Gérald Papy

« Trump se différencie de ses prédécesseurs par la dimension viscérale et abrupte de son isolationnisme »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le plaidoyer pour le multilatéralisme d’Emmanuel Macron au Forum sur la paix organisé à Paris à l’occasion de la commémoration du centenaire de l’armistice de la Grande Guerre avait quelque chose de réconfortant et de pathétique.

Réconfortant parce que l’Organisation des Nations unies et l’Union européenne, forgées dans la foulée du second conflit mondial, ont prouvé leur utilité et méritent des soutiens au moment où elles sont, en partie injustement, malmenées. Pathétique parce qu’en regard des politiques isolationnistes des Donald Trump, Vladimir Poutine et autres Recep Tayyip Erdogan, le jeune président français donnait l’impression de prêcher dans le désert et de figurer le Vieux monde face à un  » nouveau  » qui se sent délié des règles de la diplomatie et du droit international.

Cette fracture a d’évidentes résonances avec la stigmatisante formule de Vieille Europe que le secrétaire d’Etat américain Donald Rumsfeld adressa, en janvier 2003, à la France, à l’Allemagne et à la Belgique  » coupables  » d’avoir prôné la supervision des Nations unies pour la gestion de la crise irakienne. Ces pays fondateurs de l’Union européenne défendaient déjà la voie du multilatéralisme contre le cavalier seul de George W. Bush, soutenu par les pays de la  » nouvelle  » Europe. Même si Emmanuel Macron feint de l’ignorer, ces mêmes Etats d’Europe centrale préfèrent encore aujourd’hui le lien transatlantique plutôt que l’aventure d’une autonomie de défense européenne que le président français a, qui plus est, maladroitement vantée pour protéger le Vieux Continent de la Russie, de la Chine et… des Etats-Unis.

Ce rappel historique prouve la constance, quel que soit son président, de l’unilatéralisme de la première puissance mondiale, exacerbé quand quelque contrariété perturbe la politique souhaitée à Washington. Donald Trump se différencie pourtant de ses prédécesseurs républicains par la dimension viscérale et abrupte de son isolationnisme. Elle découle de la culture du ressentiment à laquelle il a eu recours, comme le plus zélé des dirigeants populistes, pour accéder à la Maison-Blanche, exploitant ainsi une veine qu’il savait en expansion parmi les électeurs américains. Celle-ci assimile l’autre à l’oppresseur, au profiteur et à l’ennemi ; la globalisation économique à la source de tous les maux ; et le multilatéralisme à la déclinaison politique de la mondialisation honnie.

Cette stratégie peut être efficace à court terme. Les résultats des élections de mi-mandat aux Etats-Unis, satisfaisants pour le président, l’attestent. A moyen terme, c’est moins sûr, en premier lieu sous l’angle de l’économie, nerf de la politique américaine. Auteure de Tu haïras ton prochain comme toi-même (Albin Michel, 2017), la philosophe Hélène L’Heuillet estime, en outre, que  » les régimes issus de la victoire des discours haineux ne sont pas seulement voués à la destruction, mais aussi à l’autodestruction  » parce que  » la haine est une puissance de déliaison « . En attendant, ils causent beaucoup de malheurs.

Ces souffrances, Emmanuel Macron n’a certainement pas tort de vouloir les prévenir. Sa profession de foi en faveur du dialogue entre les nations est la seule solution d’avenir. Encore devrait-il avoir l’habileté, au lieu d’attiser l’opposition entre les  » bons  » progressistes et les  » méchants  » nationalistes au sein même de l’Union, de fédérer les Européens autour d’un socle commun de valeurs à revitaliser.

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