Recep Tayyip Erdogan. © AFP/Ozan Kose

Turquie: triomphe du parti du président Erdogan, qui reprend la majorité absolue au Parlement

Le Vif

Le parti du président islamo-conservateur turc Recep Tayyip Erdogan a remporté dimanche haut-la-main les législatives et a réussi, contre tous les pronostics, à regagner sa majorité perdue en juin dans un pays plus que jamais divisé.

Sur la base de la quasi-totalité des bulletins dépouillés, le Parti de la justice et du développement (AKP) a recueilli 49,4% des suffrages et raflé 316 des 550 sièges de députés, ont annoncé les chaînes NTV et CNN-Türk.

Cinq mois à peine après son revers retentissant, M. Erdogan, 61 ans, a pris une revanche éclatante. Le 7 juin, son parti avait perdu le contrôle total qu’il exerçait depuis treize ans sur le parlement et remisé son rêve d’instaurer une « superprésidence ».

« Aujourd’hui est un jour de victoire », s’est réjoui le Premier ministre sortant Ahmet Davutoglu dans son fief de Konya (centre). « Aujourd’hui il n’y a pas de perdants mais que des gagnants », a-t-il ajouté en tendant la main à ses rivaux, « nous allons reconstruire une nouvelle Turquie avec chacun de ces citoyens ».

Autre surprise, le Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde), entré triomphalement au Parlement en juin dernier, n’y a sauvé sa place que de justesse. Avec 10,7% des voix, juste au-dessus du seuil minimal de représentation, il décroche 59 sièges dans le nouveau parlement.

Cette incertitude a provoqué de brefs affrontements en soirée entre forces de l’ordre et jeunes militants kurdes à Diyarbakir, la grande ville du sud-est à majorité kurde. La police y a dispersé, avec gaz lacrymogènes et canons à eau, plusieurs dizaines de manifestants qui avaient érigé des barricades.

‘Peur de l’instabilité’

Selon les résultats officieux, le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) est arrivé deuxième avec 25,4% des voix et 134 sièges, devant le Parti de l’action nationaliste (MHP, droite) avec 12% et 41 sièges, en fort recul par rapport à juin.

La quasi-totalité des sondages n’avaient crédité l’AKP que de 40 à 43% des intentions de vote, score insuffisant pour gouverner seul.

« Je suis complètement effondré mais ces résultats signifient que le peuple s’accommode très bien de la situation actuelle », a réagi Sevim, un étudiant en droit de l’université d’Istanbul. « Le peuple a le gouvernement qu’il mérite ».

« La peur de l’instabilité en Turquie, ajoutée à la stratégie d’Erdogan se posant en +homme fort qui peut vous protéger+ l’ont emporté », a commenté l’analyste Soner Cagaptay, du Washington Institute, sur son compte Twitter.

Dans une campagne tendue marquée par la reprise du conflit kurde et la menace jihadiste venue de Syrie, MM. Erdogan et Davutoglu se sont posés en seuls garants de l’unité et de la sécurité du pays sur le thème « l’AKP ou le chaos ».

Depuis l’élection du 7 juin, le climat politique s’est considérablement alourdi en Turquie.

En juillet, le conflit armé, qui oppose depuis 1984 les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) aux forces de sécurité turques, a repris dans le sud-est à majorité kurde et a enterré le fragile processus de paix engagé il y a trois ans.

Un scrutin ‘injuste’

« La violence du PKK semble avoir beaucoup coûté au HDP et porté Erdogan à la victoire », a regretté l’ancien député CHP Aykan Erdemir.

L’attaque suicide perpétrée il y a trois semaines à Ankara par deux kamikazes proches du groupe Etat islamique (EI), qui a fait 102 morts, a en outre ravivé la peur de la violence jihadiste venue de Syrie.

Cette dégradation de la situation sécuritaire inquiète de plus en plus les alliés occidentaux d’Ankara, à commencer par l’Union européenne (UE), confrontée à un flux croissant de réfugiés, surtout syriens, en provenance de Turquie.

Face au discours du pouvoir, les rivaux de M. Erdogan avaient appelé les électeurs à sanctionner sa dérive autoritaire, illustrée cette semaine encore par un raid spectaculaire de la police contre le siège de deux chaînes de télévision proches de l’opposition.

Le chef de file du HDP Selahattin Demirtas a concédé avoir cédé du terrain par rapport à juin (13% contre un peu plus de 10% dimanche) mais dénoncé une élection « injuste », disputée sous la menace jihadiste.

« Mais c’est une grande victoire tout de même », a-t-il ajouté, « nous avons perdu un million de voix mais nous sommes restés debout face aux massacres (commis par le pouvoir) et au fascime ».

Son homologue du CHP Kemal Kiliçdaroglu a également souligné le climat de violences de la campagne. « Nous sommes respectueux des résultats des élections », a-t-il dit, « mais le pouvoir, tout les pouvoirs, doivent respecter la suprématie du droit (…) personne ne doit se considérer au dessus des lois ».

Dans le camp du vainqueur, le succès a été salué bruyamment. « Nous croyons en lui, nous lui faisons confiance et, avec l’aide de Dieu, nous pouvons tout réussir », s’est réjoui Yasin Aslan à Istanbul. « Mon coeur battra pour l’AKP jusqu’au bout », a renchéri Cemile Bayrak, une femme voilée de 40 ans.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire