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USA: exécutions en chaîne et dans l’urgence avant la date de péremption des injections

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

La peine de mort est toujours en vigueur dans l’Etat de l’Arkansas, aux USA. Alors qu’il n’y avait plus eu d’exécutions depuis 2005, sept sont prévues dans un laps de temps très court. La cause: l’un des produits utilisés pour exécuter les condamnés à mort arrive à la date de péremption.

L’Arkansas fait partie des trente états américains où la peine de mort est toujours d’application. Jusqu’en 1930, l’Etat a utilisé la pendaison comme mode d’exécution, la chaise électrique fut introduite dès 1913 et resta en usage jusqu’en 1964. Suspendue durant neuf ans, la peine capitale fut rétablie en 1973, et en 1983, l’injection létale se substitua à l’électrocution.

La dernière exécution par injection létale a eu lieu en 2005. Dans les prochains jours, les autorités pénitentiaires se préparent à mener une sérié d’exécutions, 7 au total, dans des circonstances précipitées. En cause: la date de péremption de l’une des trois drogues utilisées pour exécuter les prisonniers arrive à péremption. Le Death Penalty Information Center, qui milite contre la peine capitale, a qualifié cette situation d’ « atypique », rapporte Le Monde.

Comme l’explique le correspondant de RFI à Whashington, Jean-Louis Pourtet, la majorité des exécutions aux Etats-Unis se fait par une injection létale de trois drogues dont l’une est un sédatif – le midazolam – qui permet en principe au condamné de ne pas sentir la douleur. Mais les stocks de cette drogue que l’Arkansas a en réserve atteindront leur date de péremption à la fin du mois d’avril.

Les autorités pénitentiaires ne veulent, dès lors, pas risquer que le médicament ait perdu de son efficacité. Elles ont décidé d’accélérer les exécutions avant sa date d’expiration et de planifier 7 exécutions en l’espace de 10 jours. Sept criminels, trois blancs, quatre noirs, tous condamnés pour meurtre, doivent être exécutés au rythme de deux par jour. Un rythme qui reste inédit pour un Etat depuis que la Cour suprême américaine a rétabli la peine de mort en 1976.

« Une situation atypique »

Cité par Le Monde, le gouverneur républicain, Asa Hutchinson, a assuré qu’il aurait préféré voir ces exécutions étalées « sur plusieurs mois ou plusieurs années », mais que « les circonstances » ne lui laissaient pas le choix.

Les laboratoires pharmaceutiques, dont de nombreux européens, sont ouvertement opposés à la peine de mort. Ils refusent souvent de fournir les sédatifs aux prisons américaines qui recourent alors à des expédients à l’origine d’agonies dramatiques de condamnés. Ce fut le cas en 2014 dans l’Arizona où un condamné à mort a succombé près de deux heures après avoir reçu l’injection d’un cocktail létal. D’autres cas similaires d’ « exécution ratée » ont été répertoriés dans l’Ohio où un condamné ayant reçu ce cocktail de produits, Dennis McGuire, est décédé après 25 longues minutes de suffocation. En 2013, l’Arkansas a adopté une loi permettant de masquer l’identité des fournisseurs, pour éviter qu’ils soient soumis aux pressions des abolitionnistes.

« Un risque important de grave douleur »

En 2015, la Cour suprême des Etats-Unis avait pourtant validé le remplacement de l’anesthésique autrefois utilisé, le thiopental, par l’anxiolytique incriminé, le midazolam, dont les experts assurent qu’il ne peut garantir l’endormissement avant l’injection d’un paralysant, puis d’un troisième produit provoquant l’arrêt cardiaque.

L’anxiolytique en question n’est cependant pas homologué comme anesthésiant par la Food and Drug Administration, et son inventeur, Armin Walser, qui a mis au point ce produit plus efficace que le valium, il y a près d’un demi-siècle, ne cesse de prendre ses distances avec ce qu’il considère comme un détournement. « Je ne suis pas favorable à la peine de mort ni aux exécutions« , a-t-il rappelé début mars dans le New York Times.

Fin janvier, un tribunal fédéral de l’Etat américain de l’Ohio a d’ailleurs jugé que le protocole d’injection létale utilisé par les autorités locales pour la mise à mort des condamnés violait la Constitution des Etats-Unis, entraînant dans la foulée la suspension des exécutions de trois prisonniers. Le protocole létal de l’Ohio fait aussi appel à trois produits injectés successivement et le midazolam censé endormir le condamné entraîne « un risque important de grave douleur » chez le condamné a estimé un magistrat. « A diverses occasions des prisonniers ayant reçu du midazolam sont soit restés conscients, soit ont repris conscience et lutté, suffoqué et montré des signes de douleurs et de souffrances« , a récemment expliqué à l’AFP une experte en la matière. L’Ohio avait suspendu pendant trois ans ses exécutions, avant de décider en octobre dernier de les reprendre, mais en ayant toujours recours au midazolam.

Vers le retour à la chaise électrique?

Fin janvier, un juge fédéral a suspendu l’exécution prévue d’un des condamnés à la peine capitale faisant partie de ce groupe de prisonniers qui doivent être exécutés dans les prochains jours en Arkansas.

Le prisonnier, Jason McGehee, devrait bénéficier d’un délai de 30 jours supplémentaires après avoir présenté un recours en clémence dont les arguments méritaient d’être examinés. Le prisonnier serait donc épargné de la peine capitale pour longtemps dans ce contexte de pénurie des substances létales passé le 30 avril.

Sept autres prisonniers doivent toujours être exécutés entre le 17 et le 27 avril prochains. Les avocats de ces condamnés ont lancé divers recours en justice et d’autres jugements sont attendus ces prochains jours. Ils contestent l’avancement et le regroupement des dates d’exécution sur une période aussi courte.

Dans ce contexte, plusieurs Etats envisagent le retour à la chaise électrique, à la chambre à gaz, ou au peloton d’exécution. C’est le cas récemment de l’Oklahoma où les élus se disent favorables à la réutilisation d’une chambre à gaz pour l’application des peines de mort.

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