Dr. Knox, par Peter Spiegelman, trad. de l'anglais (Etats-Unis) par Fabienne Duvigneau, éd. Rivages, 448 p.

Around the cloaque

ALos Angeles, le clinquant des limousines et les hauts cocotiers prêtent à l’émerveillement du touriste. Au dos de la carte postale, des quartiers galeux où errent des parias. Junkies, crève-la-faim, putes, clandestins et sans-abri. Ils subsistent à maigres feux, en cohortes muettes. Cette réalité-là, Peter Spiegelman n’est pas censé la connaître. Cador de la Bourse new-yorkaise, il a empoché des millions de dollars à la fin des années 1990. Au lieu d’écouter pousser ses ongles, il s’est voué à l’écriture, sa passion. Etonnamment, ses premiers polars, inédits en français, ratissent les souillures de Wall Street. En fait, Spiegelman n’a jamais été dupe, il a vu le sordide sous les rutilances. Après les pourritures de la Grosse Pomme, il s’attelle maintenant aux cloaques de la Cité des Anges. Dans Dr. Knox, les puissants sont aussi véreux que les truands, le trafic d’humains est un business prospère, et la bonté, un attribut explosif pour peu qu’on lui cherche des poux. Adam Knox colmate la misère dans son dispensaire branlant et, en secret, retape des nababs contre des mallettes de fric, histoire de payer salaires et loyer de son havre de fortune. Ça roule plus ou moins sur les jantes, jusqu’à ce qu’une Roumaine épouvantée lui abandonne son gosse à peine remis d’un choc anaphylactique. En vertu de quoi des caïds russes et des porte-flingue indéterminés déboulent en pagaille, forçant le toubib et son ami Sutter, un ancien des Forces spéciales enfouraillé d’importance, à piquer une tête dans les bas-fonds du pognon. Ils sont pestilentiels. Spiegelman broie du noir et torpille les mirages hollywoodiens sans autres effets de manches que le sarcasme. Il n’a peut-être pas le phrasé raboteux d’un James Ellroy mais, malgré quelques scories, il sait doser le suspense et trifouiller au bistouri les stigmates de la dèche. Paraît que le duo Knox/Sutter, le meilleur atout de l’intrigue, sera bientôt de retour. Un poil ravalé, il pourrait casser la baraque.

Retrouvez l’actualité littéraire aussi dans Focus Vif : cette semaine, notamment, Transit, nouvelle exploration ultralucide d’autres vies que la sienne par l’Anglaise Rachel Cusk, page 34, et Jacqui, monologue intérieur d’un chauffeur de taxi meurtrier entre macabre et humour noir de l’Irlandais Peter Loughran, page 35.

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