Gérald Papy

Coronavirus : « Au temps de la distanciation, oeuvrer à la cohésion sociale »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le masque de protection est devenu l’emblème des failles de la gestion de la crise du coronavirus en Europe. Sa pénurie renvoie à la désindustrialisation de notre économie et à la dépendance consentie à cette Chine atelier du monde d’où est pourtant partie l’épidémie.

La destruction par la Belgique, il y a trois ans, de ses stocks et leur non-renouvellement, comme nous l’avons révélé, soulignent notre impréparation à penser l’irruption d’une autre pandémie autant qu’ils soulignent les dégâts provoqués par des années d’austérité budgétaire dans des secteurs de la société pourtant – on s’en rend enfin compte aujourd’hui – vitaux et, même économiquement, stratégiques. Son utilisation abusive à des fins privées, dans le cas du modèle FFP2 destiné aux professionnels de la santé, illustre nos égoïsmes mais aussi nos peurs face à un ennemi non maîtrisé et non complètement maîtrisable.

L’épidémie de Covid-19 a donné vie à des solidarités inédites. C’est un acquis qu’il faudra faire fructifier une fois le confinement levé. Mais l’enfermement sera ou apparaîtra encore long à beaucoup. Et on perçoit bien que son prolongement et, potentiellement, son renforcement, combinés à une augmentation des hospitalisations et des décès, vont créer un contexte où les tensions risquent de se multiplier. Pour éviter qu’elles ne dégénèrent, on attend du monde politique de la clarté dans les décisions, leur pédagogie, de l’intelligence dans leur application et le souci de la cohésion sociale.

Malgré nos différences culturelles, les  » deux démocraties «  que nous abritons, et la complexité de nos institutions qui, parfois légitimement, nous est brandie comme une tare rédhibitoire, la Belgique n’est pas l’Etat qui a le moins bien géré la crise sanitaire en Europe. Après avoir privilégié par un déni illusoirement protecteur la stratégie de  » l’immunité collective « , le Royaume-Uni de Boris Johnson s’est résolu à réclamer le confinement de sa population depuis le lundi 23 mars. Les Pays-Bas suivent la même voie mais plus lentement encore. La France a été moins prompte que nous à fermer bars, restaurants, discothèques et marchés publics et a paru, en maintenant le premier tour des élections municipales, adresser des injonctions contradictoires à ses citoyens… Il ne s’agit pas d’établir un palmarès des  » bons  » et des  » mauvais  » élèves. Mais de déplorer que les différences de stratégies sont sources de problèmes supplémentaires et que l’Union européenne – ce n’est pas la faute de l’institution, elle n’en a pas la compétence – est impuissante à imposer une coordination qui serait bien utile.

Assurer une cohérence européenne et la cohésion sociale à l’intérieur des différents Etats est devenu un impératif pour que nos pays sortent de la crise en en limitant les préjudices. Car si la maladie touche indistinctement riches et pauvres, ses conséquences, elles, creusent les inégalités sociales. C’est pour cela que se préoccuper des travailleurs qui ne relèvent pas du secteur hospitalier, des isolés qui ne sont pas atteints par le virus, des sans-abri ou des détenus est aussi important. Pendant et après la crise. Il est en effet essentiel que les efforts qui seront entrepris demain pour relancer rapidement l’économie – en suivant quel modèle ? – n’annihilent pas ceux qui seront requis pour replacer le soin et une solidarité durable au coeur de nos sociétés.

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