Artistes ou Etat indésirables ?

La reprogrammation d’une exposition sur le  » mouvement moderne à Tel-Aviv « , jugée indécente en février dernier à cause des bombardements israéliens sur Gaza, exacerbe le débat sur le boycott culturel.

Le 20 février 2009, l’inauguration, à Bruxelles, de l’exposition intitulée  » La Ville blanche, le mouvement moderne à Tel-Aviv « , consacrée à la cité d’avant-garde bâtie dès les années 1930 sur les collines de Jaffa, n’a pas lieu. Ses organisateurs, La Cambre Architecture et le Centre international pour la ville, l’architecture et le paysage (Civa), jugent in extremis que le cocktail prévu avec l’ambassadeur d’Israël risque d’avoir un goût amer, peu après le pilonnage de la bande de Gaza par Tsahal.

Reprogrammée depuis le 1er avril (1), cette expo alimente toutefois la polémique sur le boycott culturel, une arme non violente qui marque le refus citoyen de consommer des événements artistiques en provenance d’une nation aux agissements ignominieux. A l’heure actuelle, depuis la mise au ban, dans les années 1980, de l’apartheid en Afrique du Sud, il n’existe en réalité plus qu’un seul boycott  » institutionnalisé  » : celui contre l’Etat d’Israël. Le volet culturel n’y fait pas exception, mais pose cependant question. Est-il efficace de pénaliser les créateurs, qui constituent parfois la frange de la population la plus susceptible d’entraîner des changements sociétaux ? Pour autant, la réflexion culturelle justifie-t-elle de frayer avec des gouvernements dont l’action suscite une réprobation internationale ?

Le terrain est miné : que l’on ferme les yeux sur le contexte, et nous voilà politiquement incorrects ; que l’on s’y refuse, et nous voilà engagés dans un processus de rétorsion culturelle. Sans compter que, parmi les arts, l’architecture occupe une position singulière : de par sa capacité à donner vie aux desseins politiques, elle signe une mise en forme durable du pouvoir. Les architectes en sont-ils forcément complices ? Ou peuvent-ils être des acteurs critiques ?

Aujourd’hui, le sujet du boycott culturel israélien est à ce point sensible qu’il vient d’être mis à l’ordre du jour par l’IETM, vaste réseau des arts du spectacle présent dans 45 pays : un tiers des consultés se sont dit prêts à y réfléchir, un tiers d’entre eux ne veulent même pas du débat, un tiers ne se prononce pas. Le boycott compte pourtant parmi ses partisans des artistes et des intellectuels célèbres (Jean-Luc Godard, Ken Loach, Roger Waters, Daniel Barenboïm, Naomi Klein…). Il propose une solution de rechange, qui consiste à accepter des manifestations culturelles israéliennes, tout en refusant catégoriquement toute aide ou subvention de la part d’officiels.

La Cambre et le Civa se sont, en tout cas, faits discrets sur les bailleurs de fonds de leur expo, même si le ministère israélien des Affaires étrangères reste associé. Reste une interrogation : quel avenir pour la  » ville blanche  » si, demain, de nouveaux crimes de guerre sont commis à Gaza ?

(1) Jusqu’au 31 mai, au 19 bis, place Flagey. Infos au 02 642 24 50 ou www.civa.be

V.C.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire