La bibliothèque du 21e siècle, un lieu qui mêle de plus en plus papier et hight-tech pour un travail optimisé. © Istock

La bibliothèque, nouveau refuge des étudiants

Stagiaire Le Vif

Autrefois lieu de lecture, la bibliothèque du 21e siècle se mue en un lieu de travail apprécié par les étudiants. L’occasion pour eux de mêler calme et concentration dans un des derniers endroits où la connaissance suspend sa course dans le temps.

« La seule chose que tu dois absolument savoir, c’est où se trouve la bibliothèque. »Cette citation, prononcée par Albert Einstein au siècle dernier, sonne aujourd’hui quelque peu datée. Depuis l’apparition du web, et la révolution sans précédent des supports et des contenus d’information que celui-ci a engendrée, la recherche classique basée sur des livres imprimés n’attire plus guère la jeune génération. Et pourtant, la fréquentation des bibliothèques, elle, ne faiblit pas. Un paradoxe ? Pas vraiment. Le lieu a réussi à garder son aura auprès des étudiants désireux de travailler dans de bonnes conditions.

Le retard français

Si, en Belgique, la plupart des universitaires trouvent satisfaction dans les installations à leur disposition, avec une mention spéciale pour les grandes villes et leurs locaux qui s’y prêtent, la France est à la traîne en matière d’accès aux bibliothèques. La faute à une réglementation perçue comme l’un des points noirs de l’université bleu-blanc-rouge, comme l’évoquait Le Monde : « avec leurs 61 heures d’ouverture en moyenne par semaine, contre 65 en Europe et 69 en Allemagne, l’amplitude horaire insuffisante des bibliothèques universitaires (BU) françaises a été régulièrement montrée du doigt ces dernières années. Près de la moitié des 480 BU françaises n’ouvrent pas au-delà de 19 heures. »

Un problème auquel tente de remédier le Ministère français de l’Education Nationale, représenté par la ministre Najat Vallaut-Belkacem et le secrétaire d’Etat de l’enseignement supérieur Thierry Mandon. Tous deux ont proposé en ce début de semaine un plan d’action appelé bibliothèques ouvertes. Son principe : élargir les horaires d’ouverture des bibliothèques universitaires, par exemple, le soir jusqu’à 22 heures, la journée du samedi et même, pour quarante villes, le dimanche après-midi.

Ces demandes de changement font écho à la fameuse loi Macron sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, présentée l’année passée, et dont une disposition prévoyait déjà l’élargissement du temps d’ouverture au dimanche. Un projet dont on a peu reparlé par la suite, la décision finale dépendant avant tout des institutions responsables, universités et communes.

Plus d’espaces, moins de livres

Le plan bibliothèque actuel du cabinet Vallaut-Belkacem devrait être financé à hauteur de 12,7 millions d’euros collectés entre 2016 et 2019 grâce à la participation d’établissements scolaires et universitaires. Une décision qui s’inscrit dans la logique, selon Philippe Emplit, responsable du département des apprentissages académiques de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) ; « depuis plusieurs années, se crée une tendance qui consiste à transformer progressivement les bibliothèques dites ‘classiques’ en des lieux plus adaptés à l’étude. Pour ce faire, les établissements évoluent avec leur époque en adaptant leur catalogue papier sur support numérique, de manière à libérer des nouveaux espaces de travail. »

Plus d’espaces mais pas forcément plus de temps d’ouverture. « Nous essayons, sur le campus du Solbosh, de répondre au maximum à la demande croissante de nos étudiants, poursuit M. Emplit. A ce stade, la plupart de nos locaux ouvrent jusqu’à 20h en semaine, 22 en période d’examens, mais nous sommes évidemment favorables à une extension éventuelle de ces horaires. Cela demandera évidemment du personnel supplémentaire et une sécurité assurée, qui sont des frais à considérer », conclut-il.

D’où vient donc cet intérêt pour la bibliothèque ?

Au-delà de la plus-value intellectuelle qu’elle offre depuis toujours, plusieurs facteurs permettent de comprendre pourquoi, encore de nos jours, la bibliothèque attire autant de jeunes désireux d’y faire chauffer leurs neurones. D’abord, la recherche de calme. « Personnellement, j’ai parfois des problèmes de concentration quand j’étudie chez moi, confie Uyen, 22 ans et étudiante en droit à l’ULB. Par contre, à la bibliothèque, il n’y a moins de distractions et la concentration est bien meilleure. En plus, vu que c’est un vrai cadre d’étude, tout le monde bosse et ça me motive ! »

Etre avec les autres et avancer tous ensemble. Un autre facteur partagé par Laura, 24 ans et étudiante en communication à l’IHECS de Bruxelles. « Tout le monde autour de toi fait la même chose, c’est très stimulant, se souvient-elle de ses périodes de blocus à la KBR, la bibliothèque royale de Belgique. Voir d’autres étudiants me permet de leur poser des questions sur une matière ou l’autre. Ça peut te rassurer de les savoir au même niveau que toi, ou te stresser s’ils avancent plus vite. Mais je vois plutôt ça comme une motivation. « 

Mise à part la recherche de calme, de solitude ou de compagnie, l’état des finances peut également influencer l’étudiant, qui choisira plus facilement la bibli par rapport à un autre lieu extérieur où le prix des consommations est plus élevé. Enfin, le changement d’endroit est un autre atout non-négligeable. « J’ai toujours voulu séparer lieu de détente, comme la maison, et lieu de travail, confirme Laura. Une fois la journée passée à étudier à la bibliothèque, rentrer chez toi permet de faire une cassure et tu éprouves une satisfaction encore différente. »

Reste parfois l’inconvénient des horaires. Si pour Uyen, la bibliothèque des Sciences Humaines, sur le campus de l’ULB où elle étudie, adapte parfois ses journées, la KBR demeure plus stricte. Une politique due à son statut particulier mais qui peut faire grincer des dents. « C’est vrai que la KBR ferme ses portes assez tôt, nous dit Uyen, peu habituée des lieux. Ils n’ont pas vraiment la mentalité scolaire et quand ça ferme à 17h (19 en blocus,ndlr.), c’est 17h et pas une minute de plus. Ils éteignent même les lumières pour nous dissuader. Je trouve ça dommage. »

Qu’elle soit un lieu de travail pour les uns, un pôle de socialisation pour d’autres, à la réglementation restrictive ou plus flexible, la bibliothèque semble bien décidée à jouer encore longtemps un rôle dans l’épanouissement scolaire de nos jeunes.

Guillaume Alvarez

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