Ben Weyts  » Vous devez avoir peur si vous avez peur du changement « 

Le numéro deux de la N-VA explique le projet nationaliste pour 2014. Il s’indigne des attaques des partis traditionnels. Et ne voit pas pourquoi on remet en question le caractère incontournable de son parti.  » Le vainqueur des élections a l’initiative, point !  »

Il se présente en souriant comme le  » Poulidor de la N-VA « . Numéro deux du parti,  » heureux  » dans son rôle de député et spécialiste de l’institutionnel, Ben Weyts est pourtant présenté comme le successeur potentiel de Bart De Wever après les élections de 2014. Cet homme-clé s’exprime sans tabous.

Le Vif/L’Express : La N-VA est devenu un vrai parti de masse, fortement implanté au niveau local depuis 2012.

Ben Weyts : Nous avons 54 bourgmestres, nous en aurons 60 à mi-législature en vertu des accords passés. Et nous sommes représentés dans environ 160 majorités. En 2006, il y avait 40 listes en notre nom propre. Six ans plus tard, 260, pratiquement partout en Flandre si l’on compte les listes locales ou de cartel, et 10 à Bruxelles où nous étions le seul parti flamand à se présenter sous son propre nom. En 2006, nous avions 2 000 candidats, six ans plus tard : 6 000. Nous avions 277 conseillers communaux, aujourd’hui, 1 755. C’est bien plus, non ?

Comment avez-vous géré cette croissance rapide ?

Nous avons eu la chance d’être financièrement plus forts grâce aux élections de 2010, ce qui nous a permis, pendant un an, d’organiser des formations pour nos candidats. Après les élections, d’autres plus spécifiques ont été offertes aux bourgmestres, échevins, présidents de section, secrétaires… Notre cellule chargée des affaires locales a mis ce programme en oeuvre, avec des responsables provinciaux qui gèrent notre progression au sens large : nous sommes passés de 10 000 à 40 000 membres.

La N-VA n’est plus le petit parti de 5 % qui peut tout se permettre, elle a un statut… Cela a ses aspects positifs et d’autres plus négatifs.

D’autant que votre ambition n’est pas simple : concrétiser la  » force du changement « , votre slogan. On vous attend au tournant !

Que l’on fasse quelque chose ou que l’on ne dise rien, beaucoup est exagéré par les médias flamands. Cela va très loin. A Alost, un petit groupe d’extrême gauche a répandu une vieille version de l’accord de gestion local. Tous les médias ont suivi leur vision critique, sans trop de contrôle factuel. On a relevé des choses qui ne s’y trouvaient pas – comme la francisation des noms de rue – , à un tel point que nous nous sommes mis à douter nous-mêmes et que nous avons contrôlé auprès de nos mandataires locaux. Un guichet à part pour les étrangers :  » Scandaleux ! « , dit-on. Mais je ne sais pas moi : à Liège, ils n’en ont pas un, eux aussi ? Cela me paraît logique que l’on prévoit un lieu pour des besoins spécifiques. N’y en a-t-il pas pour l’accueil de l’enfance ?

Vous parlez d’une politique responsable…

A Alost, le tissu social est sous tension en raison de la proximité avec Bruxelles et de la liaison ferroviaire. D’importantes minorités culturelles se sont installées, à la recherche d’un meilleur futur. Mais si ces personnes restent cloîtrées dans leur communauté, elles n’auront pas ces chances. Il faut répondre à ces questions avec des cours de néerlandais, de citoyenneté, mais aussi le respect de nos règles. Si vous ne parlez pas français, mais seulement arabe, vous n’aurez aucun débouché en Wallonie, non ? Vous ne trouverez pas d’emploi et vous ne pourrez dépendre que du CPAS. Est-ce une politique responsable ? Nous ne trouvons pas… C’est aussi, oui, une façon de montrer que nous incarnons le changement.

Tout le monde attend votre positionnement pour le multi- scrutin très important de 2014… Est-ce le moment de vérité pour votre parti ?

