Athée du  » Dieu  » de Dawkins

J’ai lu avec intérêt votre publication intitulée  » Et si le monde se portait mieux sans Dieu « . Je souhaite formuler les observations suivantes :

1. Croire qu’un monde sans Dieu aurait permis d’éviter les guerres présentes et passées me paraît une vue de l’esprit. Faut-il rappeler que les auteurs des principaux génocides du xxe siècle étaient athées : Staline, Hitler, Pol Pot, pour ne citer que ces trois-là. Dieu a, certes, servi d’alibi pour justifier des entreprises guerrières de tous ordres ayant occasionné de nombreux massacres. Je songe ici, à titre d’exemple, à la conquête de l’Amérique latine par les Espagnols. Telle aussi la constitution de l’Empire britannique, etc. En l’absence de Dieu, d’autres justifications auraient été apportées à l’appui de ces entreprises dont la visée est la volonté de puissance. Dans les événements récents, on aperçoit bien que le terrorisme du Hamas tout comme celui de l’Etat israélien sont aussi et surtout fondés sur la recherche du pouvoir politique et économique, chacun niant le droit de l’autre à exister. Certes, les religions sont chaque fois instrumentalisées. Comment ne pas évoquer à cet égard la politique de George W. Bush dont je ne peux comprendre qu’il se dise chrétien. (…)

2. Je suis chrétien ou, dit plus modestement, j’essaie de l’être. J’ai le plus grand respect pour les personnes qui professent leur athéisme. Encore faut-il préciser que se dire athée est une profession de foi… négative tout comme on peut se dire croyant. Tout le problème consiste à savoir ce que chacun met derrière le vocable  » Dieu « . Pour ma part, je suis en grande partie athée du  » Dieu  » de Dawkins tel que vous en répercutez la pensée. Je ne crois pas à l’utilité de Dieu, même si, pour moi, la foi change tout. Je ne crois pas davantage qu’il faut avoir une foi religieuse pour avoir un comportement altruiste. Je pourrais continuer cette énumération. Cela étant précisé, notre Occident a créé un nouveau  » Dieu « , en fin de compte plus adoré que l’Autre : je parle de l’argent. Nous sommes à l’époque de l’agir et nous avons perdu le sens de la relation. Au nom de la performance économique, on justifie l’injustifiable.

3. Dawkins est probablement un brillant biologiste, mais il est vraiment ignare en matière religieuse. Il confond tout : au nom de la raison, il devient parfaitement irrationnel. Il ne paraît pas avoir compris que la démarche rationnelle, indispensable, n’est qu’un des modes possibles d’accès au réel. En un mot, il manque d’humilité. Il ne sait manifestement pas l’histoire des mythes et que, par nature, le langage religieux est symbolique. Il en a une lecture fondamentaliste. Votre article concerne principalement le christianisme. Or il ne contient pas un mot sur le contenu de celui-ci.

4. Je crois au Dieu de Jesus-Christ, qui, jusqu’à en mourir, a professé l’Amour de Dieu pour l’homme et lui a montré un chemin-cheminement pour être maître de sa propre parole dans la relation avec la parole de l’autre, chaque fois singulier.

5. J’aurais espéré que, par souci de probité intellectuelle, une place équivalente aurait été apportée à des théologiens. Peut-être est-ce partie remise ?

Pierre Blondiau, professeur émérite de l’UCL, par courriel

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