Philippe Maystadt

Zone euro : sortir de la stagnation ?

Philippe Maystadt Ex-président de la BEI

La crise financière de 2008, c’était une sorte d’arrêt cardiaque du système financier. Des artères étaient bouchées ; des circuits de financement, en particulier le marché interbancaire, ne fonctionnaient plus.

Le but du traitement est alors de maintenir le patient en vie ; on pare au plus pressé et on réinjecte de l’argent dans les banques pour éviter la faillite générale du système. Ce n’est pas le moment de disserter sur le mode de vie du patient.

Toutefois, comme les crises cardiaques, les crises financières ont des conséquences plus ou moins durables. D’abord, le patient maigrit ; c’est la récession économique. Ensuite, il a moins confiance dans l’avenir car il craint une nouvelle attaque. Cela peut avoir des effets positifs : il peut changer son mode de vie et éviter les excès ; c’est le but des nouvelles règles prudentielles pour les banques. Mais la peur est aussi mauvaise conseillère ; le patient n’ose plus bouger de crainte de provoquer une nouvelle attaque alors qu’au contraire, il devrait refaire du sport et se lancer dans de nouvelles activités. La peur engendre la stagnation.

Le diagnostic de la zone euro : une stagnation prolongée avec des attentes faibles qui maintiennent un niveau d’investissement trop bas.

C’est le diagnostic actuel de la zone euro : une stagnation prolongée avec des attentes faibles qui maintiennent un niveau d’investissement trop bas, ce qui compromet la santé future. L’accent mis trop exclusivement sur l’assainissement budgétaire et sur la « dévaluation interne » (en clair, la réduction des coûts salariaux pour rétablir la compétitivité) maintient la zone euro dans cet état de stagnation. C’est une politique économique qui présente certaines similitudes avec celle que les Alliés victorieux ont imposée à l’Allemagne au lendemain de la guerre 14-18 et que Keynes avait critiquée à l’époque dans son célèbre ouvrage The Economic Consequences of Peace. Aujourd’hui, l’Allemagne économiquement victorieuse et ses quelques alliés imposent cette politique à leurs partenaires de la zone euro. La réalité aujourd’hui, comme alors, est que les débiteurs peinent à payer leurs énormes dettes lorsque le poids de ces paiements s’alourdit avec l’absence de croissance. Le risque aujourd’hui, comme alors, est de voir progresser des partis populistes et eurosceptiques, d’extrême droite ou d’extrême gauche.

Le Plan Juncker d’investissements est un premier signe de la prise de conscience de la nécessité de changer de politique économique. C’est bienvenu mais pas suffisant. Il faut désormais combiner politique monétaire, politiques budgétaires et réformes structurelles de manière telle que le patient se remette à bouger. Politique monétaire : la BCE devrait mettre en oeuvre l’ambitieux programme d’achat d’actifs, y compris de titres de dette souveraine, dont on parle depuis des mois. Politiquesbudgétaires : tout en respectant les règles du « Pacte budgétaire », la Commission européenne doit en exploiter toute la flexibilité en demandant aux pays qui ont une marge de relâcher quelque peu la contrainte budgétaire et en permettant aux pays en récession de ralentir l’effort de réduction du déficit. Réformes structurelles : il s’agit de privilégier les réformes qui augmentent la productivité et donc le potentiel de croissance de l’économie. De ce point de vue, un  » pacte pour un enseignement d’excellence » serait plus important qu’un saut d’index.

Les dirigeants européens doivent décider et coordonner ce changement de politique s’ils veulent que la zone euro sorte de la stagnation, une situation socialement intenable et politiquement dangereuse.

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