Nicolas De Decker

A quoi on reconnaît ceux qui s’opposent à l’establishment

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

L’establishment est une chose sérieuse, sa critique encore plus. Et l’establishment cache beaucoup de choses sérieuses, et sa critique encore plus. Car l’establishment dirige le monde et, de nos jours, on reconnaît ceux qui s’y opposent à ceci de bien précis : ils osent tout, et surtout s’inventer un ennemi aussi commode qu’anonyme, aussi indéfini qu’effrayant, aussi fort qu’inexistant, surtout parce que ça rapporte et parce qu’ils ont peur de perdre.

D’ailleurs le PTB dit qu’il faut lutter contre l’establishment, et le Vlaams Belang encore plus. Et d’ailleurs Denis Ducarme dit qu’il va lutter contre l’establishment, et Rachid Madrane encore plus.

Le Vlaams Belang, dont Denis Ducarme dit qu’il est un poison pour la démocratie, dit qu’il faut lutter contre l’establishment parce qu’il croit que l’establishment belge se compose d’une gauche belgicaine qui cajole les immigrés tout en brimant les Flamands. Ses fondateurs et ses cadres sont des petits-bourgeois fort flamands que la grande bourgeoisie belge empêchait il y a très longtemps d’accéder au pouvoir.

Le PTB, dont Denis Ducarme dit qu’il est un poison pour la démocratie, dit qu’il faut gifler l’establishment parce qu’il pense qu’insulter une classe politique qui n’existe pas en soi est plus profitable que désigner une classe bourgeoise qui existe pour soi. Ses fondateurs et ses cadres sont des petits-bourgeois fort flamands que la grande bourgeoisie belge et flamande empêchera toujours d’accéder au pouvoir, et c’est bien son seul point commun avec le Vlaams Belang.

Denis Ducarme, dont Denis Ducarme dit qu’il est le renouveau de la démocratie, dit qu’il faut lutter contre l’establishment parce que les militants du MR sont des hommes et des femmes libres, et parce qu’on n’est pas en URSS, et parce que Denis Ducarme… Un : est député depuis quinze ans puis ministre d’un grand parti de gouvernement que son papa présidait quand il est devenu député grâce à son papa. Deux : veut succéder au fils du monsieur auquel son père avait succédé. Trois : n’est donc pas membre de l’establishment, c’est à ça qu’on le reconnaît. Et surtout parce qu’il a peur de perdre l’élection à la présidence de son parti.

Rachid Madrane, dont Denis Ducarme ne dit rien, dit qu’il faut lutter contre l’establishment parce que les militants du PS sont des hommes et des femmes libres, et parce que Rachid Madrane… Un : est député depuis quinze ans puis ministre d’un grand parti de gouvernement dont il était le porte-parole bruxellois à l’époque où le papa de sa future vice-présidente en était le président bruxellois. Deux : veut succéder à une amie qui le soutient très fort et qui avait succédé au papa de celle qui sera sa vice-présidente s’il est élu président bruxellois. Trois : n’est donc pas membre de l’establishment, c’est à ça qu’on le reconnaît. Et surtout parce qu’il a peur de perdre l’élection à la présidence de la fédération bruxelloise de son parti, et c’est bien son grand point commun avec Denis Ducarme.

L’establishment est une chose sérieuse, sa critique encore plus. L’establishment cache beaucoup de choses sérieuses, et sa critique encore plus. Les critiques de l’establishment, eux, aujourd’hui, ne sont pas des gens sérieux. Et c’est à ça qu’on les reconnaît.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire