Après les fous, les doux du volant

Rouler en consommant moins, en polluant moins et en stressant moins ? C’est jouable.

A condition de se mettre

à l’éco-conduite, financée

par les nouveaux éco-chèques. Reportage dans l’habitacle.

Laurence van Ruymbeke

Sur l’écran tactile, chacun est prié d’inscrire son nom, son adresse e-mail, sa date de naissanceà et le type de carburant utilisé dans sa voiture. Cernés par un triptyque d’écrans, nous voilà face à un volant miniature. A droite, un changement de vitesse qui ressemble à un jouet d’enfant, et, sous la table, trois pédales.  » Bienvenue à cette séance d’éco-conduite, lance l’animateur du réseau Eco-consommation. Nous allons tenter, cet après-midi, de vous initier à cette pratique qui consiste à utiliser son véhicule de la manière la plus efficace possible. Notre but est de vous aider à modifier les habitudes que vous avez prises au volant, afin de vous inculquer de nouveaux réflexes. « 

Dans la salle, les neuf candidats à cet apprentissage sont, sans doute, déjà convaincus. Dans éco-conduite, il y a  » éco « , Coco, comme dans écologie et économie. Par les temps qui courent, ces arguments ne se contestent pas. L’éco-conduite permet d’économiser jusqu’à 20 % de carburant, sans parler de la réduction des nuisances sonores, des coûts de réparation et d’entretien du véhicule, de la pollution et du nombre d’àccidents.

Vous consommez 34 litres/100 km

Assis face à l’écran, les apprentis éco-conducteurs sont prêts à prendre la route virtuelle. Une simple pression sur le bouton rouge à droite – celui de gauche actionne le klaxon ! – du volant et le moteur démarre. L’habitacle de la voiture ressemble à un vrai. Devant les automobilistes en chambre, la chaussée se déroule. Rien de ce qui se passe sur les côtés ne leur échappe, grâce aux rétroviseurs centraux et latéraux. En bas de l’écran, un compte-tours, un indice de consommation de carburant et un compteur de vitesse.

La consigne de l’exercice est simple : on roule en terrain plat, on applique le code de la route classique, et on change de vitesse le plus rapidement possible, dès qu’on atteint 2 000 tours/minute pour un moteur diesel, et 2 500 tours/minute pour un moteur essence.  » Votre régime moteur est trop élevé « , nous lance une voix peu aimable sortie tout droit de l’écran. Très bien : en élève modèle, on s’adapte.  » Votre régime moteur est trop bas « , constate la même dame quelques secondes plus tard. Charmant, ce zoning industriel…

Tiens, un rond-point. Sensible, la pédale de frein réagit à la moindre pression. Patatras : la voiture cale. Redémarrage.  » Attention, votre régime moteur est trop élevé.  » Ça va, ça va, on sait. Tout à coup, des cyclistes dépassent la voiture : le compteur affiche une vitesse de 20 km/h.

Un grand bang se fait soudain entendre. Un autre conducteur, après avoir fait grimper sa voiture sur le trottoir, vient d’emboutir un camion qui roulait pourtant sagement sur sa bande de circulation, à gauche. Son moteur hurle.  » Vous roulez trop vite « , constate placidement la même voix glacée de la même dame. Fin du premier exercice. Sur l’écran de cet automobiliste pressé, l’indice de consommation s’affiche : 34 litres/100 km.  » Je suis déconcerté par cette machine « , commente l’intéressé, placide.

C’est au fabricant automobile japonais Toyota que l’on doit les machines en question. Actuellement, cinq simulateurs de ce type tournent en Communauté française. Des appareils comparables sont utilisés en Flandre. Chacun d’entre eux coûte environ 10 000 euros. Convaincu de l’utilité de l’éco-conduite, Toyota, qui a financé la conception de ce matériel, s’est juste limité à glisser çà et là, dans le paysage qui défile sur l’écran, une publicité pour une de ses voitures.

On aimerait que cette voix se taise, parfois

Déjà, le deuxième exercice commence : il s’agit, cette fois, de suivre un itinéraire balisé de flèches jaunes inscrites sur le sol, en s’appliquant à limiter sa consommation.  » Vous roulez trop près du véhicule précédent « , balance la voix peu amène. On aimerait qu’elle se taise, par moments. Au loin, dans le paysage, des éoliennes. La voiture de devant reste longuement bloquée à un carrefour. Et ma consommation, alors ?

L’animateur propose un premier tour de table.  » C’est difficile parce qu’on n’entend pas bien le moteur « , dit l’une.  » Je me suis payé une zone 30, dit l’autre. Comment voulez-vous que je reste dans un rapport de vitesse élevé à cette allure-là ?  » Puis on parle de la nécessité de penser autrement le recours à la voiture : réfléchir à l’organisation des petits trajets, oser le vélo, le covoiturage, les transports en communà  » Une voiture conduite normalement fait autant de bruit que 40 voitures en éco-conduite, égrène l’animateur. Et après un an d’éco-conduite, le taux d’accidents des automobilistes formés diminue de 30 %. Savez-vous que vous pouvez, en lâchant l’accélérateur, descendre à 30 km/h en 5e vitesse, et cela sans rien consommer ? Les moteurs ont bien changéà « 

Dans l’exercice suivant, l’apprenti éco-conducteur doit tenter d’atteindre les 90 km/h en 30 secondes, en passant par toutes les vitesses, jusqu’à la 5e. Dur, dur !  » En première vitesse, avec ma petite voiture, je consomme 80 litres/100 km, rappelle l’animateur. En deuxième, 45. En troisième, 14,5. En quatrième, 8,5 et en cinquième, 2,5. Le calcul est vite fait : vous devez rouler un maximum en cinquième vitesse parce que c’est celle qui vous coûte le moins cher. « 

Enfin vient l’épreuve ultime : qui va parcourir la plus longue distance avec un dixième de litre de carburant ? Devant moi, un camion déboule sans respecter la priorité de droite. Je freine bloc, mais me retrouve quand même avec la tête dans la bâche arrière du poids lourd. Ou, du moins, j’en ai l’impression, sans avoir bougé d’un pouce sur ma chaise. La voix n’a même pas eu le temps de me dire que j’étais trop près du 30 tonnes. Cette fois, je l’ai mouchée. Maigre consolationà

Laurence van Ruymbeke

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