30 gestes concrets pour l’environnement

Consommer d’une manière écologique n’est pas nécessairement une partie de plaisir. Mais, avec un peu d’imagination, cela peut devenir intéressant pour le portefeuille et la santé. Voire très amusant. La preuve en 30 conseils pratiques

Les Belges sont… formidables. S’il faut en croire les cris de victoire poussés ici et là, ces derniers mois, nous serions de véritables héros de l’éco-consommation. Ainsi, près de 68% d’entre nous trient régulièrement le contenu de leurs poubelles. C’est 12% de plus qu’en 1998 selon Fost Plus, le maître d’oeuvre de la collecte des déchets d’emballage à domicile. Mieux: si nous trions de plus en plus, nous le faisons également avec une efficacité croissante. Il n’y aurait plus « que » 19% de résidus non recyclables, jetés par erreur dans les sacs bleus collectés par cet organisme, contre 25% il y a deux ans à peine. « Les consommateurs sont sur la voie du changement », concluent fièrement, de leur côté, les auteurs d’une enquête du Réseau Eco-consommation. La preuve? 73% des personnes sondées en Wallonie, à la fin de l’année dernière, estimaient que la lutte contre la pollution était un problème « immédiat et urgent ». Ce sentiment d’urgence aurait même augmenté de 5% en un an. Bravo, les as de la poubelle sélective!

De tels résultats ne sont pas vraiment étonnants. Après tout, on ne compte plus les brochures et les messages de toute nature (publicitaires ou autres), relatifs à un style de consommation plus « vert », plus écologique. D’autres indices ne trompent pas. Les parcs à conteneurs et les bulles à verre se multiplient. Depuis 1995, une ligne téléphonique spécifique (071-300 301) dispense des conseils à tous ceux qui se soucient de l’environnement. Eau, énergie, alimentation, mobilité, déchets, bricolage, pesticides: il y en a pour toutes les demandes. A Bruxelles, les « éco-guides » sillonnent les marchés, les écoles, les fêtes de quartier, et jusqu’aux barbecues estivaux, pour distiller leurs informations. Pour compléter cette armée de choc, une nouvelle fonction a été créée il y a peu: celle de « guide » ou de « maître » composteur. Bref, si vous n’allez pas à l’éco-consommation, celle-ci viendra vous trouver chez vous.

Tout irait donc pour le mieux? Pas si vite. Ces vivats relèvent parfois de la méthode Coué. En réalité, nous ne sommes probablement qu’au premier âge d’une consommation vraiment respectueuse des grands équilibres écologiques de la planète. « Trier les déchets, c’est très bien, explique Muriel Piazza, chargée de mission au Réseau Eco-consommation (REC). Mais cela fait dix ans qu’on en parle et qu’on incite les gens à « jeter sélectif ». Eco-consommer, c’est – aussi – mieux utiliser un produit, réfléchir à son bien-fondé, voire revoir en profondeur une foule de choix de vie. Bref, faire bien davantage que gérer autrement sa poubelle. »

Cela, c’est une autre paire de manches. De tels changements s’opèrent difficilement dans une civilisation influencée par le fast-food, le fast-cooking et le fast-shopping (alimentation, cuisine et achats « express ») qui, parmi d’autres inconvénients, multiplient le suremballage jetable. Quant aux mauvaises habitudes, elles sont solidement enracinées: l’analyse des appels téléphoniques reçus à la permanence du REC est significative, à cet égard. Si les demandes les plus nombreuses concernent les déchets, l’eau, la bio-construction et l’électricité, très peu d’appels portent sur les pesticides, la protection de l’air, la mobilité alternative, etc. Or sur ces terrains-là, aussi, l’environnement encaisse de rudes coups, que des modifications de comportement pourraient fortement amortir.

Comment frapper sur des fronts aussi divers? Comment convaincre le consommateur qu’au travers de son assiette sa poubelle ou sa façon de cultiver son jardin il peut, non seulement, comprimer ses dépenses et préserver son environnement local ou sa santé personnelle mais, aussi, peser d’un poids déterminant sur les problèmes environnementaux et sociaux rencontrés à l’autre bout de la planète? Un peu partout dans le monde, la profusion de livres et de brochures sur l’éthique de la consommation, mais aussi – chez nous – le succès de campagnes pour un commerce équitable avec les producteurs du Tiers-monde comme Made in dignity (montée par les Magasins du monde d’Oxfam) témoignent d’une lente évolution: les deux démarches – environnementale et éthique (ou équitable) – convergent de plus en plus.

En témoigne, par exemple, la sortie récente d’un petit guide solidement documenté sur différentes marques de piles, de cafés, de jeans, de peintures et de produits lessiviels ( lire: Pour en savoir plus). Particularité de cet opuscule: il analyse ces produits à la fois sous l’angle du respect de l’environnement (usage de pesticides, érosion du sol, suremballage…) et des conditions de travail du personnel employé pour les produire (législation sociale, sécurité au travail, recours aux enfants, etc.). Le tout, sous l’égide du très officiel ministère belge des Affaires économiques!

