1939, la marche vers la guerre

Il y a maintenant septante ans que débutait la Seconde Guerre mondiale. Le Vif/L’Express revient sur la terrible année 1939 qui vit l’Allemagne hitlérienne s’allier avec l’Italie et la Russie avant d’envahir la Pologne. Une période troublée qu’on ne qualifiera encore que de drôle de guerre…

Il y a septante ans, le 1er septembre 1939 à 4 h 45, le navire école allemand Schleswig-Holstein, mouillant au large du port de Dantzig, ouvre le feu sur le fort de Westerplatte. L’invasion de la Pologne par Hitler commence. Deux jours plus tard, la France et le Royaume-Uni, honorant leurs engagements envers Varsovie, déclarent la guerre à Berlin. La Seconde Guerre mondiale vient d’éclater. L’Europe orientale y entre aussitôt, l’Europe de l’Ouest se donne un délai de huit mois. La Pologne est la première victime de cette tragédie. Le pays s’effondre en moins d’un mois. Les agresseurs, Hitler et Staline, se partagent les dépouilles du vaincu. Vae victis ! A l’ouest, la guerre est déclarée, les armes restent muettes. Une paix sur fond de bruits de bottes et de mobilisation générale règne jusqu’au 10 mai 1940, premier jour de l’offensive allemande contre les Pays-Bas, la Belgique et la France. Roland Dorgelès invente une expression pour cet intermède émollient : la  » drôle de guerre « . Et Paul Léautaud en fait une description dans son Journal littéraire :  » Cette guerre est une curieuse guerre. Pleine de procédés, de façons – nouveaux et mystérieux. [… ] L’Allemagne, qui a déclaré qu’elle n’en a ni à l’Angleterre, ni à la France [… ] se contente de se tenir sur la défensive, et la France et l’Angleterre, qui lui ont déclaré la guerre [… ] attendent, d’après ce que disent les journaux, que l’Allemagne attaque.  »

L’année 1939 commence en septembre 1938. Car la déclaration de guerre du 1er septembre 1939 est la conséquence logique de la reculade de Munich, le 30 septembre 1938 . Après ce  » Sedan diplomatique « , plus rien n’est comme avant. Hitler est convaincu que la France et la Grande-Bretagne, incapables de venir au secours de Prague, n’iront plus mourir pour quiconque. Le Premier ministre anglais, Neville Chamberlain, partisan de l’ appeasement à tout prix, a cédé aux exigences de Hitler, et Edouard Daladier a fini par suivre sa  » gouvernante anglaise « , selon l’expression de l’historien François Bédarida. Le prédateur et ses commensaux peuvent s’inviter à la première d’une série de curées. A la suite de cette reculade, Hitler s’empare des Sudètes, territoire germanophone contigu à l’Allemagne ; la Pologne, de la région de Teschen, dans le nord de la Tchécoslovaquie ; la Hongrie, d’un territoire slovaque. Six mois plus tard, au mépris des engagements de Hitler, les troupes allemandes envahissent ce qui reste de la Bohême-Moravie, et la Slovaquie devient un Etat vassal du Reich. En quelques mois, un pays a été rayé de la carte de l’Europe : la Tchécoslovaquie (voir la carte page 60).

LES  » CAMARADES RACIAUX ALLEMANDS « 

 » Il n’y a que la violence qui puisse apporter une solution au problème allemand, et la violence ne va pas sans risque « , déclare Hitler en 1937 à un petit groupe de fidèles. Quelques mois plus tard, il évoque devant le Reichstag l' » oppression de millions de camarades raciaux allemands  » vivant dans les Etats d’Europe centrale. Hitler dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit. A cette date, bien peu l’ont compris. Le Reich prendra des risques et usera de la violence au nom des minorités germanophones de l’Europe centrale. Il gagnera sur toute la ligne. Le tableau est impressionnant. L’Autriche est annexée en mars, la Tchécoslovaquie est dépecée par petites touches à partir d’octobre, les démocraties capitulent à l’envi, les juifs s’entendent dire qu’ils sont indésirables dans le Reich après le pogrom de la Nuit de cristal, en novembre. 1938 est une très bonne année pour Hitler. C’est aussi une année d’apprentissage, de répétition générale. Les nazis testent leurs méthodes. Ils les affineront au fur et à mesure des conquêtes.

