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Viktor Orban, l’ancien dissident devenu maître controversé de la Hongrie

Le Vif

Viktor Orban, qui brigue dimanche un troisième mandat consécutif à la tête de la Hongrie, est un ancien libéral devenu défenseur auto-proclamé d’une « Europe chrétienne », assumant un style autoritaire et xénophobe malgré les critiques de ses partenaires européens.

Icône des droites dures en Europe et Outre-Atlantique, le dirigeant de 54 ans a été récemment qualifié de « héros » par Steve Bannon, ex-conseiller du président américain Donald Trump, dans une interview au New York Times.

C’est pourtant en jeune libéral qu’à 26 ans Viktor Orban se fait un nom quand, cheveux au vent et chemise blanche, il défie le régime communiste à Budapest avec un discours enflammé, en juin 1989, pour la liberté, lors d’un hommage aux victimes du Soulèvement de 1956.

Cofondateur un an plus tôt de l’Alliance des jeunes démocrates (Fidesz), il devient le symbole des aspirations de la Hongrie à se libérer du totalitarisme et à adopter les valeurs occidentales.

Premier ministre en 1998, il doit cependant abandonner le pouvoir quatre ans plus tard après une cuisante défaite face au Parti socialiste, héritier des anciens communistes. Une humiliation qu’il n’oubliera jamais.

Revenu au pouvoir en 2010, alors que le pays est profondément ébranlé par la crise économique et par des scandales liés au précédent gouvernement de gauche libérale, il entreprend de cimenter l’emprise de son parti sur toutes les institutions du pays au nom du salut de la « nation hongroise ».

Admirateur de Poutine

Confortablement réélu en 2014, ce père de cinq enfants revendique l’exercice d’une « démocratie illibérale » et proclame son admiration pour le président russe Vladimir Poutine, qu’il est le premier dirigeant de l’UE à accueillir après l’annexion de la Crimée.

Les critiques de l’Union européenne ou des Etats-Unis sur l’atteinte à l’équilibre des pouvoirs ou sur son refus d’accueillir des réfugiés n’ont que marginalement infléchi sa politique.

Au contraire, face à une chancelière allemande Angela Merkel affaiblie, il s’estime aujourd’hui conforté par la politique qu’il a mise en oeuvre lors de la vague migratoire de 2015, érigeant notamment des centaines de kilomètres de clôture barbelée pour bloquer les réfugiés.

Les attentats de Paris de l’automne 2015, perpétrés pour partie par des jihadistes arrivés de Syrie, ont achevé à ses yeux de prouver que l’immigration illégale était un « poison ».

Dans la foulée, Viktor Orban a fait de George Soros son bouc émissaire favori, accusant le milliardaire juif américain, qui finance de nombreuses ONG de droits civiques en Europe, de fourbir un « plan » destiné à noyer l’Europe sous les migrants, dans une campagne aux relents antisémites.

Les ennemis de la Hongrie « ne croient pas au travail mais spéculent avec de l’argent. Ils n’ont pas de patrie mais croient que le monde leur appartient », a-t-il martelé dans un récent discours.

Né le 31 mai 1963, ce passionné de football qui a grandi dans une localité proche de Budapest est pourtant passé par l’université d’Oxford… grâce à une bourse du même George Soros.

Lignes rouges

Opportuniste ou visionnaire ? « C’est la question à un million de dollars », estime Andras Schweitzer, de l’université Eotvos Lorand de Budapest. Une chose est toutefois sûre, selon lui: la plupart des interlocuteurs d’Orban « reconnaissent son talent et son art de comprendre très vite les choses ».

Mais malgré un chômage au plus bas (3,8%) et une croissance dynamique (4% en 2017), une forme de lassitude commence à se faire jour dans un pays miné par le clientélisme. Et le recours systématique à la réthorique anti-migrants semble avoir atteint ses limites.

« La société hongroise est plus intelligente que ça », a reconnu Andras Bencsik, un éditorialiste pourtant proche du parti Fidesz de M. Orban. L’opposition accuse le dirigeant de chercher à occulter les « vrais » problèmes: corruption, santé, éducation, pouvoir d’achat.

Quelle leçon en tirera-t-il ? Pour la plupart des analystes, Viktor Orban est avant tout un « pragmatique » à l’écoute des tendances de fond de la société hongroise et sachant faire machine arrière quand il le juge nécessaire.

Celui qui a été affectueusement appelé « dictateur » par le président de la Commission Jean-Claude Juncker, a ainsi toujours pris garde à ne jamais franchir complètement les lignes rouges, alors que son pays dépend des fonds UE pour la quasi-totalité de ses investissements structurels.

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