Amazonie L’école de la jungle

Grâce à un système high-tech de visioconférence, des milliers d’enfants accèdent, pour la première fois, à l’enseignement. Jusqu’aux villages les plus reculés.

De notre envoyé spécial

L’antenne dans une minute !  » s’écrie le réalisateur depuis la régie où l’horloge indique 18 h 59. Sur le plateau, Paulo Vasconcelos s’efforce de dominer son trac tandis qu’à l’écran défile le générique de l’émission – il représente le visage d’Einstein animé sur un fond de carte du Brésil. Malgré les apparences, et en dépit de la présence d’antennes satellites à l’extérieur du bâtiment, nous ne sommes pas dans un studio de la chaîne TV Globo mais bien dans une salle de classe. Et Paulo Vasconcelos, quoiqu’il en ait l’air, n’est pas animateur d’un show de prime time mais un professeur de mathématiques qui s’adresse par visioconférence à la bagatelle de… 20 000 élèves ! Sagement assis dans 779 salles de cours disséminées sur les rives de l’Amazone, du Rio Negro, et de leurs affluents, ces derniers suivent ses cours sur écran géant, parfois à plus de 1 000 kilomètres de là, grâce à des émetteurs-récepteurs satellites.

Inauguré à Manaus en juillet 2007, le centre d’enseignement à distance de l’Etat d’Amazonas est l’outil high-tech qui révolutionne le savoir au c£ur de la jungle. Trois fois plus vaste que la France, mais peuplé de 4 millions d’âmes seulement, l’Etat d’Amazonas compte 62 communes – et un nombre incalculable de localités – dont seulement quatre sont reliées au réseau routier.  » Les autres ne sont accessibles que par bateau, explique Maria do Socorro, coordinatrice pédagogique. Je connais des élèves qui, avant l’existence de ce nouveau système, résidaient à quatre jours de navigation de l’école la plus proche.  » Circonstance aggravante : la région amazonienne souffre d’une grave pénurie d’enseignants.  » Mais la technologie change tout « , s’enthousiasme Gedeão Amorim, secrétaire d’Etat à l’Education du gouvernement d’Amazonas.

Du lundi au vendredi, de 19 à 22 heures, dans les trois studios du ministère de l’Education de Manaus, une trentaine d’enseignants assurent l’ensemble du programme (du primaire et du secondaire). Après une demi-heure de cours magistral, les élèves disposent de trente minutes pour faire des exercices (supervisés par un  » tuteur  » présent dans la salle de classe) et poser des questions par webcam ou par  » chat  » sur Internet. A Manaus, celles-ci sont traitées en temps réel par l’équipe pédagogique présente en régie.

Une pédagogie adaptée au contexte local

 » Les salles ne désemplissent pas, s’émerveille Maria do Socorro. Et la soif de connaissance des élèves est impressionnante. Nos classes accueillent même des adultes qui, pour la première fois de leur existence, se voient offrir la possibilité d’aller à l’école.  » Naturellement, la pédagogie est adaptée au contexte local, explique le professeur de maths, Paulo Vasconcelos, coiffé de son éternel petit chapeau en cuir noir qui facilite son identification par les téléspectateurs.  » Les problèmes de calcul ne portent pas sur des baignoires qui se vident mais plutôt sur la consommation d’essence des bateaux qui remontent l’Amazone ou le nombre d’hectares détruits par la déforestation.  » Cependant, il ne faut pas croire que les Amazoniens vivent repliés sur eux-mêmes.  » Les animations compensent avantageusement l’absence de livres scolaires illustrés, note le secrétaire d’Etat à l’Education, Gedeão Amorim. Grâce aux images, les élèves en histoire et géographie savent désormais à quoi ressemblent la Joconde ou l’architecture gothique de Notre-Dame de Paris.  » Au c£ur de la forêt amazonienne, le xxie siècle sera multimédia ou ne sera pas.

Axel Gyldén

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