Il est évident que cette campagne sera très difficile. J’ai l’impression que les partis traditionnels se rendent compte qu’ils sont dans une position compliquée, ils acceptent leurs pertes en termes comptables mais tentent surtout d’éviter une nouvelle progression de la N-VA en effrayant la population. Sur la base de contre-vérités voire de mensonges.

Même le CD&V prend ses distances avec vous…

Je constate que plusieurs partis participent à ce système qui vise à nous diaboliser, oui. Nous, nous préparons concrètement à ce qui sera l’enjeu principal de cette élection : le confédéralisme. Une notion que l’on retrouve d’ailleurs dans le programme du CD&V et de l’Open VLD. Si les élections sont, telles qu’on les présente, un moment-clé pour réaliser son programme, alors nous espérons que nous ne serons pas les seuls à défendre cela.

Pourquoi le confédéralisme ?

Tout le monde, du côté flamand mais aussi francophone, pose le même constat : les oppositions ne cessent de grandir dans ce pays. Même Elio Di Rupo le reconnaît lorsqu’il présente un accord sur le budget en affirmant qu’il est le  » gouvernement du faisable « . Les partis flamands disent qu’un accord, c’est un accord. Je veux bien croire que le CD&V et l’Open VLD ont fait de leur mieux, mais cela signifie que le  » faisable  » est leur seule ambition. Nous n’acceptons pas cela. Nous trouvons qu’il faut avoir davantage d’aspirations.

Surtout au niveau socio-économique ?

Mais naturellement ! On dit qu’il faut de profondes réformes structurelles, mais ce n’est pas le cas. Des partis flamands ont émis des propositions au sujet de l’index, de la TVA, de la sécurité sociale, tout ce qui est fondamental, mais du côté francophone, nous n’avons pas d’alliés, si ce n’est un peu le MR. La solution, pour nous, ce n’est pas le  » faisable « , mais le confédéralisme.

Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?

Pour nous, c’est la même définition que pour le CD&V et l’Open VLD : les francophones et les Flamands doivent pouvoir résoudre leurs propres problèmes avec leurs propres solutions et leurs propres responsabilités. C’est cela la logique.

En d’autres termes : des gouvernements communautaires mais plus de gouvernement fédéral ?

Mais non ! Sinon, c’est l’indépendance. Le confédéralisme, cela signifie que l’on est responsable pour ses propres compétences. Nous parlerons ensemble pour déterminer les compétences que nous sommes encore prêts à exercer ensemble. Pas parce que nous sommes contraints à collaborer, comme c’est le cas aujourd’hui, mais parce que nous le voulons.

Une page blanche ?

Oui, une page blanche. En considérant avant tout l’efficacité pour nos Communautés et la volonté de travailler ensemble. C’est cela collaborer ! Dans le cadre de notre congrès du début de l’année prochaine, nous voulons déterminer les compétences qui, selon nous, doivent être transférées aux entités fédérées et ce qui doit rester au niveau confédéral. Et quels changements de politique concrets nous pourrions apporter.

Il reste la question de Bruxelles, qui a toujours été un problème insoluble pour le mouvement flamand.

Ce n’est pas parce qu’un problème est difficile qu’il ne faut pas essayer de le régler. Aujourd’hui, on considère que le confédéralisme, c’est compliqué ! Bruxelles, l’Europe, cela n’ira pas, dit-on… Nous considérons que ces obstacles peuvent être levés si on le veut.

Politiquement, ce sera difficile pour vous. Geert Bourgeois a dit : la N-VA doit être incontournable.

Je pars du principe que quand on gagne les élections, dans une démocratie, on devient de facto incontournable et on a l’initiative, non ? Dans un pays normal, ce devrait être comme ça. J’espère que ce sera le cas.

