Au bord de la crise de mère

Fanny Bouvry

Il aura suffi d’une BD postée sur le Web par la blogueuse Emma, au printemps, pour que la charge mentale supportée par les femmes apparaisse au grand jour.

Elle n’avait pas anticipé le buzz. Lorsqu’en mai, Emma met en ligne une planche intitulée Fallait demander, c’est l’emballement. La blogueuse (emmaclit.com) n’est pourtant pas une pro de la bulle. Ingénieure-informaticienne, elle s’est mise à publier ses dessins sur la Toile en 2016, a sorti une BD, certes, mais cela reste un loisir,  » quand elle a fini le reste « . Des bonshommes schématiques, quelques aplats de couleurs, rien de bien compliqué. Mais ses sujets font souvent mouche, et celui-là en particulier. La trentenaire y raconte son quotidien, celui de toutes ces femmes qui, bien que bossant à l’égal des hommes et ayant des compagnons qui mettent la main à la pâte, se retrouvent aux commandes quand il s’agit d’organiser la maisonnée. Un job de coordination qui vient leur encombrer la tête et porte le nom de  » charge mentale « . En un rien de temps, l’expression est de toutes les discussions. Son post se retrouve partagé 215 000 fois…  » Je ne m’y attendais pas, raconte l’auteure. C’est incroyable qu’un concept féministe soit devenu si populaire en quelques semaines. Quand les femmes ont accédé au marché du travail, elles ont continué de gérer le foyer car leur éducation n’a pas suivi. Et elles n’ont pas arrêté de faire des enfants. L’explosion était inévitable. La BD a servi de déclencheur.  »

Et, en effet, la situation est encore loin d’être équitable. Par-delà le débat qui fait rage sur le harcèlement (lire page 58), c’est dans leur entourage immédiat, aussi aimant soit-il, que les superwomen trinquent. Car en plus de devoir gérer la planification de leur chaumière, elles restent plus actives sur le terrain. Selon des chiffres récents de l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique, les femmes consacreraient 21 h 45 par semaine au ménage et aux enfants, contre 14 h 39 pour les hommes. Une différence qui serait encore plus criante si madame est à temps partiel. Ce qui pousserait nombre de filles à ne pas accepter de postes à responsabilité et qui ferait encore s’éloigner l’idéal de la parité entre sexes, côté boulot.

Forte d’être devenue le porte-parole d’un mal-être peu exprimé mais largement ressenti, Emma sort aujourd’hui le deuxième tome de sa BD Un autre regard (éd. Massot), où figure justement le petit récit qui fit tant de bruit. A bon entendeur, donc.

Fanny Bouvry

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