25 ANS D’ANTITERRORISME AVEC ALAIN GRIGNARD

Tous les procès  » terrorisme islamique  » qui se sont tenus en Belgique avaient un ancrage international. Selon le Norvégien Thomas Hegghammer, chercheur à l’université de Princeton et spécialiste de l’islamisme violent, 5 à 10 % des activistes qui, entre 1990 et 2000, ont combattu sur des théâtres de guerre extérieurs, ont ensuite commis des actes terroristes dans leur pays d’origine. L’écrasante majorité a renoncé à la violence. Actif dans l’anti-terrorisme depuis la moitié des années 1980, à la gendarmerie d’abord, à la police fédérale ensuite, Alain Grignard, islamologue à l’Université de Liège, est la mémoire de ce combat dominé par des enjeux internationaux et qui a déjà donné lieu à sept procès spectaculaires (lire en p.49) et d’autres plus discrets, avec 70 condamnations à la clé. Tenu au secret professionnel, le policier distille quelques considérations sur la problématique actuelle des départs de Belges pour la Syrie.  » C’est une destination facile. L’avion n’est même pas nécessaire. On peut s’y rendre en voiture comme on veut. On ne doit pas faire appel à un réseau, le bouche-à-oreille suffit. Les jeunes se font prendre en charge juste après la frontière turque. La médiatisation ne fait rien pour enrayer le phénomène. Si ce conflit attire des jeunes révoltés par l’injustice, mal dans leur peau et tiraillés entre plusieurs identités, d’autres partent également pour des motivations plus glauques, comme celle de se valoriser dans leur quartier. Inspirer de la peur leur paraît le seul moyen d’obtenir le respect. La radicalisation n’a jamais une cause unique. Elle ne peut pas être combattue comme on procéderait à un exorcisme. Il faut quelque chose de socialement plus structuré.  » En attendant, le travail de police et de renseignement est essentiel. Les programmes de  » déradicalisation  » ou de  » réhabilitation  » mis en place pour réinsérer les anciens prisonniers de Guantanamo en Arabie saoudite (avec un boulot, une voiture et une épouse) et au Yémen (où il y a moins d’argent à distribuer) n’ont pas été entièrement concluants. Certains ont replongé dans le terrorisme (20 % de taux de rechute selon le Pentagone américain).  » C’est difficile de sortir du rôle qu’on s’est construit car on risque d’y perdre la face, comprend Alain Grignard. En ce qui me concerne, la démarche empathique est essentielle. Il faut évacuer l’aspect émotionnel et éviter de partir en croisade. J’ai écrit ce que je crois, il y a quinze ans, in tempore non suspecto : « Ni angélisme, ni diabolisation mais n’oublions pas que c’est parfois le regard stigmatisant que l’on porte sur l’autre qui le pousse précisément où on ne voulait pas qu’il aille.  »

M.-C.R.

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