Affaire Madoff L’heure suisse

La banque UBS était dépositaire de fonds au Luxembourg par lesquels l’escroc américain écoulait ses produits. Des victimes européennes demandent des comptes au géant helvétique.

Pour les fans de thrillers financiers, 2008 – de Kerviel à Madoff, en passant par Lehman Brothers – fut un millésime exceptionnel. Qu’ils se rassurent : 2009 pourrait soutenir la comparaison. En lever de rideau : toujours l’affaire Madoff, loin d’avoir livré tous ses secrets, sur son volet européen notamment.

Comment les produits véreux de l’escroc américain sont-ils parvenus de ce côté-ci de l’Atlantique ? Principalement par le biais de fonds relais – Fairfield Greenwich, Access International Advisors ou encore Optimal – dont une grande part de l’activité consistait à  » vendre du Madoff  » à une clientèle huppée. Beaucoup de victimes européennes, parmi lesquelles la Française Liliane Bettencourt (L’Oréal), sont ainsi passées par Access et sa sicav luxembourgeoise Luxalpha (1,4 milliard de dollars de valeur nette, fin novembre). Installé à New York, Access fut fondé, en 1994, par Patrick Littaye et Thierry Magon de la Villehuchet, deux anciens de Paribas. Désespéré et ruiné par le scandale Madoff, ce dernier s’est donné la mort, le 23 décembre 2008, dans son bureau du 509 Madison Avenue. Access compte aussi parmi ses membres des personnalités connues pour leurs relations au sein du gotha européen : Philippe Junot (voir l’interview page ci-contre), ex-mari de Caroline de Monaco, et aussi, depuis peu, le prince Michel de Yougoslavie.

Où est passél’argent ?

Mais c’est vers une autre institution financière, plus puissante, que les victimes européennes de la fraude se tournent aujourd’hui : le géant suisse UBS, dépositaire de la sicav Luxalpha. Pour l’heure, l’établissement n’a pas donné suite aux demandes de remboursement qui lui ont été transmises. L’association de conseil aux actionnaires Deminor a, elle, d’ores et déjà annoncé son intention de porter plainte contre UBS, ainsi que le britannique HSBC, qui a joué un rôle similaire pour le fonds irlandais Thema. De leur côté, les avocats des plaignants préparent la riposte, en relation avec le cabinet luxembourgeois Wildgen.  » UBS était dépositaire, administrateur et, jusqu’à une date récente, gestionnaire de Luxalpha, argumente Me Emmanuel Asmar. Mes clients ont investi parce qu’ils avaient confiance dans cet établissement.  » Dans le prospectus de vente de Luxalpha, daté d’août 2004, dont Le Vif/L’Express a pu prendre connaissance, la banque mettait d’ailleurs en avant le fait que  » le promoteur du fonds, UBS AG, est l’une des principales institutions financières du monde. Proposant toute une gamme de services commerciaux de négociation, de gestion de risques et de placement [à].  » Un document sur lequel le nom de Madoff n’apparaît jamais.

Où est passé l’argent ? Selon le rapport annuel 2007 de Luxalpha, validé par son commissaire aux comptes Ernst & Young, 98 % des fonds étaient couverts par des bons du Trésor américain à la fin de 2007. Et encore 96 % au 30 juin 2008.  » De deux choses l’une, souligne François Brouxel, avocat au cabinet Wildgen : soit ces bons du Trésor n’existaient pas, soit ils ont disparu. Dans ce cas, où sont-ils ? « 

L’affaire est en tout cas très embarrassante pour la banque helvétique, peu loquace sur le sujet.  » UBS a soutenu la mise en place de cette structure à la demande de clients « , consent à commenter une porte-parole. Au-delà des montants concernés, c’est surtout la réputation de la banque, en pointe dans la gestion de fortune, qui est en jeu. Et une réputation, en matière financière, n’a pas de prix.

Benjamin Masse-Stamberger

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire