Allemagne Le syndrome Sarrazin

Le passé nazi a-t-il immunisé le pays contre populisme et xénophobie ? Un pamphlet jette le doute.

DE NOTRE CORRESPONDANTE

Parmi les pays européens, l’Allemagne est souvent présentée comme un cas particulier : son passé nazi l’aurait durablement vaccinée contre le virus populiste. Est-ce si sûr ? Une nouvelle formation politique, die Freiheit (la Liberté), jusque-là obscure, a bénéficié d’un coup de projecteur, le 2 octobre dernier, avec la visite de soutien que lui a rendue à Berlin Geert Wilders, le leader néerlandais hostile à la présence de l’islam dans son pays (voir page 57). Le groupuscule entend livrer un combat semblable et se pose en porte-étendard de la défense de la démocratie.

Or c’est aussi le thème d’un livre paru à la rentrée. Deutschland schafft sich ab (L’Allemagne court à sa perte) est un pamphlet de quelque 400 pages écrit par Thilo Sarrazin, ex-membre du directoire de la banque centrale allemande. Le message de l’ouvrage, écrit dans une langue pseudo-scientifique, reste clair : puisque les immigrés – musulmans, en particulier – ne veulent pas s’intégrer et font plus d’enfants que les Allemands, soutient l’auteur, notre pays et notre culture disparaîtront tôt ou tard. En un mois, le brûlot s’est vendu à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires.

Membre du SPD (Parti social-démocrate d’Allemagne), Sarrazin explique qu’il n’a pas l’intention de créer une nouvelle formation politique. Pourtant, environ 20 % de ses compatriotes seraient prêts à voter pour lui s’il franchissait le pas, selon les sondages, et 60 % lui donnent globalement raison. Le SPD a entamé contre lui une procédure d’exclusion, mais de nombreux militants le soutiennentà

 » Les partis, de gauche surtout, ont laissé s’installer un malaise que l’on a préféré nier en raison de notre passé, décrypte Alice Schwarzer, célèbre féministe, auteure d’un livre sur le sujet et pourfendeuse du foulard dans les écoles. Il faut prendre au sérieux la menace islamiste, à l’origine de ce malaise. Sinon, c’est la droite populiste qui s’en empare, comme en Suède. « 

L’establishment politique tente de trouver la parade. Conservateurs, libéraux et sociaux-démocrates rivalisent de propositions visant à faciliter l’intégration des 7 millions d’étrangers résidant en Allemagne (dont environ 4 millions de musulmans).  » La crise de la société allemande n’est pas assez profonde pour qu’un parti populiste s’impose dans le paysage, estime Klaus-Peter Sick, historien associé au centre de recherches en sciences sociales Marc-Bloch, à Berlin. La reprise économique qui s’annonce marginalise les idées extrémistes. Et il n’y a pas de leader charismatique en vue.  » Le charisme, ici, n’est pas toujours un avantage. Voyez Angela Merkel.

BLANDINE MILCENT

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