Paul-Henri Spaak (au centre) : un agnostique humaniste. © Belgaimage

26 mars 1957 : Quand Spaak vantait l’apport du christianisme

Le 25 mars 1957, l’Europe occidentale a les yeux tournés vers Rome. C’est dans la capitale italienne que sont signés les traités créant le Marché commun et Euratom. Paul-Henri Spaak rayonne.

Le ministre belge des Affaires étrangères a joué un rôle décisif dans la négociation des textes.  » Cette fois, les hommes de l’Occident n’ont pas manqué d’audace et n’ont pas agi trop tard « , déclare-t-il au Capitole. Le lendemain, 26 mars, Spaak est toujours à Rome. Invité à la tribune du Centre italien d’études pour la réconciliation internationale, il y tient des propos remarqués. Il soutient en effet que les traités de Rome participent à  » l’immense aventure de la civilisation chrétienne « , que celle-ci  » a apporté une conception particulière de l’homme fondée sur le respect qu’il faut avoir de la personnalité humaine, et que c’est de tout cela que découle le reste.  »

Le propos de Spaak étonne. Car l’homme appartient au Parti socialiste belge. Et dans la Belgique des piliers, il n’est pas dans les habitudes des hommes de gauche de saluer les oeuvres catholiques. De plus, le contexte est particulier. Et même incendiaire. En 1957, la Belgique navigue en pleine guerre scolaire. Ce n’est que fin 1958 que le Pacte sera signé. Et que la tempête sera apaisée.

Le propos de Spaak détonne donc. Mais il réjouit certains. Diffusé sur les ondes de la radio, le discours suscite ainsi des réactions au Vatican. Le 28 mars, Jean-Charles Snoy et d’Oppuers, l’autre signataire belge des traités de Rome, est reçu par Jean XXIII. Le pape jubile : par coeur, il récite certains passages du discours de Spaak.

Mais au fond, comment interpréter ces paroles ? Spaak était-il croyant ? Pas franchement. Agnostique depuis toujours, il ne pouvait d’ailleurs concevoir de quelconque vie au-delà de la mort. Cela ne l’empêchait pas d’avoir  » un certain goût pour les généralités sur la civilisation chrétienne « , comme l’écrira le célèbre historien Jean Stengers. Ni de se montrer parfois très charitable envers son prochain –  » C’est ma manière à moi d’être chrétien « , aimait-il expliquer.

En mai 1961, Spaak récidive. Il accompagne alors le roi Baudouin en voyage à Paris. Dans un discours prononcé au Louvre, le souverain vante les  » valeurs essentielles qui sont à la base de notre civilisation et qui sont l’héritage du christianisme « . Les réactions divergent : dans les milieux catholiques, on salue un  » morceau d’anthologie « . Dans les cercles laïques, on reproche au roi d’avoir opéré un choix en faveur d’un système de valeurs bien déterminé. Et d’avoir ainsi nié le pluralisme de la société belge.

En tant que ministre des Affaires étrangères, Spaak est responsable des propos royaux. Accusé par des membres de sa propre famille politique, il se défend :  » J’ai eu connaissance du discours de Paris. Je l’ai lu, et j’ai demandé au roi le changement d’un ou de deux mots qui étaient des mots politiques. J’avoue que le reste ne m’avait pas choqué, comme il semble avoir choqué d’autres.  » Propos d’un vrai agnostique. Véritablement humaniste.

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