A l’abri du gaz russe, mais…

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Notre approvisionnement gazier n’est pas invulnérable. D’autres dangers le guettent.

La Belgique sort indemne du conflit gazier entre Moscou et Kiev qui, ces derniers jours, a particulièrement frappé l’Europe de l’Est. D’autres maux pourtant pourraient compromettre nos livraisons en gaz.

Ce qui est rassurant

E Des sources diversifiées. Ces dernières limitent l’exposition de la Belgique à la défaillance et aux caprices d’un fournisseur unique. Ainsi, les soubresauts du combustible russe n’affectent que 5 % de notre approvisionnement .

E Des filières sûres. 80 % du gaz naturel que nous importons par pipelines provient des Pays-Bas, de la Norvège et du Royaume-Uni. Autre fournisseur important, mais situé dans une région géopolitiquement plus sensible : le Qatar, qui, en 2007, a pris le relais du gaz algérien, livre par méthaniers 16 % de notre approvisionnement, depuis le terminal gazier de Zeebrugge.

E Des contrats à long terme. Ceux-ci assurent le volume de base d’une bonne partie de notre approvisionnement en gaz à des conditions financières bétonnées.

E Un rôle de plaque tournante. La position centrale du transport gazier belge dans le réseau européen de gazoducs sécurise les livraisons.

E Un contrôle de l’Etat. Une loi en préparation garantira au gouvernement la haute main sur la sécurité d’approvisionnement, en interdisant aux entreprisesgazières de détenir une minorité de blocage (24,9 % des actions, au maximum) au sein du gestionnaire du réseau Fluxys.

Ce qui est inquiétant

E Une dépendance totale. La Belgique importe 100 % de son gaz, et en consomme de plus en plus : 2,3 % de croissance annuelle de 1973 à 2006.

E Des sources en déclin. Les gisements gaziers qui nous alimentent en priorité s’épuisent.  » La Grande-Bretagne est déjà en déclin, celui de la mer du Nord est prévu pour 2010, les Pays-Bas limitent leur production « , souligne Patrick Brocorens, chimiste à l’université de Mons-Hainaut et membre de la branche belge de l’Association pour l’étude du pic de pétrole et de gaz (Aspo). Le salut viendra-t-il du gaz russe ?  » Quand on examine les cartes des gisements gaziers, on comprend pourquoi nous devons être très polis avec M. Poutine « , selon un expert de l’énergieà nucléaire. Mais Patrick Brocorens soupçonne la Russie de surestimer ses réserves en gaz extrayable.

E Des effets sur l’électricité.  » Le gaz est une source importante de production d’électricité. Vu l’interconnexion des réseaux, une perturbation de l’approvisionnement d’un pays européen pourrait entraîner des coupures de courant en chaîne « , poursuit Brocorens.

E Des filières moins transparentes. Dans un marché libéralisé, il devient théoriquement impossible de prévoir quel est le pays d’origine des volumes de gaz contractuellementacheminés vers la Belgique.

E Des capacités de stockage limitées. En cause : l’inaptitude du sous-sol belge. Un seul lieu souterrain de stockage existe, à Loenhout (Campine limbourgeoise). Le russe Gazprom s’est intéressé à un autre site, à Poederlee, avant de renoncer. La Belgique doit donc stocker son gaz chez ses voisins. A l’inverse du pétrole, il n’existe aucune obligation légale de constituer des stocks stratégiques de gaz pour affronter une rupture d’approvisionnement.

E Des achats au comptant (spot). Conclus pour mieux coller les flux gaziers aux variations de la demande, ils sont sensibles à une flambée des prix.

E A la merci d’un choc gazier. Semblable aux chocs pétroliers.  » A la différence que le gaz naturel est plus difficile à transporter que le pétrole. Son mode d’acheminement, par pipelines, dépend de zones qui sont directement reliées à notre pays et susceptibles d’être confrontées à des problèmes locaux « , conclut Brocorens.

Pierre Havaux

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