© GETTY IMAGES

Autopsie d’une pandémie moderne

Covid-19 est devenu le symbole de la mondialisation. Voilà qu’un virus abolit les frontières, secoue l’économie et la diplomatie internationale, défie les scientifiques de la planète et réveille les peurs. Quel impact le coronavirus a-t-il déjà ? Et demain ? Quel est son coût économique ? L’image de la Chine en sort-elle écornée ? Comment le virus est-il traqué ? Aurait-on pu prévenir la menace ? Notre dossier sur l’épidémie.

Le  » démon  » est sorti de son antre de Wuhan, mégapole industrielle du centre de la Chine, et se répand à travers le monde. C’est ainsi que le président Xi Jinping a qualifié le Covid-19, ce virus responsable de troubles respiratoires aigus, parfois mortels. Plus de 78 000 cas ont été confirmés, pour l’immense majorité chinois, pour un total de plus de 2 000 morts.

Et le démon continue de se répandre à travers le monde, dans une trentaine de pays ou de territoires. Quatre nouveaux pays – l’Irak, l’Afghanistan, le Koweït et Bahreïn – sont à présent atteints. La Corée du Sud et l’Iran se retrouvent en première ligne, avec respectivement le plus grand nombre de cas de contamination et de morts en dehors de la Chine. En Europe, l’Italie déplore désormais sept décès. En moins de quarante-huit heures, elle est devenue le pays le plus touché en Europe. Depuis le premier décès, vendredi dernier en Vénétie, Rome a pris de nombreuses mesures de précaution, dont la mise à l’isolement d’une dizaine de villes du nord. Le carnaval de Venise, qui devait se terminer le mardi 25 février, a été annulé dès le dimanche 23 février. Alors que dans la péninsule arabique, le Mers, un coronavirus hautement pathogène apparu en 2012, continue régulièrement de faire des victimes… sans que personne n’en parle. C’est qu’avec leurs 9 millions et quelque d’habitants, les Emirats arabes unis ne semblent guère effrayants. Parce que la Chine, c’est autre chose. De par sa taille, sa démographie, sa puissance économique, son régime autoritaire, ce pays fait globalement peur : c’est cela aussi qui fait la popularité du coronavirus Covid-19.

Plus aucun pays ne peut se croire à l’abri du coronavirus.

Plus aucun pays ne peut se croire à l’abri du virus. Qui impacte déjà les vies. Pharmacie, tourisme, industrie… La Belgique n’est pas épargnée. Ainsi, la directrice du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva, explique que les conséquences du coronavirus pourraient se faire ressentir à très grande échelle, tant les liens économiques sont nombreux avec le géant chinois. Et si les économistes appellent à relativiser, l’épidémie a au moins cet intérêt : rendre visible – et d’une façon éclatante – notre dépendance économique (lire page 38).

La rapidité avec laquelle le Covid-19 est sorti de Wuhan témoigne, s’il le fallait, de l’entrée de tous les pays dans une santé mondialisée. C’est, ici, son second intérêt : rendre palpable la montée en puissance d’une diplomatie sanitaire et l’importance de la santé dans la stabilité et la sécurité mondiales.  » Etre préparé a donné à certains pays une longueur d’avance, et surtout leur a offert l’avantage de pouvoir très vite se positionner au niveau diplomatique « , décrypte Emmanuel André, médecin microbiologiste à la KULeuven et membre du comité scientifique pour le coronavirus. Ainsi, pour la Chine, il s’agit de démontrer qu’elle n’est plus un pays du tiers-monde, qu’elle possède les capacités de gérer seule la crise sanitaire, refusant ainsi toute aide extérieure (lire page 39). Donald Trump n’agit pas autrement : se vantant que le virus n’a pas atteint le territoire américain, il y voyait le reflet de sa puissance et celui des Etats-Unis… jusqu’à la confirmation de cas.

Au-delà, le coronavirus inquiète ( lire page 36). Que ce soient les différentes formes de pestes durant l’Antiquité et au Moyen Age, la grippe espagnole en 1918, le Sras en 2003, les épidémies sont une constante historique. Elles testent le ciment relationnel entre les pouvoirs publics et les populations, soutiennent les historiens des sciences. Depuis le xixe siècle, les politiques sont davantage jugés sur leurs capacités à protéger les ressortissants. Or, depuis trois décennies, l’opinion jette un regard critique, voire défiant, à l’égard du discours des autorités sanitaires. Des doutes sont émis sur leur maîtrise des crises sanitaires, de la dioxine à la grippe aviaire. Sauf que, comme le rappellent les spécialistes interrogés par Le Vif/L’Express, ce n’est pas un virus en lui-même qui désorganise une société et un gouvernement, c’est surtout la peur…

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire