Ahmadinejad, acte II ?

Malgré un bilan économique désastreux, le chef de l’Etat reste apprécié du pays profond. Un atout pour être réélu le 12 juin.

Mahmoud Ahmadinejad peut-il mordre la poussière ? Peu probable, mais pas exclu. Bien sûr, le retrait inexpliqué de son prédécesseur réformateur Mohammad Khatami, annoncé à la mi-mars, a ôté beaucoup de son attrait au scrutin du 12 juin, tout en dégageant l’horizon du tenant du titre. Mieux, la bénédiction implicite reçue un mois plus tôt de l’ayatollah Ali Khamenei conforte l’image de favori du président en exercice. Le Guide de la Révolution, autorité suprême du régime, avait alors brossé un portrait-robot du candidat idéal étonnamment conforme au profil que cultive l’ancien maire de Téhéran :  » Un homme issu du peuple, qui comprend les problèmes des gens et ne cherche pas à rejoindre l’aristocratie.  » D’ordinaire, un tel viatique vaut en Iran investiture. D’autant qu’il verrouille le vote des bassiji – miliciens volontaires – et des Gardiens de la Révolution. Mais il arrive que les urnes désavouent l’oracle venu d’en haut. Ainsi, en 1997, Khatami avait balayé dès le premier tour Ali Akbar Nategh-Nouri, pourtant présenté comme le  » candidat du système « .

Une certitude : si le sort du sortant ne dépendait que de ses performances économiques, Ahmadinejad n’aurait guère de chances de décrocher un second mandat. Car le bilan en la matière de celui qui doit pour l’essentiel sa victoire de 2005 au serment d' » apporter l’argent du pétrole sur la table des humbles  » est, de l’aveu même des caciques de la théocratie chiite, calamiteux. Sa gestion à courte vue de la rente de l’or noir a dopé l’inflation – plus de 25 % par an – et le chômage. De même, maints officiels jugent ouvertement stériles, voire néfastes, les anathèmes millénaristes et obsessionnels dont il bombarde l’Etat d’Israël.

On vante sa simplicité et sa piété rustique

Un signe : faute d’avoir réuni la majorité requise des deux tiers lors d’une consultation interne, l’élu du Guide devra se passer du soutien formel de l’Association du clergé combattant, influente nébuleuse conservatrice. Et au Majlis (Parlement), les tenants de la tradition affichent leurs divisions.

Reste qu’Ahmadinejad, dont les élites urbaines se moquent volontiers, demeure populaire dans l’Iran profond. A la campagne, on vante encore sa simplicité et sa piété rustique.  » C’est l’un des nôtres « , nous confiait en février un paysan, prompt à imputer les échecs du gouvernement à l’entourage du héros, composé à ses yeux de ministres incompétents et d’affairistes. De même, la prétention à incarner la révolte des masses musulmanes contre l’impérialisme occidental, et plus encore l’intransigeance sur le champ de bataille nucléaire, flattent un patriotisme à fleur de peau. Et, décuplant le prix d’hypothétiques concessions à venir, servent dans l’immédiat les calculs de Khamenei. L’enjeu, ancestral, n’a pas changé de nature : assurer au pays un statut de puissance régionale reconnue. Et s’adjuger un siège au banquet des puissants.

VINCENT HUGEUX

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