Avez-vous le sentiment que le cordon sanitaire s’installe autour la N-VA ? Parce que vos exigences sont trop grandes…

Cyniquement, je dirais que nos exigences au sujet du confédéralisme correspondent à celles du CD&V et de l’Open VLD. Pourquoi devrions-nous être incontournables ? Les partis traditionnels ont le réflexe de préserver ce qu’ils ont. C’est même un ciment pour eux face à l’ennemi qui remet cela en question. Nous avons des porte-parole dans tous les partis qui disent à notre place ce que l’on ne dirait soi-disant pas, pour effrayer la population !

Il n’y a donc pas de raison d’avoir peur de vous ?

Absolument pas ! Vous devez avoir peur si vous avez peur du changement. C’est le cas de certains partis parce qu’ils risquent de perdre du pouvoir.

On craint que vous ayez un agenda caché…

Mais non, nous ne cachons rien ! Tout le monde sait que nous voulons à terme l’indépendance de la Flandre. Mais pour 2014, c’est le confédéralisme !

Votre changement fondamental de système, vous le voulez avant la formation d’un gouvernement en 2014 ?

Donnez-nous encore un peu de temps, notre congrès aura lieu en février 2014, laissez encore un peu travailler ceux qui le préparent.

Mais votre but, c’est un changement radical d’emblée ?

Ce sera la même réponse.

Bart De Wever dit qu’il ne perdra plus des semaines à discuter dans un château …

Vous pouvez répéter vos questions, je répéterai ma réponse.

Des choses bougent du côté francophone, les résultats du plan Marshall sont reconnus et il y a une vraie volonté d’intégrer la responsabilisation voulue par la sixième réforme de l’Etat. Vous suivez cela ?

Personne ne s’est jamais porté plus mal d’avoir plus de responsabilités. Je m’attendrais même à ce que chaque niveau de pouvoir en réclame davantage. Le problème de la sixième réforme de l’Etat, c’est d’ailleurs que l’on transfère potentiellement beaucoup d’argent, oui, mais peu de responsabilités.

En matière de chômage, par exemple, on peut sanctionner les chômeurs mais les budgets des allocations restent fédéraux. Ce n’est pas une responsabilisation. Si on mène une bonne politique, on doit quand même en recevoir tous les bénéfices financiers ! Mais non, c’est toujours la politique des petits pas. Et toujours le même processus : les Flamands demandent des compétences complémentaires, les francophones refusent mais finalement acceptent en échange de beaucoup d’argent et en ne concédant que des morceaux de compétences. Cela mène à un imbroglio, tout devient plus complexe. Nous voulons le confédéralisme pour plus de transparence, plus d’efficacité et plus de démocratie. La réforme de l’Etat actuelle, c’est encore du bric-à-brac ! Nous voulons la totalité des compétences, avec toute la responsabilité financière qui l’accompagne.

Aujourd’hui, personne ne sait qui exerce quelle compétence. Je suis le spécialiste des questions institutionnelles dans ce parti, mais même moi, je m’y perds parfois.

Politiquement, Bart Maddens, politologue aux accents très flamands, affirme…

… il a le luxe d’appartenir au monde académique, il ne doit pas tenir compte des réalités politiques.

Il affirme que Geert Bourgeois a raison, que la N-VA doit devenir incontournable et qu’elle devrait obtenir une majorité avec le Vlaams Belang pour mener à bien son rêve d’un choix plus radical de souveraineté.

Nous n’allons pas nous laisser pousser dans la position selon laquelle la N-VA ne gagnerait les élections que si elle obtenait une majorité absolue. Non : ceux qui gagnent les élections sont ceux qui les gagnent, point. S’il y a un choix de l’électeur, il faut l’accepter. Et je ne me laisserai entraîner dans aucun autre raisonnement. Sinon, c’est à se demander qui a un problème avec la démocratie.

Que pensez-vous de l’idée d’un référendum sur l’indépendance de la Flandre ?

Les référendums, ce sont les élections. Chez nous, certains veulent organiser un référendum quand ils ont un problème avec le résultat des élections. Ce n’est pas cohérent.

ENTRETIEN : OLIVIER MOUTON

 » Du côté francophone, nous n’avons pas d’alliés si ce n’est un peu le MR « 

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