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Willy Borsus et les agriculteurs européens jugent les propositions « insuffisantes »

Willy Borsus, le ministre fédéral de l’Agriculture, estime les mesures présentées lundi après-midi par la Commission européenne « insuffisantes et imprécises ». De son côté, le principal syndicat européen d’agriculteurs, le Copa-Cogeca, a regretté cette proposition « bien loin du compte ». Les ministres européens de l’Agriculture se reverront mardi prochain à Luxembourg.

Les ministres européens de l’Agriculture, réunis lundi en conseil extraordinaire, se sont quittés vers 20h00 sans dégager d’accord sur des mesures d’aide au secteur agricole. Ils se reverront mardi prochain à Luxembourg. Déçus, les trois ministres belges de l’Agriculture mettent la pression sur la Commission européenne, dont ils jugent les propositions insuffisantes et imprécises.

Réunis en conseil extraordinaire, les ministres européens de l’Agriculture ont commencé par écouter les propositions de la Commission pour répondre à la crise qui affecte le monde agricole, en particulier les secteurs laitier et porcin. « Il s’agit de mesures insuffisantes et imprécises dont l’impact sur la trésorerie des exploitations sera limité mais aussi de mesures qui, hélas, n’apportent pas de réponses structurelles à la crise agricole », a immédiatement réagi M. Borsus, qui représente la Belgique.

La Commission a annoncé qu’elle débloquait 500 millions d’euros d’aide d’urgence pour les agriculteurs, en particulier les producteurs laitiers. Elle propose également de relancer les exportations, en intensifiant la promotion des produits agricoles européens et grâce à la conclusion de nouveaux accords commerciaux bilatéraux. Pour répondre au manque de liquidités des agriculteurs, elle souhaite permettre aux Etats membres de verser anticipativement, dès le 16 octobre, les aides directes de la politique agricole commune (PAC) à hauteur de 70%.

En revanche, l’exécutif européen s’oppose au relèvement du prix d’intervention pour le lait, l’une des principales mesures réclamées par la Belgique.

Une réponse « indécente », des propositions « imprécises »

« La réponse de la Commission est indécente par rapport à la crise du monde agricole et à la détresse de nombreuses exploitations », regrette René Collin, le ministre wallon de l’Agriculture. Avec son homologue flamande, Joke Schauvliege, il assiste lui aussi à la réunion du conseil (l’agriculture étant une matière largement régionalisée, M. Borsus défend une position déterminée par les ministres régionaux). « La Commission dit avoir débloqué 500 millions d’euros. Mais l’argent issu des ‘super-prélèvements’ (les pénalités payées en 2014-2015 par les producteurs laitiers qui ont dépassé les quotas en vigueur jusqu’au 31 mars dernier, NDLR) équivaut à 860 millions d’euros. Cette somme doit revenir intégralement aux agriculteurs », implore M. Collin.

Comme son collègue fédéral, le ministre wallon considère que les propositions de la Commission sont imprécises. « On ignore d’où viendraient les fonds, comment ils seraient ventilés entre les différentes mesures ainsi que leur répartition entre Etats. » S’il salue la possibilité de verser anticipativement 70% des paiements directs de la PAC, il demande à la Commission de permettre clairement un assouplissement momentané des règles de contrôle.

Mais surtout, le Wallon s’insurge contre le refus de relever le prix d’intervention. Ce prix auquel les Etats membres peuvent racheter puis stocker le beurre et la poudre de lait en attendant que les cours remontent se situe très en deçà du marché. Mais la Commission craint de nuire à la compétitivité en l’augmentant. « Avec plusieurs Etats, on fait le forcing pour obtenir une majorité en faveur d’un relèvement du prix d’intervention de manière temporaire et pour des volumes précis », rapporte René Collin. « On sait que ce n’est pas une solution structurelle mais il faut donner un signal au marché. »

Alors que la France, les pays méditerranéens ou encore l’Irlande y sont favorables, le Royaume-Uni notamment y est farouchement opposé. L’Allemagne ne s’est pas prononcée à ce sujet dans son intervention, relève le ministre CdH. Cet été, la Commission avait déjà dégagé 220 millions d’euros d’aide d’urgence pour les agriculteurs affectés par l’embargo russe.

Pour les agriculteurs européens, la Commission est « loin du compte »

« Il est clair qu’un paquet d’aides de 500 millions d’euros est bien loin du compte pour indemniser les agriculteurs de la perte de leur principal marché à l’exportation, la Russie, qui vaut 5,5 milliards d’euros par an », a déclaré dans un communiqué le secrétaire-général du Copa-Cogeca, Pekka Pesonen.

Le syndicat a organisé, au moment même où les ministres européens de l’Agriculture étaient réunis pour écouter les propositions de la Commission, une manifestation géante à Bruxelles, au coeur du quartier européen. La police belge, déployée en force, a compté quelque 7.000 manifestants et plus de 1.400 tracteurs. « Les agriculteurs européens paient le prix de la politique internationale. Les prix sont inférieurs aux coûts de production dans de nombreux pays et le revenu des agriculteurs la moitié du niveau moyen », a ajouté M. Pesonen.

« Il n’y a eu aucune réponse aux revendications, notamment sur l’embargo russe, que quelques aides. Je considère qu’il y a une forme de mépris », de la part des commissaires « qui ne sont plus dans la vraie vie », a déclaré à l’AFP Xavier Beulin, président de la FNSEA, syndicat français majoritaire dans le monde agricole, présent à la manifestation à Bruxelles.

Parmi les points positifs, le Copa-Cogeca note tout de même des mesures visant à limiter la volatilité des marchés et à promouvoir les produits européens, mais regrette qu’une hausse du prix d’intervention publique pour l’achat de lait en poudre et de beurre ait été écartée.

Le syndicat déplore également l’inaction de la Commission concernant le marché du boeuf. La Commission européenne a proposé lundi un projet d’aide de 500 millions d’euros, répartis entre aides directes et mesures de soutien au marché. Chaque pays recevra une enveloppe selon une répartition qui reste à définir.

L’exécutif européen attendait lundi en fin de journée les réactions de chaque Etat membre pour avancer dans les discussions.

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