meinesz. « Certains sont appelés seuls, mon épouse et moi avons été appelés en couple », commente l’intéressé.

Une brèche dans la règle du célibat? « Tous ces hommes vont démontrer la désuétude du principe: on peut très bien exercer son ministère tout en ayant femme et enfants », pense Paul Bourgeois, de l’association des prêtres mariés, Hors les murs (HLM). Son équivalent flamand, Inspraak (participation), a déploré une forme de discrimination et regretté qu’une Eglise en mal de vocations s’offre le luxe de rejeter des centaines de prêtres pour cause de mariage. Mais pour la hiérarchie catholique, l’abolition du célibat ne constituerait pas une solution: les Eglises protestantes et anglicanes manquent également de clercs. Certains redouteraient, en outre, que se profile le spectre de prêtres divorcés. « Serait-ce plus grave que des curés devenus alcooliques suite à une trop grande solitude? se demande Bourgeois. Par ailleurs, si les prêtres mariés flamands ont un fort désir de réinsertion, quitte à le réaliser « illégalement » dans l’association « Rent-a-priest » (louer un prêtre), il n’en est pas de même en Wallonie et à Bruxelles. La plupart des intéressés francophones ne reprendraient du service que si l’Eglise en revenait à l’esprit de Vatican II, abandonnait le centralisme romain, se faisait servante et pauvre… » Un débat encore plus complexe?

Dorothée Klein

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