Avis d’expert

Spécialiste du marché immobilier, Philippe Janssens dirige le bureau d’études et d’expertises anversois Stadim. Le Vif/L’Express lui a posé quatre questions de circonstance.

ù Le Salon Batibouw est-il vraiment une foire aux bonnes affaires ?

A une certaine époque, les institutions financières se faisaient réellement la concurrence à l’occasion du salon. Elles minimisaient leurs marges pour fidéliser leur clientèle. Mais c’est du passé. Aujourd’hui, les banques prennent directement leurs marges sur leurs produits. Je suis moins affirmatif, par contre, au sujet des entrepreneurs qui ont leur stand au salon. Depuis environ un an, ils ont resserré leurs prix. La rénovation est un secteur en croissance. Et l’éventail de l’offre peut vraiment jouer sur les prix.

ù Est-ce le moment d’acheter ?

En Wallonie ou à Bruxelles, il n’y a aucune raison de se dépêcher. Ni de retarder sa décision. Cela n’a pas toujours été vrai. Dans les années 1986-1987, ou en 1996, par exemple, je conseillais vivement l’achat. En effet, à ces époques, la baisse des taux d’intérêt réels (c’est-à-dire après déduction de l’inflation) était telle que les prix allaient forcément repartir à la hausse. Or, à l’heure actuelle, les taux devraient se maintenir aux alentours des 4%. Ce qui ne devrait pas provoquer de mouvement significatif, ni à la hausse, ni à la baisse.

Quant à la Flandre, la série de mesures fiscales prises récemment (lire en p.66) va rendre l’immobilier en principe plus abordable. Mais il y a gros à parier que les vendeurs se montreront dès lors un peu plus gourmands dans leurs prix de vente. Cela dit, à plus long terme, et à condition que les différents régimes fiscaux ne soient pas modifiés en cours de route, la Flandre est plus tentante que la Wallonie ou Bruxelles.

ù En termes d’investissement, vaut-il mieux privilégier le résidentiel d’occasion (maison ou appartement) ou faire construire ?

Ni l’un ni l’autre. Au niveau résidentiel, le marché locatif se restreint, plus encore en Flandre. Il faut donc s’interroger sur les motivations de ceux qui restent locataires. Selon moi, il existe trois causes essentiellement : l’envie de flexibilité (en rapport par exemple avec sa profession), le désir d’habiter un endroit bien particulier, ou, enfin, le refus (ou l’incapacité) de placer l’immobilier dans ses priorités financières. Bref, il y a de gros risques de voir diminuer progressivement la  » qualité  » des locataires. Ce n’est pas pour rien que les investissements dans l’immobilier migrent progressivement vers le secteur professionnel : bureaux, commerces, dépôts…

Quant à la construction, elle n’a jamais été considérée comme un investissement de rapport (location). A moins de faire appel à un promoteur qui construit des habitations standardisées, on considère généralement que de 15 à 20% des montants investis dans une construction correspondent aux goûts propres de chacun. Comme les options d’une voiture, cette  » personnalisation  » ne se reflétera que très partiellement dans la valorisation financière qu’en fera le marché au moment de la revente.

ù La Flandre vient de revoir à la baisse les droits d’enregistrement en cas d’achat de bien immobilier. Qu’en pensez-vous ?

Certains y voient déjà un nouvel épisode de la guerre Nord-Sud. Dommage. Juusqu’à présent, les Belges, et surtout les plus jeunes, devaient investir dans l’immobilier au-delà de leurs moyens. Une habitation, c’est pour la vie, dit-on. La mesure flamande me paraît donc sage et particulièrement adaptée à la mobilité que réclame désormais le marché de l’emploi. Les gouvernements wallon et bruxellois devraient imiter la Flandre en cette matière. Selon moi, ils n’y perdraient aucune plume. D’après mes calculs, le nombre de transactions immobilières augmentera de 50% en Flandre grâce à ces mesures. Ce qui devrait se traduire par une perte de 10% des recettes liées à la perception des droits d’enregistrement. Mais celles-ci seront au moins compensées par les frais d’installation et de rénovation. Et comme ce secteur nécessite beaucoup de main-d’oeuvre, ces mesures fiscales doperont véritablement l’économie régionale. En plus, elles permettent de rénover le parc immobilier, ce qui le rendra plus attractif.

Xavier Degraux

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