Alfred Courtens, sculpteur de l’existence

Cet été, le musée d’Ixelles met en lumière – et c’est une première ! – l’ouvre riche et diversifiée d’Alfred Courtens. Découverte intimiste.

Bon sang ne saurait mentir ! Dans la famille Courtens, Franz – le père – n’est autre que le chef de file de l’école de peinture de Termonde. Dans un milieu familial si favorable à l’épanouissement artistique, le jeune Alfred présente très tôt de belles prédispositions. Alors que son frère embrasse une carrière d’architecte, Alfred Courtens (1889-1967) s’oriente vers la sculpture. Du naturalisme au réalisme, en passant par le symbolisme, il explore cette discipline tactile de toutes les manières : il modèle la terre à la perfection et des fontes généreuses en sortent ; il taille la pierre et le marbre d’un ciseau expert.

Consacré artiste officiel de la dynastie belge, Alfred Courtens n’est généralement reconnu que pour ses monuments à l’effigie de nos souverains. Ses pièces dominantes ponctuent magistralement nos paysages urbains. D’emblée, on en retient la statue équestre d’Albert Ier au Mont des Arts à Bruxelles ou le monument Léopold II à Ostende. Ces £uvres-là – empreintes de force, de grandeur et de détermination – rencontrèrent à leur inauguration un grand succès médiatique. Patriote dans l’âme, le sculpteur participe après la Première Guerre mondiale au devoir de mémoire. Répondant aux demandes, il réalise de nombreux monuments aux morts dressés pour honorer les combattants qui ont payé de leur vie notre liberté.

Beauté et grâce féminine

Derrière cette facette solennelle, il y a aussi un artiste intimiste doué d’une sensibilité exacerbée. En dehors de toute commande, sa production libre et spontanée nous livre les aspirations profondes de l’homme, ses passions et ses sources d’inspiration. De cette production privée, seul le succès du Caprice (prix Godecharle en 1913) a traversé les générations. Pourtant, les £uvres ici rassemblées forcent l’admiration. Il est alors question de beauté et de grâce féminine à travers la plénitude des formes, d’amour maternel où mère et enfant fusionnent et d’innocence propre à l’enfance.

Attiré par plusieurs tendances, Alfred Courtens ne cessa de se questionner et d’évoluer. Il aborde le réalisme dans la veine d’un Constantin Meunier en captant des sujets pris sur le vif. Il adhère ensuite au symbolisme en exprimant la beauté intérieure et les états d’âme. La femme tient une place de choix, les titres sont évocateurs et poétiques. Apparaissent ensuite des £uvres pétries d’Art nouveau, composées d’arabesques et de courbes allongées. Les sculptures qui suivent empruntent le modelé audacieux de Rik Wouters : la lumière accroche les creux et les pleins de la matière. Dans les années 1940, l’artiste revient à un classicisme inspiré de Georges Grard… Et lorsque Georges Verdavaine lui demande quel a été le guide de son art, l’artiste répond en toute simplicité :  » îil ouvert sur la nature, c£ur pour la sentir, volonté à la traduire.  » Brillant résumé.

Cet événement et la splendide monographie qui l’accompagne – la première de la sorte – sont l’£uvre d’Axelle de Schaetzen, commissaire de l’exposition. Spécialiste amoureuse, elle caresse par ses initiatives la douce ambition de donner à l’artiste une place plus enviable dans l’histoire de la sculpture belge. La place qu’il mérite… enfin !

Alfred Courtens, sculpteur. Musée d’Ixelles, 71, rue Jean Van Volsem, à 1050 Bruxelles. Jusqu’au 9 septembre. www.museedixelles.irisnet.be

GWENNAËLLE GRIBAUMONT

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