© AFP

Un an après l’arrivée du salaire minimum, l’Allemagne hésite à l’appliquer aux réfugiés

Le Vif

Un an après l’entrée en vigueur d’un salaire minimum à 8,50 euros bruts de l’heure en Allemagne, les craintes d’une forte augmentation du chômage ne se sont pas vérifiées mais le débat rebondit autour de son applicabilité pour les réfugiés.

L’Allemagne s’apprête à accueillir cette année plus d’un million de réfugiés, faisant craindre à certains une poussée du chômage.

Pour leur donner de meilleures chances sur le marché du travail, « on pourrait imaginer un statut spécifique pour les réfugiés de telle sorte qu’ils n’aient droit au salaire minimum qu’au bout de 18 ou 24 mois », plaide entre autres l’économiste Michael Hüther de l’institut de recherche économique de Cologne (IW).

Le gouvernement a pour le moment exclu toute dérogation au salaire minimum. Imposé par les sociaux-démocrates aux conservateurs d’Angela Merkel avec qui ils gouvernent, et véritable révolution dans un pays qui a longtemps préféré s’en remettre aux accords de branche, il est entré en vigueur au 1er janvier 2015, et près d’un an plus tard, l’heure est aux premiers bilans.

« Le salaire minimum n’a pas bouleversé ma vie, j’ai toujours du mal à joindre les deux bouts », confie Jürgen Herbst à l’AFP. Ce réceptionniste de nuit dans un hôtel familial près de Francfort a vu sa rémunération nette augmenter de 149 euros par mois. Mais du coup la pension alimentaire qu’il verse pour son enfant a augmenté aussi.

Le quinquagénaire a dû alerter les syndicats pour faire valoir enfin ses droits, son patron faisant de la résistance. « Il m’en veut encore, d’ailleurs », confie M. Herbst, pour qui l’obtention du salaire plancher était une question de « dignité ».

Chômage au plus bas

L’introduction du salaire minimum devait selon les prévisions de Berlin profiter à plus de 3 millions de salariés qui gagnaient moins de 8,50 euros auparavant.

Le nouveau salaire plancher n’a pas fondamentalement changé la donne pour l’économie: il a sûrement donné un petit coup de pouce au pouvoir d’achat mais la consommation intérieure allemande était déjà vigoureuse depuis plusieurs années; sur le front de l’emploi, les prévisions alarmistes de ses détracteurs ne se sont pas vérifiées.

Ils craignaient une explosion du chômage – jusqu’à 900.000 emplois détruits, avait prédit l’institut Ifo -, et une érosion de la compétitivité de la première économie européenne.

Certaines entreprises ont effectivement pâti. En octobre, la manufacture Steinbach, productrice de figurines traditionnelles de Noël de la région de l’Erzgebirge (est), n’ayant pas supporté la soudaine augmentation des salaires de 27%, mettait la clé sous la porte après 200 ans d’existence.

Mais globalement « les employeurs ne se sont évidemment pas mis à licencier à cause de la réforme », explique Klaus Brenke, économiste du DIW.

De fait, le chômage a poursuivi imperturbablement sa longue décrue pour atteindre 6,3% en novembre, son plus bas niveau depuis la Réunification en 1990.

‘Largement suffisant’

Et l’Allemagne est en passe d’inscrire un excédent commercial record en 2015. « Les salaires sont bien plus élevés dans les secteurs exportateurs, principalement l’industrie, donc ils n’ont pas été affectés par cette mesure », souligne le professeur Joachim Möller, directeur de l’institut de recherche sur le travail IAB.

Ce sont surtout les salariés peu qualifiés du secteur des services qui ont bénéficié de l’introduction du salaire plancher à 8,50 euros. Et par ricochet « on a assisté à une légère augmentation des prix des taxis, des coiffeurs ou des journaux », détaille M. Brenke.

Au 1er janvier 2017 le mécanisme sera étendu à quelques branches qui avaient obtenu un sursis. A part cela, et au grand dam de certaines fédérations, les exceptions sont très peu nombreuses. Et la pertinence d’en introduire de nouvelles pour les réfugiés n’est pas évidente pour tout le monde.

« Nous avons déjà une dérogation au salaire minimum pour les apprentis en cours de qualification et c’est largement suffisant », affirme ainsi le professeur Möller.

« De même que l’introduction du salaire minimum n’a pas détruit d’emplois, sa suppression n’en créera pas », renchérit M. Brenke.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire