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iPhone 5 : l’iStérie décodée

Comment la sixième version d’un gadget high-tech désormais banal parvient-elle encore à déchaîner les passions ? Analyse cartésienne d’un phénomène irrationnel.

Plus long, plus léger, plus fin, plus rapide et adapté à un réseau de téléphonie 4G encore inexistant en Belgique. Voilà, à gros traits, les principales différences entre le nouvel iPhone 5 et son ancêtre l’iPhone 4S… vieux d’un an. Ce qui n’a pas empêché le barnum rituel. Aux Etats-Unis, cinq millions d’exemplaires se sont arrachés les trois premiers jours de son lancement.

A défaut d’Apple Store – les boutiques officielles de la marque – les Belges ont échappé aux scènes de guerre vécues ailleurs : le 28 septembre, Mobistar a pris soin de louer le palais 10 du Heysel ; vente réservée à 1 500 bienheureux qui avaient précommandé, temps d’attente limité à « une heure maximum ». Une « iStérie » à visage humain. Une semaine plus tôt, un iPhone 5 noir de 64 Gb, mis aux enchères sur le blog spécialisé Belgium-iPhone, s’est arraché à 1 300 euros. Quatre cents de plus que le prix officiel. Déraisonnable ? Sans doute. Mais explicable. La recette de cette frénésie commence à être connue. Tour d’horizon de ses principaux ingrédients.

1. LE « STORYTELLING »

Samsung ou Nokia sont des marques ordinaires. Apple, c’est toute une histoire qui se raconte et qui fait rêver. Une histoire qui se confond avec celle de son charismatique cofondateur et ex-PDG, Steve Jobs, dont le décès il y a un an a parachevé le profil messianique. Deux mois plus tard, sa biographie trônait en tête des best-sellers de l’année sur la librairie en ligne Amazon. Au sein de cette saga, la sortie du moindre produit constitue un chapitre. Souvent palpitant. Mystères, rumeurs en pagaille, fantasmes, rebondissements, théâtralisation à outrance : toutes les ficelles narratives sont sollicitées pour tenir le consommateur en haleine. Avec en toile de fond l’ombre de la figure tutélaire, qui aurait supervisé en partie ce nouveau joujou avant sa mort. Un roman.

2. L’IMAGE DE SOI

Acheter un iPhone revient à rejoindre la confrérie des utilisateurs de produits Apple. Des gens réputés jeunes, curieux, novateurs et plutôt à l’aise financièrement. Surtout s’ils possèdent le dernier modèle. « En faisant la file pour obtenir ce smartphone, on communie avec d’autres qui veulent véhiculer la même image, estime Alexandra Balikdjian, psychologue économique à l’ULB et spécialiste des achats compulsifs. On essaie de s’attribuer des valeurs propres au produit. De même, les femmes asiatiques sont prêtes à patienter des heures pour acheter un Vuitton. »

3. LA « RARETÉ »

Chaque fois les mêmes rengaines : les sous-traitants parviendront-ils à tenir les cadences de production ? En aura-t-on un sous le sapin pour Noël ? « Ils avaient déjà fait le coup pour les modèles précédents, souligne la psychologue. Les gens devaient commander, attendre et donc retarder leur plaisir. Ce qui rend la chose beaucoup plus attractive. »

4. LA NORME SOCIALE Si tout le monde achète un iPhone, alors il m’en faut un aussi. Et si tout le monde dit que le nouveau modèle est plus performant, c’est qu’il doit l’être. Lors d’un micro-trottoir, l’animateur américain Jimmy Kimmel a fait tester l’engin à des passants. Chacun s’accordait sur sa supériorité. Plus grand, plus rapide, plus fin, l’air plus solide. Sauf que l’objet qu’ils tenaient en main était… un iPhone 4S. Le modèle précédent, définitivement dépassé.

ETTORE RIZZA

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