ARTS FORAINS

Marchands de rêve et d’illusion, les saltimbanques envahissent les rues de Namur pour quatre jours de fête et de délire

Pour sa sixième édition, le festival Namur en mai accueillera quelque 350 artistes qui, de chapiteaux en tréteaux et carrousels, nous guideront dans les extravagants territoires des arts forains. Un domaine qui fait la spécificité de ce festival, le seul du genre parmi les arts de la rue, terme générique désignant les différentes formes de spectacles donnés en plein air dans un espace urbain.

Selon Jean-Félix Tirtiaux, organisateur de Namur en mai, le renouveau de ces arts de la rue est lié à Mai 68, tandis que les arts forains proprement dits trouvent leur origine dans les foires marchandes du Moyen Age, où bateleurs, musiciens et jongleurs donnaient des spectacles d’estrade. Il est vrai que la nuance entre les différentes catégories – « arts de la rue », « théâtre de rue » ou « arts forains » – n’est pas évidente pour le commun des mortels. Mais manèges et « entresorts » (très courts spectacles où l’on entre d’un côté et où l’on sort de l’autre), bonimenteurs et banquistes occupent largement le pavé de Namur et justifient pleinement l’appellation contrôlée d' »arts forains ».

Vu le nombre très important d’artistes invités, impossible de détailler toutes les attractions et spectacles de Namur en mai. Rappelons que, tous genres confondus, il existe environ 1 1OO compagnies en activité en Europe, dont 80 en Communauté française de Belgique. Ces artistes se produisent dans un nombre incalculable de festivals, reflets de l’énorme succès populaire de ces manifestations conviviales qui rendent son âme à la ville.

Côté coeur, côté kitsch

Répondant à des codes graphiques précis, l’esthétique des manèges est, pour certains, discutable, mais leur charme est cependant indéniable. Le magnifique « Galopant » des Nalbert, qui fait sa première sortie après restauration, de même que les « Petits Bateaux », de Robert et Roger Godefroid, ou « Les Balançoires de Margot », manèges déclassés dans les foires actuelles, sont ici pris d’assaut. Il ne s’agit pas de copies d’anciens manèges, mais d’oeuvres d’époque, authentiquement kitsch, parfois « rehaussées » de quelques éléments Disney dans le plus mauvais goût du jour.

Mais l’art forain ne se décline pas seulement au passé. Il inspire des graphistes séduits par sa richesse picturale, des mécaniciens de génie ou des sculpteurs en quête de traditions. Namur en mai a invité deux superbes et récents carrousels aux sujets marins, entièrement conçus par de jeunes artistes-artisans et destinés aux petits.

Enfin, les amoureux de fine mécanique seront ravis de pénétrer dans l’antre du « Teatro de Automatas ». En 1951, un forain nommé Antonio Pla a eu la perspicacité de réunir 37 androïdes en bois polychrome, et de préserver le caractère et le style de ce qu’on appelait alors un « Pavillon artistique ». Restauré en 1992, le « Teatro de Automatas » est non seulement le seul du genre en fonctionnement, mais constitue aussi un exemple unique de l’art populaire espagnol, tant par ses thèmes que par l’origine des créateurs de ce « théâtre mécanique en mouvement continu ».

Les avaleurs de sons

S’il est dédié aux arts forains, Namur en mai réserve toutefois une place au théâtre de rue. Par exemple, à côté des Masques de Venise, venus tout droit de la Lagune avec des parodies de l’amour, se produiront le philosophico-désopilant Polichineur de tiroirs, les jongleurs Barto et Osama El Masry, la compagnie de l’Eléphant vert, qui travaille autour de la relation entre le théâtre et le son. Chacun des quatre comédiens du spectacle Les Faunèmes, peuple imaginaire qui peut capter les sons pour les avaler goulûment, a, rivé au corps et invisible du public, une chaîne sonore aux possibilités électroacoustiques étonnantes. Evoluant dans un monde fictif, les acteurs dépendent de la mécanique sonore qu’ils transportent. Mais le « bog » de l’un d’eux, un modèle nouvelle génération reformaté, lui permet de capter directement ce qui se passe dans nos têtes. Les Faunèmes vont alors se détériorer, comme si nos réflexions secrètes secrétaient des germes mortels à la standardisation de la pensée. Un spectacle vraiment étonnant, qui épingle le monde branché, câblé et connecté, avec ou sans libre assentiment.

Namur en mai, du 24 au 27 mai. Tél.: 081-22 20 42. E-mail: infoarts-forains.com

Lucie Van de Walle

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire