Donald Trump © REUTERS

Un an de Donald Trump: qu’est-ce que le président américain a réellement fait jusqu’à présent?

Il y a un an, Donald Trump a été investi président. Ses promesses étaient claires comme de l’eau de roche : moins de migration, moins d’impôts, moins de commerce international. Lesquelles a-t-il réalisées ?

1. Moins de migration

La promesse électorale la plus frappante – un mur sur la frontière mexicaine, payé par le Mexique – n’avance pas. Au cours de sa première année de présidence, Donald Trump a réalisé en tout et pour tout zéro kilomètre de mur. Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne se passe rien. Au sud de la ville californienne de San Diego on trouve huit prototypes de mur. Les morceaux de mur font tous neuf mètres de haut, ils sont fabriqués en béton ou béton armé, des mastodontes perdus dans un paysage inhospitalier. L’US Customs and Border Protection est train de tester les prototypes. On ignore si le « big, fat beautiful wall » de Trump sera construit un jour. Malgré une majorité républicaine, le Congrès refuse d’approuver le financement de barrières supplémentaires à la frontière.

Pourtant, Trump a bel et bien réussi à resserrer la vis. Entre son investiture le 20 janvier et le 30 septembre (en Amérique la fin de l’année fiscale 2017) la police douanière a expulsé 61 094 migrants, soit 37% de plus qu’à la même période en 2016. Le nombre d’arrestations d’illégaux (+42%) en territoire américain a également sensiblement augmenté. Le Migration Policy Institute américain estime que le nombre total d’expulsions forcées tournera autour des 220 000. Étonnamment, c’est une baisse par rapport à la moyenne des années Obama : 370 000 par an. (Même si en 2016, Obama était sous les 220 000).

Il faut cependant ajouter que le nombre de migrants qui traversent la frontière via le Mexique est à un point historiquement bas. En 2017, le nombre de migrants interceptés a baissé de 26%. Julia Gelatt, chercheuse au Migration Policy Institute, attribue la hausse du nombre de renvois sous Trump à la ligne plus dure du gouvernement actuel. « Sous Barack Obama, les services de migration avaient fixé des priorités claires. Ils recherchaient surtout des personnes en séjour illégal ayant un casier judiciaire. S’ils tombaient, par hasard, sur une famille séjournant illégalement aux États-Unis, généralement, ils la laissaient tranquille. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Ce gouvernement veut montrer que plus personne n’est en sécurité. » Anastasia Tonello, présidente de l’American Immigration Lawyers Association, se montre critique à l’égard du manque d’établissement de priorités. « Avec cette approche, on déporte surtout des familles, parce qu’elles sont moins mobiles. Cela booste peut-être les chiffres, mais cela ne rend pas le pays plus sûr. »

Malgré le durcissement clair de l’approche de la migration illégale, Trump n’a pas réalisé ses promesses de campagne. Il n’a pas écarté 2 à 3 millions de « criminels ». Il n’a pas pu réaliser sa promesse de supprimer DACA (Action Différée pour les Arrivées d’Enfance), un programme destiné à protéger les migrants mineurs de la déportation. Sa résolution de supprimer le financement fédéral aux villes qui refusent de travailler avec les services de migration (lesdites sanctuary cities) a été interdite par la Cour suprême.

Pourtant, les experts sont d’accord qu’après un an de Trump, la politique de migration a profondément été bouleversée. « Le véritable changement », estime Tonello, se situe au niveau de l’approche de la migration légale. Pour cela, Trump ne doit même pas approuver de nouvelles lois. Les agences dévolues à la migration disposent d’une liberté énorme dans l’interprétation de la réglementation existante. Au sein des ministères de l’Intérieur, de la Sécurité intérieure et du Travail, les administrations appliquent les règles de manière beaucoup plus sévère. Gelatt approuve : « Ce gouvernement est ouvertement sceptique sur la plus-value de la migration du travail. Il y a une conviction profonde que l’engagement de spécialistes étrangers nuit aux intérêts des employés américains. »

La mesure la plus frappante destinée à lutter contre la migration légale a été le fameux décret présidentiel 13769, promulgué pour limiter la migration de différents pays musulmans. Le décret – auquel Trump a donné le nom de muslim ban – a été torpillé à deux reprises par la Cour suprême, mais a été adopté sous une forme légèrement modifiée en septembre. Suite à l’interdiction de voyage, les citoyens d’Iran, du Yémen, de Libye, de la Corée du Nord, de la Syrie, du Tchad et du Venezuela subissent des restrictions temporaires de visa. Cela ne signifie pas que la mesure soit définitive : la Cour suprême doit toujours se prononcer et en théorie elle peut annuler la mesure.

« Mais au fond cette interdiction de voyage n’est pas importante », déclare Tonello. « C’est un dossier symbolique qui n’a presque pas d’effet sur les flux migratoires. Les citoyens d’un pays comme le Yémen ou le Tchad avaient de toute façon peu de chance d’obtenir un visa. » Pour elle, le Buy American Hire American Act signé par Trump le 18 avril est beaucoup plus important. Ce décret doit encourager les entreprises américaines à recruter dans leur propre pays. « Pour les employeurs américains, c’était déjà une corvée d’attirer des employés étrangers, mais à présent c’est encore plus difficile. Le système est devenu moins prévisible. Il y a plus de procédures, cela dure plus longtemps, et on communique moins. » Tonello cite l’exemple de l’interview que tous les candidats à la migration du travail doivent donner en fin de procédure de visa. « Jusqu’ il y a peu, c’était une procédure de routine, destinée à vérifier si la personne qui fait la demande est qui elle prétend être. Aujourd’hui, c’est un véritable interrogatoire. Les candidats doivent répondre à des questions comme « Pourquoi un Américain ne pourrait-il pas faire ce travail ? » ou « Comment votre présence procurera-t-elle plus de jobs aux Américains ? » En outre, on refuse plus de personnes sur base de leurs réponses, ce qui n’était pratiquement jamais le cas auparavant. »

Pour les réfugiés aussi, il est plus difficile de rallier l’Amérique. Ainsi, Trump a sensiblement baissé le Refugee Cap, le nombre maximum de réfugiés accepté par an en Amérique. Là où avant 2017 le gouvernement Obama avait fixé le plafond à 110 000, Trump a décidé de ramener le nombre maximum à 50 000. En 2018, il souhaite en faire 45 000, le nombre le plus bas depuis l’instauration du plafond en 1980.

Outre la baisse du quota maximum, le gouvernement Trump a également modifié le Temporary Protected Status (TPS) dont usent beaucoup de migrants. Cet arrangement permet aux habitants de certains pays touchés par des catastrophes naturelles, ou l’instabilité politique, de bénéficier d’un permis de séjour et d’un permis de travail provisoires. Sous Trump, tant le Honduras que le Nicaragua et Haïti se sont vus signifier une date de clôture. Les Honduriens qui résident en Amérique grâce au TPS ont jusqu’au 5 juillet 2018 pour obtenir un permis de séjour, les Nicaraguayens (le 5 janvier 2019) et les Haïtiens (22 juillet 2019) ont un peu plus de temps. En 2018, le TPS prend également fin pour les habitants de Salvador, du Yémen, du Népal, de la Somalie, du Soudan et de la Syrie. La mesure menace 59 000 Haïtiens, 57 000 Honduriens, 5300 Nicaraguayens, et pas moins de 200 000 Salvadoriens qui résident en Amérique via TPS. Tonello : « C’est la fin de l’Amérique comme refuge. »

2. Moins d’impôts

Il a fallu du temps, mais le 22 décembre 2017 Donald Trump a remporté une victoire politique sans précédent. Avec les Tax Cuts and Jobs Act, le système fiscal américain subit sa plus grande réforme depuis le Tax Reform Act de Ronald Reagan en 1986. C’est surtout l’impôt sur les sociétés qui baisse fortement : de 35 à 21%. Cela doit permettre aux entreprises américaines de devenir plus compétitives et faciliter l’obtention d’investissements étrangers. En outre, les citoyens bénéficient d’une réduction sur l’impôt sur la personne jusqu’en 2025. Dans le nouveau système fiscal, les groupes de revenus les plus faibles gardent quelques centaines de dollars de plus. Les revenus de classe moyenne paient quelques milliers de dollars de moins en impôts. Mais ce sont surtout les 5% les plus fortunés qui progressent de manière spectaculaire. En plus, les droits de succession diminuent également, une mesure dont profitent surtout les riches. À côté de cela, il y a moins de charges déductibles, de sorte qu’il est moins intéressant de faire un don à une oeuvre ou à des politiciens locaux. En outre, le Tax Plan de Trump ne contient aucune forme d’impôt écologique, et il n’y a pas de mesures supplémentaires pour contrer l’évasion fiscale.

Pour les Républicains, le nouveau système sauve la classe moyenne américaine tourmentée. C’est absurde, estime Joel Slemrod, professeur d’économie à l’Université du Michigan. « La classe moyenne a du mal parce que les salaires du milieu stagnent, alors qu’au sommet de la société ils augmentent exponentiellement. Ce système fiscal n’y change rien, au contraire, les salaires les plus élevés continueront à augmenter. » Slemrod se montre sceptique à propos des effets bénéfiques du nouveau Tax Plan. « Il rend les États-Unis plus compétitifs au niveau économique, mais je ne m’attends pas à ce que l’Amérique soit envahie par les investisseurs. L’impôt sur les sociétés bas stimulera certainement l’économie, mais je ne m’attends pas à ce que ce stimulant soit suffisant pour compenser les revenus fiscaux plus bas. »

Contrairement à la réforme de Reagan, le nouveau système de Trump n’est pas budgétairement neutre. Pour les dix années à venir, le nouveau système fiscal coûtera 1400 milliards de dollars au budget américain, et fera de toute façon grimper l’énorme dette publique. « Et c’est une estimation favorable, qui n’est exacte que si l’on part du principe que la réduction temporaire sur l’impôt sur le revenu n’est pas prolongée après 2025 », met en garde Slemrod. « À long terme, le déficit budgétaire en hausse exercera un effet sérieux sur les investissements publics. Si vous prenez cela au sérieux, à long terme, ce système fiscal fera même davantage de mal à la classe moyenne. »