C’est là que les difficultés surgissent. Car l’éco-consommation est tout sauf une science exacte. Pris au pied de la lettre ou appliqués sans souplesse, les éco-conseils les plus précis peuvent prêter le flanc à la critique, voire s’avérer antiproductifs. Ainsi, on trouve encore des brochures invitant à placer une brique dans les chasses d’eau sous prétexte d’économiser l' »or bleu ». Mais voyez l’encrassement des tuyauteries, après quelques mois! On demande souvent aux parents de remplacer, à l’école, les « briques » de boisson du repas de leurs enfants par des gourdes, jugées plus écologiques. Mais demandez leur avis aux institutrices maternelles, lorsque 22 enfants glissent une gourde mal refermée dans leur cartable, après le déjeuner…

Au Royaume de l’éco-consommation, les médailles les plus scintillantes ont aussi leur revers. Ainsi, l’hexafluorure de soufre, l’un des gaz utilisés à faible dose dans certains châssis à double vitrage, vantés pour leur qualité d’isolement thermique (et, donc, de réduction de la pollution), est – aussi – un redoutable gaz à effet de serre, bien plus actif que le célèbre dioxyde de carbone. Et l’apposition de l’autocollant « Stop à la pub et à la presse gratuite », sur les boîtes aux lettres de 20 % des ménages bruxellois, ne risque-t-elle pas de priver une frange précarisée de la population d’un précieux revenu d’appoint? Difficile, la consommmation « durable »!

Il est vrai que les éco-conseillers rencontrent bien d’autres difficultés. L’énorme poids de la « machine » publicitaire leur donne bien du souci. Forte d’un chiffre d’affaires de 1,81 milliard d’euros (73 milliards de francs-en 2 000), celle-ci dispose de moyens disproportionnés au regard des budgets dérisoires consacrés à l’éco-consommation. Même les écoles – un terrain visiblement très prisé pour l’éducation à l’environnement – ne sont pas épargnées: accueillies par les enseignants, qui manquent souvent de matériel ludique et attractif, les multinationales de l’agroalimentaire, pour ne citer qu’elles, maquillent habilement leurs desseins publicitaires sous le vernis de la sensibilisation à la santé ou à la protection du milieu naturel. Antoinette Brouyaux, chargée de mission au Centre de recherche et d’information des organisations de consommateurs (Crioc), cite, elle, un autre exemple d’ambiguïté: « La campagne de collecte des piles, si justifiée soit-elle, fait subrepticement passer, dans les écoles, un message qui incite à consommer toujours plus de piles jetables, alors que les alternatives à celles-ci existent bien souvent. »

Plaisir contre sobriété, spontanéité contre rationalité: des matchs perdus d’avance? Pas si sûr. Certes, les stratèges de l’éco-consommation se sentent parfois un peu seuls. Et, en tout cas, trop timidement soutenus par les associations de défense des consommateurs. Assumant tant bien que mal leur image d’éternels « chicaneurs » ou « ringards », dans un monde dominé par le marketing tapageur et gaspilleur, ils se prennent à rêver au grand soir, qui verrait une multiplication d’éco-campagnes où tous les acteurs – publics comme privés, associatifs comme industriels – tiendraient le même discours sur un produit ou une habitude à bannir. Un rêve? Non, la recette a fonctionné à merveille, il y a quelques mois, lors d’une campagne menée en faveur des produits de lessive concentrés sans phosphates ( lire les « 30 gestes », ci-dessous). « Pour faire mouche, une campagne d’éco-consommation doit aussi faire comprendre au consommateur qu’il n’est pas seul dans ses efforts, explique Antoinette Brouyaux. A quoi bon, en effet, l’inciter à économiser l’électricité chez lui si les bâtiments publics ou les commerces continuent à laisser les portes et les fenêtres grandes ouvertes en plein hiver, ou si les industriels se débarrassent de leurs déchets dans la désinvolture la plus totale? »

Voilà donc ces prétendus rabat-joie qui, depuis peu, sortent du bois et n’hésitent plus à nommer les firmes, produit par produit, et à mitonner des messages plus positifs. Fini, le temps des éco-conseils vagues et timides! Cela vaut à leurs auteurs des lettres indignées de producteurs, mis en cause un peu trop rudement à leurs yeux par cette « éco-prose ». Il y a peu, un fabricant de PVC, outré par un fascicule peu valorisant pour son produit, s’est empressé de se plaindre auprès du ministre qui avait fourni les subsides pour la campagne. Mais les éco-conseillers ne se laissent pas impressionner par de tels coups de couteau dans le dos. De plus en plus, ils s’emparent des propres armes de la pub. « Au lieu de messages rationnels – et un peu moralisateurs – du genre « faites ceci parce que c’est mieux pour l’environnement », nous devrions, nous aussi, jouer sur l’émotionnel, suggère un éco-conseiller, et proposer la participation enthousiaste à un projet de société ». Gaies et ludiques, vraiment, les futures sensibilisations à l’environnement propre? On jugera demain.

Philippe Lamotte

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