Aux vieux gars d’Atuatuca…

Après trois ans de restauration, le musée gallo-romain de Tongres a rouvert ses portes : hommes de Neandertal, guerriers et légionnaires, on y croise de drôles de cocos.

Les Romains endeuillés, portant un cadavre sur une civière, n’ont vraiment pas la mine engageante. Quant au petit râblé qui vient de terrasser un cheval, en lui plantant un pieu à travers l’encolure, on préférerait ne pas le croiser  » pour de vrai « . Si tous les mannequins hyperréalistes (avec leur peau élastique et poilue) se mettaient ici à prendre vie, genre Nuit au musée, mieux vaudrait décamper… Mais comme, après une pincette autorisée (les visiteurs étant invités à toucher), les bonshommes s’avèrent bien en résine, plus rien ne s’oppose à la découverte de ce lieu étonnant, qui vient de subir un fameux agrandissement. A sa fermeture pour travaux, en janvier 2006, c’était déjà un très beau musée. Cette fois, c’est devenu un très, très beau musée qui fait l’orgueil des habitants de Tongres, la plus vieille ville du pays – et la seule cité romaine de Flandre. Victime de son succès, le Musée gallo-romain n’arrivait plus à gérer adéquatement le flux de ses visiteurs (150 000 par an, dont 10 % de francophones). Injectés principalement par la province de Limbourg dans un ambitieux projet architectural (qui a permis aux citadins de voir enfin, par la même occasion, l’arrière de leur basilique), près de 19 millions d’euros ont désormais hissé cette institution parmi les plus grandes vitrines archéologiques d’Europe. Peut-être un peu arrogant, par les dimensions de ses nouveaux espaces intérieurs, mais remarquablement intégré au site (le centre-ville), le musée offre aujourd’hui un parcours chronologique limpide, qui raconte en quatre moments clés le quotidien des Hesbignons, de la préhistoire au haut Moyen Age.

Plongée dans la pénombre, la salle du rez-de-chaussée évoque la vie des premiers occupants, entre 500000 et 5300 ans avant notre ère. Des structures en zinc monumentales servent non seulement d’écrins à quantité de chopping tools, bifaces, lames, burins et grattoirs, mais aussi de podiums à des mammifères grandeur nature. Un Néandertalien tout nu permet qu’on lui décolle la peau du bassin et qu’on lui caresse une arcade sourcilière décharnée, juste à côté d’un écran où défilent, en dessin animé, les aventures d’un ancêtre qui rêve d’une jolie veste en mammouth… Répondre simultanément aux aspirations des différents publics était un défi des concepteurs. « Une partie des visiteurs veut lire et apprendre, tandis qu’une autre ne s’intéresse qu’à l' »atmos-phère ». Sans compter les écoles… « , témoigne Carmen Willems, directrice du musée. Plutôt que de les présenter dans une zone unique réservée aux enfants, des animations interactives sont donc éparpillées sur tout le trajet, parmi d’autres supports médias multilingues.

Au premier étage, le bois, omniprésent, rappelle que l’agriculture prend peu à peu ses marques. La période qui s’étend de 5300 à 825 av. J.C. laissera quantité de poteries en terre cuite, de meules à grain et de haches polies. La plupart des 2 200 objets authentiques exposés (500 de plus que dans l’ancien musée) sont d’usage courant.  » Nous considérons cette collection comme l’outil majeur dont nous disposons pour raconter une histoire.  » Les objets en métal venus d’Europe centrale, et ceux, prestigieux, placés dans les tombes, montrent ensuite l’apparition d’une élite locale : dès 250 av. J.C., les hommes s’organisent en tribus placées sous le pouvoir de seigneurs de guerre. Rendez-vous est d’ores et déjà pris avec Ambiorix, roi des Eburons, future star, en décembre prochain, d’une expo temporaire…

Reste à décliner la quatrième époque, dédiée à la romanisation de la région. Vers 10 av. J.C., les légions ne se contentent pas d’aménager le réseau des rues d’Atuatuca Tungrorum, l’actuelle Tongres. Ils influencent désormais tous les aspects de la vie, des habitudes alimentaires à la mode vestimentaire, de la législation au culte. Chacun de ces thèmes est traité dans une section de la salle, que dominent une maquette géante de la ville et un écran plat qui détaille, en 3D, tout le contenu d’une riche villa. Après, ce ne sera plus que décadence : les Germains traversent massivement le Rhin. En 406, le système de défense romain va céder, et l’autorité, retirer son armée. Fin de l’empire. Et fin de la visite.

Le Musée gallo-romain se situe 15, Kielenstraat,à Tongres. Infos : 012 67 03 55 ; grm@limburg.be

V.C.

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