Les Autrichiens sont les premiers à découvrir ce que signifie l' » intégration au Reich « . La poste, les chemins de fer, la monnaie, la fiscalité sont réorganisés sur le modèle allemand. La moitié des officiers sont mis à la retraite anticipée ou affectés à l’administration. Les opposants politiques sont envoyés à Dachau et dans le nouveau camp de concentration ouvert en Autriche : Mauthausen. Des chefs d’entreprise allemands prennent les commandes de firmes autrichiennes. Des ouvriers sont réquisitionnés, puis transférés dans le  » vieux Reich « . Les lois antisémites s’appliquent dans la  » Marche orientale « , le nouveau nom de l’Autriche au sein de la  » Grande Allemagne  » (Grossdeutschland). Les juifs sont exclus de la fonction publique et des professions libérales, dépossédés de leurs entreprises. Bientôt, leurs appartements sont confisqués, au nom de l' » aryanisation « , le projet racial au c£ur de la politique du Reich. Puis commence leur expulsion. Le Bureau central pour l’émigration juive est dirigé par un ex-commercial d’une compagnie électrique nommé Adolf Eichmann. Cobaye suivant : la Tchécoslovaquie. L’administration et le gouvernement – fût-il fantoche – sont maintenus, mais ils sont coiffés par un commissaire du Reich. L’industrie, bien plus développée qu’en Autriche, peut continuer à exporter, etc.

Après Munich, les Français savourent leur  » lâche soulagement « , a-t-on l’habitude de dire, d’un air contrit. Mais tous les Européens sont soulagés de ne pas avoir été entraînés, après 1914-1918, dans une nouvelle guerre. Tous ont payé un lourd tribut à ce conflit, qui sera, ils l’espèrent cette fois, la  » der des der « .

MOURIR POUR DANTZIG

Depuis le traité de Versailles (1919), le territoire de l’Allemagne est traversé par un corridor qui donne aux Polonais un accès à la mer. S’y trouve une ville : Dantzig. Sa population, majoritairement allemande, s’est ralliée aux nazis. Hitler n’a de cesse d’exiger la restitution de Dantzig, la création de voies routières et ferroviaires dans le corridor et la participation de la Pologne au pacte anti-Komintern réunissant l’Allemagne, l’Italie et le Japon. Varsovie refuse catégoriquement. Berlin revient à la charge, à chaque fois de manière plus pressante. Au printemps 1939, la tension monte, au point que le Premier ministre, Chamberlain, donne une garantie officielle que l’Angleterre interviendra militairement si l’indépendance de la Pologne est menacée. La France suit. En avril, Berlin juge que le temps des négociations est révolu. Hitler charge l’état-major d’élaborer un plan d’invasion. Il explicite son dessein devant les militaires.  » L’enjeu de la question n’est pas Dantzig. Il s’agit pour nous d’étendre notre espace vital à l’est et d’assurer notre approvisionnement alimentaire […]. Si le destin nous contraint à un affrontement avec l’Ouest, il est bon de posséder un espace plus étendu à l’est.  » Pour les Allemands, l’invasion de la Pologne comporte un risque : l’intervention des Français et des Anglais. Hitler n’y croit pas, les considérant trop velléitaires à ses yeux. La marche vers la guerre semble inéluctable.

LES PHOTOGRAPHIES PUBLIÉES SONT PRINCIPALEMENT EXTRAITES D’APOCALYPSE. LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE, une série documentaire choc d’Isabelle Clarke et Daniel Costelle, diffusée actuellement sur la Une de la RTBF et sur France 2 en septembre.

Ces clichés, pour la plupart inédits, proviennent de films rangés avec tant de précautions dans les cinémathèques du monde entier qu’on avait fini par les oublier ! Un premier tri a permis de sélectionner six cent cinquante heures de film, à partir desquelles ont été restaurées et montées les six heures de cette série axée sur une vision de la guerre à la fois mondiale et  » à hauteur d’homme  » : celle des chefs et des sans-grade, des soldats et des civils, des victimes et des bourreaux.

emmanuel hecht

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