En outre, le nouveau système fiscal comporte d’importantes implications politiques. Bien qu’un prochain gouvernement américain pourrait à tout moment mettre fin au nouveau système fiscal, cela semble improbable. Un scénario où un prochain gouvernement ne prolongerait pas la réduction sur l’impôt des personnes après 2025 serait également difficile. « L’histoire récente nous apprend qu’en politique il est pratiquement impossible d’annuler de telles mesures de faveur », déclare Slemrod. « Quand les effets de revenus fiscaux diminués se manifesteront sur le budget, cela aidera le parti républicain à appeler aux économies. Et s’il faut baisser les dépenses publiques, les soins de santé sont généralement la première victime. C’est assez ironique. On commence par approuver une loi fiscale qui fait exploser le déficit budgétaire, et ensuite on se plaint que le déficit budgétaire soit trop grand. »

3. Moins de libre-échange

Donald Trump inaugure-t-il la fin du libre-échange mondial? Tant durant la campagne que durant son investiture, Trump a chargé les accords de libre-échange de tous les péchés : « Nous devons protéger nos frontières contre les ravages que causent d’autres pays en fabriquant nos produits. Ils volent nos entreprises et détruisent nos emplois. »

Dès le premier jour de sa présidence, Trump s’est retiré des négociations de l’Accord de partenariat transpacifique, le traité de libre-échange destiné à créer une zone de libre-échange entre plusieurs pays de l’Océan pacifique. Pourtant, cette décision était plutôt symbolique, estime Monica DeBolle, experte en commerce au Peterson Institute for International Economics. « Il n’y a pas eu d’accord pendant longtemps, et même avec un président démocrate l’avenir du TPP aurait été imprécis. »

Jusqu’à présent, il n’y a pas eu de véritable guerre commerciale. Pour l’instant, on n’a pas supprimé ou instauré des traités commerciaux existants. « Les véritables changements sont beaucoup plus subtils », déclare DeBolle. « Sous Trump le gouvernement utilise les échappatoires dans la législation internationale pour faire du protectionnisme. Sous le couvert d’intérêts de sécurité nationaux, l’Amérique a par exemple limité l’importation d’acier, d’aluminium et de panneaux solaires. C’est un motif très vague pour pratiquer le protectionnisme. Pour l’instant, d’autres pays n’ont pas encore pris de contre-mesures, parce que pour l’instant ils estiment que cela n’en vaut pas la peine. Cela ne durera pas. »

Avec ces mesures, le gouvernement souhaite surtout réduire le déficit budgétaire avec la Chine. « Le gouvernement Trump est obsédé par les déficits budgétaires », explique DeBolle. « Il est persuadé qu’un déficit budgétaire signifie qu’on vous traite injustement. » Cette obsession revient dans les tentatives de renégocier l’ALÉNA, le traité commercial entre les États-Unis, le Mexique et le Canada. Ainsi, le gouvernement Trump souhaite durcir les rules of origin. Aujourd’hui un pourcentage minimum de la fabrication des produits qui tombent sous la réglementation ALÉNA doit avoir lieu dans les trois pays concernés. À présent, le gouvernement américain souhaite adapter ces règles de façon à ce que seuls les produits fabriqués en Amérique puissent être importés sous NAFTA. « Cela va totalement à l’encontre des intérêts canadiens et mexicains », explique DeBolle. « Ce n’est absolument pas négociable. »

En avril 2017, Trump a demandé au ministre du Commerce Wilbur Ross d’évaluer tous les traités d’échange existants. Jusqu’à présent, les menaces américaines de quitter l’Organisation mondiale du commerce (OMC) se sont révélées infondées. Pourtant, DeBolle voit une tendance inquiétante dans la nouvelle approche américaine. « Ce gouvernement n’accepte pas que les traités d’échange parlent de géopolitique. Le gouvernement Trump n’a pas de stratégie de négociation : il exige d’énormes concessions et n’est pas prêt à en faire. » Cette attitude hypothèque la position américaine dans le monde, estime DeBolle. « Des pays comme le Japon et le Royaume-Uni espéraient initialement conclure rapidement un traité de libre-échange avec les États-Unis, mais ils en sont revenus. Ces jours-ci, l’Amérique n’est tout simplement pas un partenaire fiable. » Le tragique de l’approche, estime DeBolle, c’est qu’aucune de ces mesures ne réduira le déficit budgétaire. « En outre, la nouvelle loi fiscale, qui stimule les entreprises à investir aux États-Unis, augmentera le déficit budgétaire à long terme. »

DeBolle prévoit que 2018 apportera encore plus de querelles. « À mon avis, le gouvernement américain intensifiera encore les mesures protectionnistes à plus grande échelle. Les autres pays ne pourront qu’y réagir. »

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