Joseph Junker

Trump Président : Quatre C4 et un bras d’honneur

Joseph Junker Ingénieur civil et cadre dans une société privée

Ce mercredi matin, nous ne nous sommes pas réveillés sur la même planète que la veille. Que ça plaise, que ça déplaise, que ça horrifie, que ça choque, un vieux monde à l’agonie a rendu l’âme. Je ne suis pas tout à fait sûr de le regretter… pas plus que je ne sois convaincu d’aimer le nouveau monde qui s’annonce. Il demeure qu’on ne pourra le bâtir qu’en reconnaissant cette improbable fait : la première puissance mondiale vient de violemment congédier son élite.

Les interprétations et analyses seront nombreuses et certainement imparfaites, mais qu’il me soit permis d’y apporter ma pierre, en discernant dans cet évènement majeur 4 licenciements et un bras d’honneur :

Trump président, c’est un C4 adressé par le peuple américain à la mondialisation et au libre-échange, et ce n’est pas uniquement parce que l’élection de Trump annonce la fin des négociations du TTIP. Le commerce peut bien nous amener la richesse matérielle, quelques points de croissance sont d’un bien faible secours quand les personnes voient inexorablement se dégrader et se dissoudre tout ce qui les représente et les relie aux autres, tout ce qui leur est cher, broyé par une impitoyable globalisation qui n’a que faire de leurs racines et leur culture. Certes, le commerce amène la croissance, mais amène-t’il la prospérité ? Il ne l’a en tout cas pas amenée à la classe moyenne de l’occident, en particulier celle du rust-belt, ces états (dés)industrialisés du Nord des USA qui le font aujourd’hui savoir en tournant le dos au parti démocrate pour la première fois depuis des décennies.

Trump président, c’est un C4 adressé à la société multiculturelle et au communautarisme. Les statistiques le montrent, depuis 8 ans les communautés américaines votent les unes contre les autres, avec des fortunes diverses. Il serait trop simpliste d’y voir du racisme latent. Dans le monde susnommé, la majorité des américains a rejeté un modèle de société qui n’en est pas un, celui qui voit leur culture leur échapper et se dissoudre dans un grand tout… qui n’est en fait qu’un grand rien. Cela ne suffira certainement pas à résoudre les problèmes que la société multiculturelle a engendré mais il serait inutile de nier son rejet, et par la même son probable échec définitif.

Nous nous devons de mettre des mots et des concepts sur la colère et le désarroi de la classe moyenne que nous n’avons pas comprise et méprisée et de permettre qu’une véritable pensée politique puisse émerger, l’articuler et lui donner corps.

Trump président, c’est un C4 adressé aux sociétés de sondage et à une grande partie de la classe médiatique qui n’a su décrire que le monde qu’elle rêvait plutôt que celui qu’elle voyait ; à ces oiseaux de malheur qui prédisaient le pire en cas de Brexit et d’élection de Trump et qui vont demain nous expliquer pourquoi la guerre nucléaire et le crash économique annoncé n’a pas eu lieu ; à ces grands muftis qui n’ont eu de cesse de mépriser Trump et ses électeurs et de le dire haut et fort ; à ces grands censeurs qui aujourd’hui encore s’en vont expliquer que Brexit et Trump sont tout sauf démocratiques et plaider pour l’instauration d’un nouveau système (qui bien entendu ne pourra que renforcer leurs idées si démocratiques, elles).

Trump président, c’est un C4 adressé à l’establishment et à la classe politique qui a été incapable d’écouter et de se remettre en question, qui a navigué entre deux eaux et la démagogie avant de s’y brûler les doigts, qui a connu toutes les combines du pouvoir, qui a trahit ses convictions en campagne puis celles du peuple une fois élu, qui a oublié ce que « Bien Commun » veut dire, qui a négligé le moindre exigence de décence en matière d’unité de vie.

Les thèmes proscrits ont ressurgi sous les formes les plus imprévisibles, et amené à la maison blanche un extravagant histrion en forme de gigantesque F*ck adressé au monde entier.

Mais aussi et surtout, l’élection de Trump est un immense bras d’honneur à la pensée unique et au politiquement correct, pour ceux qui ont des années durant déterminé à partir de leur propre système ce qu’il était autorisé de penser ou non, pour ces censeurs qui ont empêché de débattre d’autres choses que les options ‘permises’. En faisant passer de la sorte l’idéologie avant la réalité, on n’est parvenu qu’à une chose, c’est de bannir la pensée, d’interdire de placer des mots sur ce qui se passe. A force de vouloir garder le couvercle sur la marmite de la réalité, celle-ci a fini par exploser, les thèmes proscrits ont ressurgi sous les formes les plus imprévisibles, et amené à la maison blanche un extravagant histrion en forme de gigantesque F*ck adressé au monde entier.

Si nous voulons nous éviter de nouvelles déconfitures, si nous ne retenons qu’une leçon de cette élection, que ce soit celle-ci : il est dorénavant impératif de recommencer à débattre des idées et de cesser de lancer des anathèmes sur celles qui ne plaisent pas à la doctrine dominante (et depuis hier de facto minoritaire). Nous nous devons de mettre des mots et des concepts sur la colère et le désarroi de la classe moyenne que nous n’avons pas comprise et méprisée et de permettre qu’une véritable pensée politique puisse émerger, l’articuler et lui donner corps. Cela ne plaira pas aux états-majors politiques en place, mais il n’y a pas d’alternative. A moins que nous ne voulions demain ou après-demain un Trump à l’Elysée, au Bundestag et au Lambermont…

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