Pascal De Sutter

Vendre des armes à nos ennemis et… donner des pansements à nos amis

Pascal De Sutter Psychologue politique à l'UCL

On apprend que la Fabrique nationale de Herstal a reçu le support de l’ensemble du gouvernement wallon (sauf Ecolo) pour signer de juteux contrats de vente d’armes à l’Arabie saoudite. Un pays dont tout le monde sait qu’il finance et aide sans scrupule de très nombreux groupes islamistes liés au terrorisme.

On se doute qu’une partie des armes conçues ou fabriquées en Wallonie se retrouveront ensuite en Syrie, en Libye ou ailleurs aux mains de djihadistes. Nous devons donc assumer le fait que la Belgique contribue indirectement à fournir des armes aux islamistes radicaux. Et, a contrario, que fait notre pays pour combattre l’Etat islamique (EI) (1) ?

Une délégation de notre Sénat s’est rendue sur le front et a pu observer à quel point les soldats kurdes qui combattent au sol l’EI étaient faiblement armés. Notre gouvernement a décidé de les soutenir. Bravo ! On va donc leur fournir en quantité nos excellents fusils Scar et nos très efficaces mitrailleuses Minimi ? Non, pas du tout. La Belgique va leur envoyer du matériel médical ! Vous ne rêvez pas : on fournit des armes à nos ennemis et on refile des pansements à nos alliés.

MILICE KURDE à Raqqa, en juin 2015. Pour eux, pas d'armes belges.
MILICE KURDE à Raqqa, en juin 2015. Pour eux, pas d’armes belges.© RODI SAID/REUTERS

Evidemment, plusieurs facteurs  » politiques » expliquent cette situation ubuesque. D’abord, la Belgique est frileuse à armer correctement les Kurdes parce qu’elle ne veut pas déplaire à la Turquie. Or, les Turcs préfèrent tirer dans le dos des Kurdes plutôt que de combattre l’EI. Choix logique pour Recep Tayyip Erdogan, le président islamiste de la Turquie. Mais quand même assez ahurissant pour un pays supposément allié au sein de l’Otan. Donc, pas d’armes belges aux Kurdes. Ensuite, on vend des armes à l’Arabie saoudite parce qu’elle paie très bien et contribue ainsi à dynamiser l’économie wallonne. Peu importe que les pétrodollars soient tachés du sang de femmes lapidées ou d’opposants démocrates fouettés.

Pas de sensiblerie : des emplois wallons sont en jeu. Je veux bien adhérer à cette logique et admettre que nous vivons dans un monde où se comporter en Bisounours ne garantit ni la paix, ni la prospérité. Soit. Mais alors, il faut être cohérent jusqu’au bout et promouvoir au grand jour la fabrication d’armes wallonnes d’excellente notoriété. Tellement réputées que même les Américains les achètent sous licences pour leurs unités d’élite.

Notre pays recouvrirait peut-être son honneur si des citoyens belges se battaient avec des armes fabriquées en Wallonie pour sauver les minorités atrocement persécutées. Cela changerait des jeunes Belges qu’on retrouve actuellement dans les rangs des djihadistes.

Peut-être la Belgique pourrait-elle déjà commencer par équiper correctement sa propre armée ? Notamment avec le nouveau Scar ou le F2000 de la FN plutôt que de vouloir pitoyablement prolonger la vie des vieux FNC. L’armée slovène a bien fourni à tous ses soldats l’excellent F2000. On pourrait aussi montrer la qualité, la fiabilité et l’efficacité de nos armes en équipant et envoyant des soldats belges volontaires combattre le groupe Etat islamique au sol.

Notre pays recouvrirait peut-être son honneur si des citoyens belges se battaient avec des armes fabriquées en Wallonie pour sauver les Yézidis et d’autres minorités chrétiennes ou musulmanes atrocement persécutées. Cela changerait des jeunes Belges qu’on retrouve actuellement dans les rangs des djihadistes. Dans un contexte de mondialisation et de concurrence impitoyable, on peut se résigner à vendre des armes de la FN à tout le monde. Mais il serait plus intelligent – pour notre propre survie – d’aussi proposer des tarifs préférentiels ou des prêts-bails avantageux à ceux qui défendent la cause de la paix, de la laïcité et de la démocratie dans le monde. Mais rien ne vous oblige à penser comme moi…

(1) Soulignons aussi l’action des pilotes belges qui, au péril de leur vie, effectuent régulièrement des missions au-dessus de l’Irak à bord des six F-16 envoyés pour soutenir la coalition anti-EI.

par Pascal de Sutter

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