"La peinture religieuse hante son imaginaire. Il déconstruit les valeurs culturelles et morales. Dans son oeuvre, il n'y a pas de hiérarchie entre le Christ et un homme du peuple." Ecce Homo, 1967. © FERNANDO BOTERO

À fond les formes

Mécomprise et très peu montrée en Europe, l’oeuvre de Fernando Botero méritait qu’on lui rende justice. A Mons, le BAM met en scène toute l’universalité de ce maître du « syncrétisme monumental ». Sélection d’oeuvres commentées par la commissaire de l’exposition, Cecilia Braschi.

Tous ceux qui ne retiennent de la pratique de Fernando Botero (Medellin, 1932) que les nus potelés, adipeux diront les mauvaises langues, en seront pour leurs frais. L’exposition Au-delà des formes, présentée au Beaux-arts Mons (BAM), permet d’embrasser une oeuvre globale et inclusive bien plus vaste que l’étiquette « art moderne périphérique » dont on l’affuble aussi distraitement qu’injustement.

Périphérique? Venu de Colombie, l’artiste n’a pas manqué de pâtir, en termes de reconnaissance s’entend, de cet éloignement géographique envers un marché de l’art que les grandes puissances économiques façonnent à leur image. « Il n’y a pas un seul Botero dans les collections des institutions belges, ni même dans l’espace public », confirme Xavier Roland, directeur du musée montois. Pourtant, c’est bien à un artiste majeur que l’on a affaire. « Ce qui étonne, c’est sa faculté à digérer et s’approprier toute l’histoire de l’art, note la curatrice Cecilia Braschi. C’est un regardeur à l’affût des avant-gardes, on ne se rend pas compte que son travail dialogue avec une foule de courants artistiques, il intègre aussi bien Willem de Kooning, auquel il s’intéresse bien avant tout le monde, que l’abstraction. Son génie est de restituer toutes ces références sous une forme incroyablement harmonieuse, de ce fait accessible à tous. » Si la forme est l’obsession majeure de Botero – pour faire exister celle-ci pleinement dans le champ de l’oeuvre, il n’a de cesse d’étirer et distordre le réel -, il ne faudrait pas, pour autant, faire de lui un esthète retiré dans sa tour d’ivoire. Une bouleversante section consacrée à la série, entamée en 2007, sur la prison d’Abou Ghraib (corpus qu’il a préféré céder à l’université de Berkeley plutôt que le vendre) témoigne d’un plasticien attentif au monde, soucieux d’en panser les plaies.

« Botero s’est installé sans complexe dans l’histoire de l’art occidental. Quarante-six ans après son Autoportrait en Van Eyck, il reprend à son compte Les Epoux Arnolfini en écrasant la perspective. » Les Epoux Arnolfini, d’après Van Eyck, 2006.© FERNANDO BOTERO

Au-delà des formes, au BAM, à Mons, jusqu’au 30 janvier 2022.

Jeune fille perdue dans un jardin, 1959.
Jeune fille perdue dans un jardin, 1959. « Cette composition condense deux références majeures de son travail, nous le montrons clairement dans l’exposition. Elle évoque à la fois une tête olmèque en pierre et un motif populaire du Mexique, l’arbre de vie. »© FERNANDO BOTERO
D'après Piero della Francesca [Double Portrait des ducs d'Urbino] (Diptyque), 1998.
D’après Piero della Francesca [Double Portrait des ducs d’Urbino] (Diptyque), 1998. « Ce diptyque renvoie d’emblée à Piero della Francesca, le double portrait des ducs d’Urbino. Botero a d’abord découvert les chefs-d’oeuvre italiens et français à travers des reproductions. Sur place, il a été déçu par le format réduit. Il les a alors revisités dans le sens de la monumentalité. »© FERNANDO BOTERO
Hommage à Bonnard, 1975.
Hommage à Bonnard, 1975. « Il s’agit d’un hommage à André Bonnard. Botero part du principe que les motifs n’appartiennent à personne. Il choisit de se saisir de ce qu’il voit de manière libre, sans se soucier des canons et des codes de la tradition figurative occidentale. »© FERNANDO BOTERO
Enlèvement d'Europe, s.d.
Enlèvement d’Europe, s.d. « Comme le prouve cet Enlèvement d’Europe, la mythologie est une source importante pour l’artiste colombien. Cette sculpture est imprégnée du « calme souverain et spectaculaire » qui lui est cher. »© FERNANDO BOTERO
D'après Vélasquez [Francisco Lezcano, l'Enfant de Vallecas], 1959.
D’après Vélasquez [Francisco Lezcano, l’Enfant de Vallecas], 1959. « Lorsqu’il est venu en Europe, Botero a d’abord découvert la France. Par la suite, il est allé au Prado où il a vu Francisco Lezcano, l’Enfant de Vallecas, de Vélasquez. Il livre de ce tableau une toile dont la touche liquide et mouvementée emprunte sa substance à l’abstraction. »© FERNANDO BOTERO

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