Applis à la folie

Avec l’iPhone, Apple a ouvert le marché des applications disponibles. Futées ou futiles, elles rendent les utilisateurs accros et… les concurrents dingos.

Dessiner avec un téléphone ? L’idée semble incongrue. Mais depuis le lancement de l’iPhone, par Apple, en septembre 2007, les adeptes ne sont plus à une surprise près. Depuis neuf mois, date de l’ouverture de l’App Store, le magasin mobile accessible en un clic, c’est la folie. Pas une semaine, pas une journée sans l’annonce d’une nouvelle application. Il en existe aujourd’hui près de 40 000 et la barre du milliard de téléchargements a été franchie à la mi-mai.

Il y en a pour tous les goûts. Iconoclaste, telle l’application singeant le bruit des animaux de la ferme, ou accessoire, à l’instar de cette reproduction de la flamme d’un Zippo que l’on peut allumer, ou éteindre, à l’envi. Pratique pour les concerts… Mieux, beaucoup de ces miniprogrammes se sont imposés comme des béquilles du quotidien. C’est le cas d’AroundMe, qui indique les restaurants ou les hôpitaux à moins de dix minutes à pied.  » Il y a une application pour presque tout « , promet, en substance, la pub.

Attirées par des clients qui, à l’origine, avaient un pouvoir d’achat deux fois supérieur à la moyenne, les marques se sont ruées sur l’App Store. Du Guide Michelin au transporteur FedEx, en passant par Volkswagen, qui a mis au point un jeu où le héros se déplace en Polo, ou encore Kraft, qui a lancé une application de recettes, iFood.  » Les marques engagent ainsi la conversation avec le consommateur final « , explique Alexandre Mars, responsable de la stratégie mobile chez Publicis. Sans toujours éviter le faux pas : la première application d’un constructeur automobile avait été mal notée par les mobinautes, ce qui l’a contraint à lancer une nouvelle version.  » Une application n’est pas une stratégie marketing en soi « , prévient Thomas Husson, consultant de Forrester Research, qui incite les marques à bien définir leurs objectifs et leur cible.

Pour Apple, cette diversification tombe à point nommé. En crise de leadership depuis le retrait temporaire de son cofondateur Steve Jobs, le constructeur voit s’essouffler la vente de Mac, ses ordinateurs traditionnels.  » Au cours du dernier trimestre, ils ne représentaient plus que 36 % du chiffre d’affaires, contre 47 % auparavant « , chiffre l’institut de recherche américain Strategy Analytics. L’iPhone a pris le relais. Après des débuts difficiles, il a conquis quelque 22 millions de clients dans le monde. De véritables boosters pour ses applications.

Celles-ci se révèlent être une source inattendue de revenus. Le système est simple : Apple garde 30 % du bénéfice dégagé et en abandonne 70 % aux créateurs. Dans la majeure partie des cas, le gain n’est pas significatif, le prix moyen d’une application tournant, selon l’institut d’études O’Reilly, autour de 2,60 dollars. Mais cela peut devenir très lucratif. A l’image de MyCentrl, facturé un temps 999 dollars, et qui permettait d’être mis en contact avec des gens de haut niveau social. De nouvelles sociétés ont ainsi éclos, à la manière de l’américain Smule, qui a conçu Ocarina, une petite flûte que l’utilisateur actionne en tapotant sur l’écran. Vendue 1 dollar, l’application a été téléchargée 400 000 fois en un mois… Inspiré, le fonds de capital-risque californien Kleiner Perkins Caufield and Byers vient ainsi de lever 100 millions d’euros pour investir dans ce type de start-up.

D’un côté, une plate-forme populaire, de l’autre, des développeurs ravis de trouver un espace d’expression. Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes. A la notable exception… des concurrents, qui n’ont pas réussi à soulever le même enthousiasme. Initiée par Google, la plate-forme Android Market est, pour l’instant, moins riche, tout comme Windows Mobile,signé Microsoft. D’autres projets sont cependant en développement. BlackBerry promet, pour bientôt, une déclinaison mondiale de son App World, aujourd’hui pour l’essentiel canadien et britannique. Et, de son côté, Nokia a lancé le 26 mai un Ovi Store, une plate-forme où figurent déjà 20 000 minilogiciels. Les clients belges devront attendre la fin de l’été pour avoir accès à la totalité du catalogue. Mais les ambitions de Nokia sont de taille : atteindre, en 2011, les 300 millions d’utilisateurs. Quelque 50 modèles de mobiles sont d’ores et déjà compatibles : une offre qui s’enrichit encore avec la sortie du N97.

Chaque utilisateur pourra-t-il accéder à tous ces services, quel que soit son mobile ? Une telle liberté serait un plus. Car le circuit de distribution fermé d’Apple, où la firme à la pomme contrôle à la fois la vente d’applications et de terminaux, suscite de plus en plus de critiques. Fin mai, c’est le Kama-sutra qui a mis le feu aux poudres. L’entreprise de Steve Jobs avait interdit d’App Store un annuaire britannique d’encyclopédies, Eucalyptus, dont l’un des ouvrages faisait référence au traité indien. Avant de se rétracter devant la colère de ses usagers, qui hurlaient à la  » censure « . Cela se mérite, d’être l’accompagnateur de chaque instant.

l Guillaume Grallet

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