Venezuela: une nouvelle année dans l’opposition pour Guaido ?

Le Vif

Juan Guaido cherche dimanche à être réélu à la tête du Parlement vénézuélien, fonction dont il s’était prévalu il y a un an pour se proclamer président par intérim, sans réussir à évincer Nicolas Maduro. Et 2020 devrait s’apparenter à une nouvelle course d’obstacles avec des législatives à l’horizon.

Juan Guaido l’assure : il dispose « de plus de votes qu’il n’en faut » pour être reconduit par ses pairs à la présidence de l’Assemblée nationale. C’est en se prévalant de cette fonction et en invoquant la Constitution que l’opposant s’était proclamé président par intérim le 23 janvier 2019, considérant le deuxième mandat du président socialiste comme « usurpé » après une présidentielle de 2018 jugée « frauduleuse ».

Dans la foulée, une cinquantaine de pays, dont les Etats-Unis et la France, avaient reconnu Juan Guaido comme président par intérim, titre dont il continuera à se prévaloir s’il est réélu à la présidence du Parlement unicaméral dimanche. Et c’est le « scénario le plus probable », à en croire le politologue Luis Vicente Leon. L’opposition, majoritaire dans l’hémicycle, a en effet conclu un accord en ce sens.

Une fois Juan Guaido conforté dans sa double fonction, le bras de fer avec Nicolas Maduro devrait se poursuivre tel qu’en 2019, estime Peter Hakim, du centre de réflexion Dialogue interaméricain. « Maduro va continuer à contrôler le gouvernement avec l’appui de l’armée et Guaido sera le chef de file d’une opposition toujours divisée », explique-t-il. Juan Guaido assure qu’il va « corriger certaines choses, redoubler d’efforts ». En douze mois, son offensive à l’encontre du pouvoir chaviste, s’appuyant sur des sanctions américaines, des manifestations monstres et le soutien de poids lourds latino-américains, tels que le Brésil et la Colombie, ne lui a en effet pas permis d’évincer le successeur d’Hugo Chavez (1999-2013).

Nicolas Maduro jouit toujours du soutien de l’armée, clef de voûte du système politique vénézuélien, et de ses traditionnels alliés cubains, russes et chinois. Mais malgré une popularité en baisse et de récentes accusations de corruption qui touchent son entourage, Juan Guaido reste « la figure politique la plus populaire » au Venezuela, estime Michael Shifter, président du Dialogue interaméricain. Quelque 44% des Vénézuéliens sont en faveur de sa réélection à la tête du Parlement, selon une enquête du cabinet Datanalisis.

Législatives à la clef

Le camp Guaido n’a pas modifié ses exigences d’un iota ces douze derniers mois. Il demande « la fin de l’usurpation », « un gouvernement de transition » et une nouvelle élection présidentielle « libre et transparente ». Mais, prévient Michael Shifter, « une élection présidentielle est hautement improbable » en 2020. « Rien ne laisse penser que le haut commandement militaire soit prêt » à forcer Nicolas Maduro à se soumettre au verdict des urnes malgré l’effroyable crise économique et sociale, ajoute-t-il. Pourtant, un scrutin doit bien avoir lieu cette année, destiné à renouveler l’Assemblée nationale dont la législature de cinq ans arrive à son terme. Nicolas Maduro se veut confiant. Le camp chaviste va « reprendre l’Assemblée » à la faveur de ces législatives, a-t-il assuré mercredi.

L’Assemblée constituante est chargée de convoquer ces élections et d’en fixer la date. Cette assemblée, uniquement composée de chavistes, remplace dans les faits depuis 2017 le Parlement présidé par Juan Guaido, dont toutes les décisions sont frappées de nullité par la Cour suprême. Juan Guaido affirme que l’opposition ne participera pas à des élections convoquées par la Constituante, mais Michael Shifter estime qu’il pourrait devoir se « concentrer » sur ce scrutin, sous peine pour l’opposition de perdre la seule institution qu’elle contrôle.

Face à Juan Guaido, ajoute Michael Shifter, le camp présidentiel pourrait profiter de la décélération de l’inflation (qui devrait tout de même atteindre 200.000% en 2019, selon le FMI) et de pénuries d’aliments moins aiguës. Mais la grande inconnue reste la politique américaine. L’administration Trump a été le principal soutien de Juan Guaido en 2019. Elle a multiplié les sanctions contre Nicolas Maduro et ses alliés. Sans atteindre le résultat escompté. Donald Trump, qui entre en période de campagne pour sa réélection, « va-t-il prendre ses distances par rapport à ce qui s’est avéré décevant ou va-t-il, au contraire, maintenir, voire accentuer, les sanctions? », s’interroge Peter Hakim. En tout cas, avance Michael Shifter, le président américain va continuer sa « rhétorique agressive » car il doit s’attirer le vote cubano-américain et vénézolano-américain, très majoritairement anti-Maduro.

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