Algérie Le modèle tunisien ?

Abdelaziz Bouteflika a été réélu avec plus de 90 % des voix. Le régime, comme celui du président Ben Ali, laisse de moins en moins de place à la contestation.

DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE

Comme prévu, l’élection présidentielle algérienne du 9 avril a tourné au plébiscite. Abdelaziz Bouteflika, qui briguait un troisième mandat, voulait une victoire sans appel : il l’a emporté avec 90,24 % des suffrages. Et les services du ministère de l’Intérieur n’ont pas hésité à annoncer une participation record de 74,54 %, malgré la très faible affluence constatée par les observateurs dans les bureaux de vote. Ces chiffres ont été accueillis avec indifférence par les Algériens, qui n’attendaient rien d’un scrutin qu’ils savaient joué d’avance. Dans les milieux intellectuels, ils ont fait monter d’un cran le sentiment d’humiliation.  » C’est un score de sous-dev’ !  » lâche la journaliste et écrivaine Salima Ghezali.

L’Algérie serait-elle en train de s’inspirer du modèle tunisien, ainsi que l’affirme dans une chronique publiée par le quotidien El-Khabar le sociologue Abdenacer Djabbi ? Si les deux premiers mandats d’Abdelaziz Bouteflika se sont traduits par une amélioration de la situation sécuritaire, celle-ci s’est accompagnée d’un renforcement du maillage de la société par les services de renseignement et par la police.  » Le régime est à la fois plus autoritaire et plus présidentiel « , remarque Abdelhamid Mehri, ex-patron du FLN. Les voix dissidentes ont de plus en plus de mal à se faire entendre et la presse, soumise à de fortes pressions économiques, est de moins en moins critique. Comme en Tunisie, il est très difficile, si l’on n’a pas fait allégeance au pouvoir et à ses représentants, d’obtenir une autorisation de l’administration ou une inscription au registre du commerce. Comme en Tunisie aussi, le redressement fiscal est devenu une arme qui vise les contestataires autant que les fraudeurs.

Mais la comparaison s’arrête là. Car le modèle tunisien repose également sur un pacte social. Si les Tunisiens n’ont pas le droit à la parole, la quasi-totalité d’entre eux sont propriétaires de leur logement, bénéficient de services publics qui fonctionnent, de prêts aidés pour acheter une voiture ou un ordinateur. Bref, le quadrillage policier va de pair avec une politique de développement qui, malgré la corruption, profite largement aux classes moyennes. En Algérie, on en est loin, en dépit des promesses. Certes, ces dernières années, des efforts ont été faits dans le domaine des infrastructures : usines de désalinisation, autoroutes, transports en commun. Sans oublier la construction, depuis cinq ans, de 800 000 logements. Mais les besoins du pays sont immenses. Engoncée dans ses archaïsmes économiques et sociaux, l’Algérie n’a pas réussi à se doter d’un secteur productif créateur d’emplois ni d’une véritable politique de redistribution. Schématiquement, elle vend son pétrole et son gaz pour acheter tout ou presque. L’argent des hydrocarbures sert à payer les importations – 40 milliards de dollars par an – à l’origine de juteuses commissions dont profitent un petit nombre de privilégiés qui gravitent autour du pouvoir. Le reste va grossir les réserves en devises de l’Etat. La population, elle, se sent méprisée et condamnée à la  » mal-vie « .

Dominique LAGARDE, AVEC ANIS ALLIK

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