Ben Laden en antihéros

Le journaliste franco-algérien Mohamed Sifaoui et le père des Femmes en blanc, Philippe Bercovici, utilisent la BD documentaire pour dénoncer les méfaits d’Al-Qaeda. On rit jaune à la lecture de Ben Laden dévoilé.

Sur certains blogs,  » Sifaoui  » est une injure. Trapu, souriant, aguerri au travail d’investigation sur terrain difficile, le porteur du nom, Mohamed, 42 ans, est pourtant un croyant sincère, un bon connaisseur de l’islam. Mais il se sert de sa plume pour combattre l’intégrisme, sans esquiver les questions qui fâchent. Après l’offensive israélienne contre Gaza, il persiste à qualifier de  » fasciste  » le Hamas, la branche palestinienne des Frères musulmans.

Ben Laden et Al-Qaeda figurent également au rayon des sujets qu’il laboure sans relâche depuis de nombreuses années. Grâce au dessinateur Philippe Bercovici qui, par conviction, lui a prêté son trait fouillé et absorbé une énorme masse de données, il a trouvé un nouveau support. Publiée aux éditions 12bis, Ben Laden dévoilé est une £uvre touffue, difficile, qui mélange faits avérés (75 %) et fiction. Cette BD documentaire développe sur 100 pages l’histoire d’Al-Qaeda, tout en se moquant de son bailleur de fonds saoudien, tombé aux mains de deux interrogateurs de la CIA. Ceux-ci partagent avec leur illustre prisonnier la même obsession pour le sexe.

A bien y regarder, les femmes sont le fil conducteur de toute cette histoire. Mohamed Sifaoui a, en effet, voulu montrer la fascination-répulsion qu’entretenaient les salafistes avec les femmes, qu’ils méprisent, dominent, enferment, mais qui servent aussi de récompense aux combattants.  » C’est la seule idéologie politique que je connaisse qui donne une telle place au sexe « , remarque Sifaoui.

Au passage, le journaliste renvoie à ses chères études Jean-Pierre Filiu, auteur des Neuf Vies d’Al-Qaeda, à paraître ce mois-ci, qui lui cherche des pous sur la tête.  » Il conteste mon chiffre de 40 000 combattants arabes venus faire le djihad en Afghanistan pendant les années 1980, et le ramène à 400, se défend Sifaoui. Or, dans le cimetière de Jalalabad, j’ai déjà compté un millier de tombes de « martyrs » arabes. En 2000, la DST avait repéré 382 « Afghans » français. Et lorsque j’étais encore en Algérie, j’ai vu revenir des centaines de ces « Afghans » qui ont créé le Groupe islamique armé ! Il faut reporter ce chiffre à tous les combattants (y inclus les humanitaires, les femmes, les propagandistes, etc.) issus d’autres pays, qui se sont rendus en Afghanistan pour chasser les Soviétiques…  »

Mohamed Sifaoui a la conviction qu’Oussama ben Laden est en bonne santé, qu’il n’a pas subi de chirurgie esthétique et qu’il demeure le porte-nom – mais non l’idéologue ni le le chef opérationnel – d’une structure mouvante, repliée dans la zone pakistano-afghane, qui offre sa caution idéologique aux actions terroristes menées aux quatre coins du monde. Sifaoui déplore l’absence d’analyse en profondeur du phénomène salafiste au niveau européen.

Exilé en France, il a vu se reproduire le même genre de discours et de pratiques qui ont conduit l’Algérie au bord du gouffre.  » Les Frères musulmans forment la branche réformiste du salafisme, à côté des salafistes djihadistes et des salafistes non djihadistes « , déclare-t-il. Après l’affaire des  » caricatures de Mahomet « , Sifaoui avait démontré, images à l’appui, que les Frères danois avaient attisé la colère du monde musulman en ajoutant aux 12 caricatures du Jyllands-Posten une tête de Prophète à groin de cochon.  » Nos autorités, y compris en Belgique, les choisissent comme interlocuteurs au lieu de se tourner vers des musulmans sans agenda politique « , déplore le journaliste franco-algérien.

Marie-Cécile Royen

 » la seule idéologie qui donne une telle place au sexe « 

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