© Léa Renaud

USA: Les conventions d’investiture, une histoire tumultueuse

Le Vif

A ceux qui craignent que la convention d’investiture de Donald Trump soit chaotique, l’historienne Doris Kearns Goodwin aime rappeler la haine et la tension qui transformèrent la convention républicaine de 1912 en un spectacle affligeant, fratricide et parfois violent.

« La police était omniprésente à la convention, et l’animosité entre les deux candidats était telle que le New York Times a écrit un éditorial dénonçant ce nouveau système de primaires où les gens, et non les responsables du parti, devaient choisir le candidat présidentiel », explique à l’AFP Mme Kearns Goodwin, historienne experte de la présidence américaine et auteur de livres sur Abraham Lincoln et Lyndon Johnson.

C’était la première fois qu’une petite partie des délégués républicains était désignée par des primaires, et non par les chefs de partis.

A l’époque, l’issue des conventions était imprévisible, car les rassemblements se transformaient en bras de fer entre différentes factions des partis pour amadouer – voire acheter – les voix des délégués, qui n’étaient pour la plupart pas désignés par les électeurs. En 1924 par exemple, il fallut 103 tours de scrutin pour qu’un candidat soit enfin désigné à la convention démocrate.

Mais dans les années 1960, la base commence à réclamer voix au chapitre. En 1968, des manifestations de démocrates ont été violemment réprimées à coups de matraques et de gaz lacrymogènes par la police de Chicago à l’extérieur de la convention. Les protestataires dénonçaient la désignation programmée du candidat de l’appareil, Hubert Humphrey, partisan de la guerre du Vietnam, et qui n’était même pas passé par les primaires.

Avec l’avènement des primaires modernes, depuis la fin des années 1960, les conventions « ont eu moins d’impact car on sait que l’investiture a déjà été scellée par l’un des candidats », dit Mme Goodwin. « Récemment, c’est devenu une campagne de publicité pour le parti et l’unité du parti, avec beaucoup de ballons et de discours ».

Roosevelt, Obama

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Les délégués républicains de 2016 se réunissent à partir de lundi à Cleveland pour quatre jours afin de mettre en scène l’intronisation de Donald Trump pour l’élection de novembre. Mais à l’intérieur et à l’extérieur de la convention, des protestataires opposés au milliardaire populiste et xénophobe pourraient perturber l’événement – même si aucune personnalité de poids ne viendra le défier sur place, préférant boycotter la grand-messe.

« Dans l’histoire récente, il est inhabituel d’avoir un parti aussi divisé que l’est le parti républicain cette année », dit l’historienne. Que peut espérer tirer Donald Trump du rassemblement? « Démontrer au pays et au monde que maintenant qu’il est le candidat, il est capable de contenir ses nerfs », dit l’historienne.

Le discours formel d’investiture, prononcé traditionnellement le dernier jour de la convention à une heure de grande écoute, devrait être son grand moment. En 1968, Richard Nixon réussit dans une certaine mesure à « créer l’image du nouveau Nixon, plus modéré, plus maître de soi, moins en colère », explique Doris Kearns Goodwin.

Le film biographique diffusé en 1992 pour l’investiture du démocrate Bill Clinton, « The Man from Hope », eut également un impact important sur l’image du candidat.

« Mais les deux discours de convention les plus importants de l’histoire, ou au moins du XXe siècle, n’ont pas été donnés par des candidats à la présidentielle », souligne-t-elle.

L’intervention de Franklin Roosevelt, en 1924, fut « fabuleuse », une intervention d’autant plus remarquable que ce fut la première fois que les Américains le découvrirent partiellement paralysé, atteint de la polio. Il sera élu président 12 ans plus tard.

Et en 2004, un jeune candidat au Sénat noir, Barack Obama, acquit une notoriété immédiate grâce à son discours à la convention d’investiture du démocrate John Kerry. « Il peut donc se passer des choses pendant les conventions », conclut Doris Kearns Goodwin, « même si ça ne vient pas des candidats eux-mêmes ».

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