Avec vue sur le fleuve

Dans la capitale wallonne, la construction neuve a abandonné les vertes périphéries pour les bords de Meuse. Plusieurs projets d’appartements y sont amarrés, dans lesquels embarquent surtout personnes âgées et investisseurs.

L’année 2013 n’est pas finie, mais les courtiers namurois se félicitent déjà de ses résultats encourageants, inespérés par les temps qui courent.  » Le marché de la vente s’est révélé très bon, et même enthousiaste « , annonce d’emblée Serge Ledoux, de l’Immobilière Meusardennes. De son côté, Kathalyne Detry, de l’agence Finomat, pointe une véritable reprise depuis quelques mois. Et Pierre Closon, de l’agence Trevi, d’abonder en ce sens, tout en épinglant un premier trimestre  » particulièrement bon, en dépit de l’hiver « . Comme quoi, sourit-il,  » en immobilier, les années se suivent et ne se ressemblent pas… « .

Sans toutefois gommer les grandes tendances qui sont imposées depuis la crise de 2008…  » et qui se font davantage sentir encore « , reconnaît-il. C’est-à-dire ? Le retour à la ville ; l’attention de plus en plus prégnante des candidats-acquéreurs aux performances énergétiques des biens qu’ils convoitent ; et le désintérêt des grosses villas énergivores des années 1970-80, que les volumes importants et l’éloignement des transports en commun, des commerces et des facilités pénalisent.

L’unifamiliale, le bien phare

Quid des prix ? Le maître-mot, celui qui est sur toutes les lèvres, est…  » stabilité « .  » Il n’y a pas spécialement eu plus de transactions au premier semestre de cette année qu’à pareille époque en 2012, mais les prix se sont tenus « , détaille Pierre Closon. Notamment parce que certains biens rencontrent un succès indéfectible.  » Depuis maintenant deux ou trois ans, on observe encore et toujours une très forte demande pour les maisons mitoyennes de taille moyenne, bien situées et prolongées d’un jardinet, acquiesce le courtier. Mais ce n’est pas pour cela que celles-ci vont connaître une plus-value au terme de l’année 2013.  »

Car, si les amateurs ne manquent pas et que l’unifamiliale est le bien qui se vend le mieux dans la capitale wallonne,  » c’est surtout vrai quand celle-ci ne dépasse pas les 250 000 euros « , pointe Kathalyne Detry. Passé ce cap, les transactions s’allongent et le marché tourne au ralenti. Ce qui n’est pas une mauvaise chose pour autant.  » On retrouve désormais des biens fichés à partir de 175 000 euros ! s’exclame la courtière. Cela ne s’était plus vu depuis 2010, tout au plus 2011.  »

L’autre best-seller en région namuroise est bien entendu l’appartement.  » En dessous de 300 000 euros, il s’écoule plutôt bien, reprend Serge Ledoux. Seuls les bords de Meuse – le Monaco namurois (NDLR : voir notre article en page 102) – atteignent des prix délirants.  » Kathalyne Detry insiste elle aussi sur la question du prix,  » qui doit être juste « . Proportionnellement en effet, les appartements sont autrement plus onéreux au mètre carré que les maisons, car, bien qu’on en construise beaucoup, ils sont toujours en sous-effectif dans la capitale wallonne. Pierre Closon compte, par exemple, deux promotions en portefeuille.  » Le Port du Bon Dieu, pour lequel le rythme de vente est correct. Nous avons écoulé une vingtaine d’appartements en première phase et on attaque à présent la deuxième, à des prix… « bords de Meuse ».  » Mais aussi la résidence Hôtel de la Plage, qui enregistre de bons résultats :  » Hier, quatre appartements sont partis d’un coup !  »

Car il est un public qui est prêt à payer un peu plus pour un appartement neuf et bien situé : les personnes âgées, qui revendent leur villa pour s’installer dans un espace plus petit et facile à entretenir. Mais aussi les investisseurs, qui misent sur une plus-value à la revente, ou, tout simplement, sur une petite rentrée financière mensuelle. Ainsi, les immeubles de rapport subissent eux aussi une forte pression. D’après Serge Ledoux, ils sont particulièrement prisés par quelques gros propriétaires,  » quasi professionnels, qui achètent à tour de bras et sont prêts à mettre des prix corrects pour s’assurer un rendement de 5 à 6 % par an « . Et leurs prétentions ne s’arrêtent pas au centre-ville, pourtant riche en grandes maisons de maître et autres bâtisses à diviser, mais gagnent les couronnes suivantes, jusqu’à Jambes et Belgrade.  » Namur voit un retour assez marqué de l’investissement sur l’immobilier neuf ou existant à transformer en appartements et en kots « , renchérit Pierre Closon.

Moins de nouveaux lotissements

Si la construction choie ses appartements, à l’inverse, elle délaisse les projets de lotissements de maisons.  » Il y en a bien quelques-uns, mais cela ne représente pas grand-chose par rapport au rythme des années 2007-2008 « , se souvient le courtier. Même les particuliers rechignent à sauter le pas et lui préfèrent l’immobilier existant. Il faut dire que le terrain à bâtir n’est pas donné.  » On trouve difficilement 10 ares sous les 110 000 euros dans le Namurois « , note Kathalyne Detry.  » Construire représente un sacré budget, appuie Pierre Closon. Pour un bien de 100 m², à quelque 3 200 euros du mètre carré, on se situe déjà autour de 400 000 euros frais compris. Sans compter le prix du terrain… Obtenir un prêt pour un tel montant est un pari risqué. Les banques sont très frileuses pour le projet terrain-maison, les particuliers ne le savent que trop bien.  » Les promoteurs aussi. Conséquence, en 2012, les terrains à bâtir ont connu une légère décote, affirme le courtier. Et ce malgré leur rareté à certains endroits.

Les gros loyers souffrent

Le marché de la location subit lui aussi le contrecoup de la crise. Et se révèle être  » extrêmement mauvais depuis novembre de l’année passée « , du moins pour une certaine tranche de biens, déplore Serge Ledoux.  » Ceux dont le loyer dépasse 750 euros par mois se louent très difficilement. Et passé 800 euros, c’est peine perdue.  » Un constat que le courtier pose en  » leader du marché de la location  » et que Kathalyne Detry confirme de son côté.  » Le marché locatif est assez compliqué pour l’instant : les logements 1-chambre sont en pénurie et les 2-chambres s’éternisent dans notre portefeuille, les transactions les concernant étant fortement ralenties.  »

La raison ? Serge Ledoux y voit une conséquence de la hausse des prix sur le marché de la vente dès les années 2000, qui se répercute surtout sur les jeunes candidats-acquéreurs.  » Avant, après leurs études, les jeunes couples se tournaient vers la location d’un petit studio ou d’un appartement 1-chambre puis, lorsqu’ils commençaient à travailler, vers un 2-chambres. Ensuite seulement, ils songeaient à l’acquisition.  » Dorénavant, beaucoup de jeunes  » loupent ces étapes intermédiaires  » et soit ne quittent pas le nid familial, soit retournent vivre chez leurs parents lorsqu’ils sont sur le point d’acheter, faisant une croix sur le 2-chambres.  » Pendant la période de travaux, par exemple, ou tout simplement pour économiser un loyer trop important et augmenter leurs fonds propres.  »

Autre explication : la part de plus en plus importante de personnes sans emploi.  » Le marché de l’emploi est instable et les locataires sont à la recherche des plus petits loyers possibles, avance Kathalyne Detry. Leur priorité n’est plus de se loger confortablement, mais de manger.  » La courtière observe par ailleurs une recrudescence des  » locataires à problèmes « , qui étaient  » deux sur cent il y a trois, quatre ans, et sont désormais un sur quatre « .

Par Frédérique Masquelier

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