Alexandrins à la flamande

Le Theater Zuidpool crée Britannicus, de Racine. Une version contemporaine de cette tragédie passionnelle et politique

Anvers, dans une rue sévère de l’ex-quartier dangereux de la mafia russe, une haute maison, un hangar transformé en théâtre. C’est là que, depuis 1989, travaille le collectif du Theater Zuidpool. Son jeune et nouveau directeur, le metteur en scène Koen de Sutter, sait ce qu’il veut: « Mes huit acteurs ont le regard plus grand que le manteau dans lequel ils jouent: tous sont également dramaturges, créateurs de costumes, décorateurs… Des personnalités disponibles, avec qui je peux creuser chaque fois plus profondément. »

Repéré par Frie Leysen lorsqu’il présentait De Invreter, du jeune Jeroen Olyslaegers, Koen de Sutter relève le défi de présenter Britannicus, de Racine, pour le KunstenFestival des Arts, en néerlandais! Une montagne à gravir… « Nous n’avons pas, en Flandre, de tradition de textes théâtraux. Nous sommes à l’aise avec le réalisme psychologique, avec le jeu venu des tripes, mais pas avec la rationalité et la clarté française du XVIIe siècle. Lorsqu’on voulait monter un classique, dans la plupart des théâtres flamands, on en demandait une réécriture contemporaine. Chez moi, mais aussi sur d’autres scènes, le mouvement s’inverse: je prends une partition originale qui ne supporte pas qu’une note ne soit pas exactement juste. On la sculpte chaque jour, on l’affine. C’est un énorme travail. J’ai demandé à mes acteurs de ne surtout pas penser à « l’art de dire à la manière française », mais de rendre concrets les mots de Racine, avec intensité, émotion et sans faux sérieux. Simple? Pour nous, plus habitués à l’énergie du corps, c’est très compliqué. » La troupe dispose d’une traduction néerlandaise de Laurens Spoor, qui recrée les alexandrins sans chercher la rime.

L’univers de Racine fascine Koen de Sutter: « Ouvrez le journal, toute la dramaturgie racinienne s’y étale: l’essentiel repose sur l’accident, toujours catastrophique, entre la passion et la raison. Et puis, je ne m’imaginais pas à quel point Racine pouvait être un précurseur du Sturm und Drang, du romantisme, avec des personnages tels que Junie et Britannicus! Notre Britannicus se déroulera sur trois plateaux: notre monde, le XVIIe siècle et la Rome antique. Nous jouerons en costumes d’aujourd’hui, en perruques et dans un décor ouvert à l’imagination, entre boîtes de construction enfantines, magasin d’archives, ville entre des collines. »

Au Théâtre Varia, du 4 au 8 mai. Surtitré en français.

M.F.

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