Avancer, même à 1,2 million

Si la question de son refinancement monopolise l’attention, Bruxelles n’est pas qu’un terrain miné pour les négociateurs fédéraux. C’est aussi une ville confrontée à un nombre important d’enjeux auxquels elle devra faire face, quoi qu’il advienne.

Sauf à considérer que les atermoiements politiques du moment vous laissent totalement de marbre, vous n’êtes probablement pas sans savoir que le sort de Bruxelles est l’un des cailloux les plus tranchants dans la chaussure des négociateurs fédéraux. Le refinancement de la capitale divise, et c’est un euphémisme. Nous en avons déjà longuement disserté dans les colonnes du Vif/l’Express. C’est pourquoi nous avons décidé de ne pas évoquer cette question dans ce dossier. Du moins pas frontalement. Parce qu’avant d’être une pomme de discorde financière, Bruxelles demeure avant tout une capitale qui vit. Et qui ne peut attendre qu’un gouvernement fédéral se forme, se décide et finisse par agir pour avancer.

Pour autant, il serait naïf et malhabile de le nier : sans refinancement, la Région continuera à rafistoler les trous, à gauche, à droite, à jouer à sauve-qui-peut. Cette manne d’argent frais, Bruxelles en a probablement plus besoin que d’autres, voire la mérite plus que d’autres, tant l’activité économique qui y fourmille profite à l’ensemble du pays. Cette manne d’argent, la Région bruxelloise en aura également besoin, et largement besoin, pour répondre aux enjeux majeurs qui se profilent sur son chemin. Le boom démographique qu’elle va devoir gérer en fait partie, sur le haut de la pile même. Les derniers chiffres du Bureau du Plan ne laissent planer aucun doute à ce sujet : la population bruxelloise devrait dépasser le 1,2 million d’habitants d’ici à 2020, voire à 2018 comme l’ont laissé entendre les autorités régionales.  » Je m’étonne que l’on s’inquiète de ce phénomène aujourd’hui, alors que cela fait depuis le milieu des années 1990 que les indicateurs le laissent entendre. On agit une nouvelle fois en pompiers, avec dix ans de retard « , ironise Didier Gosuin (FDF), chef de l’opposition MR au parlement bruxellois. Que ces propos soient fondés ou non, le fait demeure, implacable : cette explosion démographique, essentiellement localisée dans le nord et l’ouest de la ville, va devoir être maîtrisée au niveau de l’offre de logements, d’écoles, de services, d’équipements collectifs et de mobilité… Sans quoi la capitale de l’Europe s’apprête à vivre des moments pénibles.

La mobilité en question

Ce sont principalement ces enjeux-là que nous présenterons dans les pages qui suivent. Comment faire en sorte que les 23 000 nouveaux élèves annoncés d’ici à 2015, tous degrés confondus, puissent trouver chaussure à leurs pieds ? La Communauté française s’est récemment avancée sur la création de plus de 5 600 nouvelles places à Bruxelles dans les six années à venir. Mais il en faudra manifestement bien plus. Pareil en matière de logement, où l’on table notamment sur l’occupation des immeubles vides, sur la transformation des bureaux ou sur la création de résidentiel neuf pour répondre à la demande. Les logements sociaux, sans surprise, tiendront un rôle de choix dans cette perspective.

Mais la capitale est déjà confrontée à un problème aussi prégnant que désagréable : l’engorgement de ses voiries. Asphyxie, pollution, perte de temps : on commence tout doucement à atteindre un point de non-retour. Nous évoquerons ainsi la décision, prise par le gouvernement bruxellois, d’essayer de diminuer de 20 % le trafic automobile à Bruxelles d’ici à 2018. On dit bien  » essayer « , parce que le plan Iris II, malgré ses bonnes intentions, est menacé par le spectre du plan Iris I, aux ambitions quasi équivalentes, mais qui n’a jamais tenu ses promesses. Les autorités bruxelloises se montreront-elles suffisamment fermes pour dissuader les automobilistes de multiplier les trajets inutiles en voiture ? La concertation avec d’autres pouvoirs de décision permettra-t-elle de partager l’effort, notamment en créant des parkings de dissuasion près des gares d’où proviennent les navetteurs ? La Stib répondra-t-elle présent ? Sachant que le trafic bruxellois implique 50 % d’autochtones, qu’en sera-t-il quand la population augmentera encore ? Ces questions, l’administrateur délégué de la Stib, Alain Flausch et la ministre bruxelloise des Transports, Brigitte Grouwels (CD&V), tenteront d’y répondre dans ce dossier.

Un dossier où sera également évoquée la question de la sécurité, au travers notamment de la nouvelle prison, que l’on attend pour 2016 à Haren. Mais également de Cureghem, quartier dés£uvré situé sur le sol anderlechtois, où des policiers fédéraux sont venus prêter main-forte aux forces de l’ordre locales. A travers l’exemple de Cureghem, c’est tout un pan de la réalité bruxelloise qu’il faut garder à l’£il. Comme le souligne avec lucidité Philippe Close, échevin socialiste à la Ville de Bruxelles, en charge du Tourisme et du Personnel :  » Normalement, une ville où le chômage dépasse les 20 % [NDLR : environ 110 000 chômeurs] est à feu et à sang. Il ne faut pas nier les problèmes de sécurité dans la ville, mais on doit tenir à l’£il que pour le moment on arrive à maintenir la marmite. Clairement : si on ne trouve pas une solution structurelle par rapport à cette dichotomie entre les très hauts et les très bas revenus, on risque de ne plus réussir ce miracle pendant longtemps.  » La pauvreté gagne du terrain, les derniers indicateurs sont formels. Résoudre les problèmes de chômage, c’est aussi assurer la formation des jeunes locaux, ou les réorienter vers des professions à potentiel, dans le domaine du tourisme par exemple.

Quid de la fusion des communes ?

Philippe Close sera l’un de nos témoins privilégiés en matière de tourisme. Difficile de nier qu’un certain nombre d’efforts ont été accomplis en la matière depuis une décennie. L’image de Bruxelles s’est améliorée et la capitale commence tout doucement à compter sur la carte des destinations city-trips. Mais on pourrait aller encore plus loin. Via de nouvelles attractions internationales comme le musée Magritte ? Quid de l’impact touristique de l’Europe dans la ville ? Quelles peuvent être les retombées du renouveau annoncé du Heysel, du centre de congrès et du shopping center qu’on y prévoit ? Ces questions seront abordées par nos interlocuteurs communaux et régionaux : un double niveau de pouvoir sur lequel nous nous pencherons également, via la thématique de la fusion des communes. De fait, il n’est pas neuf que dans le nord du pays certaines voix s’élèvent pour dénoncer la gabegie que représenterait la répartition actuelle des 19 communes. Un reproche que les Bruxellois francophones ont tendance à balayer d’un revers de la main. La thématique peut sembler un brin secondaire dans un contexte où la capitale doit faire face à un futur incertain. Mais elle prouve que le nord et le sud du pays divergent sensiblement sur la manière d’envisager l’avenir de Bruxelles.

DOSSIER RéALISé PAR GRéGOIRE COMHAIRE, GéRALD DE HEMPTINNE, ANNE-CéCILE HUWART ET GUY VERSTRAETEN

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