Aucun parti, à Liège, ne peut jouer l’étonné

Le conseil communal de Liège savait que l’intercommunale Tecteo pouvait devenir une coquille vide. Personne n’a bougé.

Le 25 juin 2012, trois jours avant que l’assemblée générale du groupe Tecteo approuve la création de deux filiales opérationnelles sous forme de sociétés anonymes (Tecteo Services et Resa Services), Jean-Pierre Grafé, qui était encore conseiller communal CDH, avait alerté ses collègues. Mais, passé minuit, il n’y avait plus aucun journaliste. Un  » silence marécageux  » a suivi son intervention. Personne n’a relevé. Ni la majorité (malgré les regards en biais jetés par certains socialistes vers le bourgmestre Willy Demeyer) ni l’opposition.

Très impliqué dans les rouages économiques et politiques de sa région, l’ancien ministre wallon a conservé tous ses réflexes d’avocat d’affaires. Il enchaîne, ce soir-là, les questions.  » Quelles sont les garanties pour que le conseil d’administration de l’intercommunale conserve le contrôle de ses filiales SA dont le capital provient de fonds publics ? Que prévoit exactement le contrat de gestion (NDLR : malgré ses efforts, Grafé n’a jamais réussi à obtenir une copie de ce document) ? Qui constituera le CA de la SA Tecteo Services ?  » Et de demander encore si les administrateurs seront des techniciens ou des politiques qui ne seront plus désignés par les pouvoirs locaux sans garantie de pluralisme.

Avant de s’inquiéter pour le personnel qui risque de perdre son statut, Jean-Pierre Grafé anticipe le fait que le directeur général, en l’occurrence Stéphane Moreau, ne sera plus soumis, ainsi que les membres du conseil d’administration de la nouvelle SA, aux dispositions légales visant la tutelle, les incompatibilités, la limitation des cumuls et du montant des rémunérations dans les institutions publiques et parapubliques. De fait, si, dans son édition du 30 août, le Vif/L’Express attribuait à Moreau 478 000 euros brut de rémunération annuelle (chiffre 2009), une source anonyme fait état aujourd’hui d’une somme indexée de 585 000 euros brut par an, hors avantages, et d’une assurance-groupe qui vaudrait à son bénéficiaire de toucher, à sa pension, un pactole de 2 250 000 euros net. Le sujet reste top secret, donc, invérifiable.

 » Le CA de l’intercommunale ne deviendra-t-il pas une coquille vide ayant perdu tout pouvoir décisionnel alors que l’intercommunale possède près de 99 % du capital des sociétés anonymes ?  » s’interrogeait encore le conseiller communal liégeois. Un an plus tard, l’affaire du rachat des Editions de l’Avenir lui a donné la réponse. Dominique Drion, le président d’arrondissement du CDH de Liège, lui aussi avocat, mais proche de Stéphane Moreau, n’a pas pris un grand risque en réclamant d’urgence la tenue d’un conseil d’administration de Tecteo, le 17 septembre. Car, en réalité, le CA n’a plus rien à dire et il s’est lui-même sabordé, en 2009, en acceptant l’idée de déléguer à une société anonyme et pour une durée de vingt ans  » l’exploitation opérationnelle et journalière des activités du groupe et de ses filiales, en ce compris les tâches stratégiques et confidentielles « . L’assemblée générale de Tecteo a suivi. Avant de s’engager dans cette voie qu’il pressentait risquée, le conseil d’administration avait mis une condition expresse : que l’intercommunale Tecteo garde le contrôle de sa filiale. On voit ce qu’il en est advenu.

Marie-Cécile Royen

 » Un « silence marécageux » a suivi l’intervention de Jean-Pierre Grafé. Personne n’a relevé  »

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