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Trump ou l’obsession de contenir l’Iran

Le Vif

Une première salve de sanctions réimposées par les Etats-Unis contre l’Iran est entrée en vigueur mardi, pour exercer une pression économique sur Téhéran après le retrait unilatéral de Washington de l’accord historique sur le nucléaire iranien de 2015.

Dans un entretien télévisé à quelques heures du rétablissement de sévères sanctions américaines contre l’Iran, M. Rohani a accusé Washington de « vouloir lancer une guerre psychologique contre la nation iranienne et provoquer des dissensions » parmi les Iraniens.

Il s’agit de la première réaction de M. Rohani aux appels à négocier lancés par le président américain Donald Trump, qui a néanmoins de nouveau averti l’Iran lundi.

« Le régime iranien est confronté à un choix », a-t-il dit dans un communiqué. « Soit il change son attitude menaçante et déstabilisatrice, et il pourra retourner dans le giron de l’économie mondiale, soit il continue sur la route de l’isolement économique ».

Mais M. Trump a aussi souligné qu’il restait « ouvert » à un « accord plus global qui concernerait l’ensemble de ses activités néfastes, y compris son programme balistique et son soutien au terrorisme ».

La première vague de sanctions américaines, qui a pris effet mardi à 04h01 GMT, comprend des blocages sur les transactions financières et les importations de matières premières, ainsi que des mesures pénalisantes sur les achats dans le secteur automobile et l’aviation commerciale.

Elle sera suivie, en novembre, de mesures affectant le secteur pétrolier et gazier ainsi que la Banque centrale.

Ces sanctions devraient peser lourdement sur une économie iranienne à la peine, qui souffre d’un taux de chômage élevé et d’une nette inflation. Le rial iranien a plongé, perdant près des deux tiers de sa valeur en six mois.

M. Trump, qui a adopté une attitude très hostile envers l’Iran depuis son arrivée au pouvoir, veut « intensifier la pression sur Téhéran pour qu’il change de comportement ». Il reproche entre autres à ce pays son soutien au président syrien Bachar al-Assad, aux rebelles Houthis au Yémen ou encore au Hamas à Gaza et au Hezbollah libanais.

En Israël, le Premier ministre Benjamin Netanyahu, dont le pays est considéré comme le seul détenteur de l’arme nucléaire au Proche-Orient, a « félicité » M. Trump pour le rétablissement des sanctions. « Cela symbolise une détermination à freiner l’agression régionale de l’Iran, et son intention de se doter de l’arme nucléaire ».

– L’UE opposée aux sanctions –

Le rétablissement des sanctions économiques a été décidé après le retrait unilatéral de Washington de l’accord sur le nucléaire iranien négocié entre l’Iran et les grandes puissances.

L’Union européenne a, elle, regretté le rétablissement des sanctions et confirmé sa « détermination à protéger les opérateurs économiques européens engagés dans des affaires légitimes avec l’Iran ». Une législation spécifique en ce sens entrera en vigueur mardi.

Mais M. Trump critique fortement cet accord alors que les Iraniens le défendent bec et ongles.

« Si vous êtes un ennemi et que vous poignardez quelqu’un avec un couteau, et qu’ensuite vous dites que vous voulez des négociations, la première chose à faire c’est d’enlever le couteau », a dit M. Rohani.

Il a précisé que son pays « avait toujours fait bon accueil à des négociations », mais que les Etats-Unis devaient d’abord prouver leur bonne foi.

« Comment peuvent-ils montrer qu’ils sont dignes de confiance? En revenant au JCPOA », a ajouté M. Rohani, citant l’acronyme du nom officiel de l’accord nucléaire.

Conclu après des années de difficiles négociations entre l’Iran d’une part, les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, la Russie, la Chine, l’Allemagne et l’Union européenne de l’autre, l’accord visait à garantir un caractère strictement pacifique du programme nucléaire iranien en le soumettant à une surveillance draconienne.

En échange, il prévoyait la levée progressive des sanctions qui avaient asphyxié l’économie iranienne et isolé le pays. Dans son dernier rapport en mai, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) avait attesté que l’Iran continuait de respecter ses engagements.

– Mesures anticorruption –

La semaine dernière, plusieurs villes iraniennes ont été le théâtre de manifestations sporadiques et de grèves, fruits du mécontentement face à la situation économique détériorée, à la classe politique mais aussi au manque d’eau causé par la sécheresse.

Devant la chute de la monnaie nationale et à la contestation sociale, le gouvernement de M. Rohani a annoncé un assouplissement des mesures encadrant le taux de change du rial. Les bureaux de change, fermés en avril, devraient notamment être rouverts, même si leur activité sera strictement surveillée.

Des responsables accusés de corruption et de spéculation ont en outre été arrêtés.

M. Rohani, qui avait tout misé sur l’accord nucléaire, a aujourd’hui bien du mal à défendre sa politique et voit ses soutiens s’étioler, selon des experts. Mais, selon eux, l’ayatollah Ali Khamenei, premier personnage de l’Etat et ultime décideur dans les dossiers sensibles, ne voudrait pas qu’il échoue dans sa tentative de modifier sa politique.

Dès sa campagne électorale Donald Trump a été l’un des principaux détracteurs de l’Iran et de l’accord sur le nucléaire, qu’il a déchiré en mai, cherchant à stopper le programme balistique de l’Iran et son influence au Moyen-Orient.

– « Holocauste nucléaire » –

Le 16 août 2015, le milliardaire américain, en tête des sondages loin devant les prétendants républicains à la Maison Blanche, juge que l’accord n’empêchera pas l’Iran d’avoir l’arme nucléaire.

« Ils seront une nation tellement riche, une nation tellement puissante qu’ils auront l’arme nucléaire. Ils vont prendre le contrôle de parties du monde dont on n’a pas idée et je pense que cela va mener à un holocauste nucléaire », dit-il.

– « Démanteler » l’accord –

« Ma priorité numéro un est de démanteler l’accord », lance-t-il le 22 mars 2016 devant la convention annuelle du groupe de pression américain favorable à Israël, Aipac, devant laquelle défilent les candidats à la présidentielle.

« Cet accord est catastrophique pour l’Amérique, pour Israël et pour tout le Moyen-Orient ». « Nous allons totalement démanteler le réseau mondial terroriste de l’Iran qui est imposant et puissant, mais pas aussi puissant que nous », ajoute-t-il.

– « L’Iran joue avec le feu » –

Le 1er février 2017, dix jours après l’entrée en fonction de Donald Trump, la Maison Blanche dénonce « le comportement déstabilisateur » de l’Iran, stigmatisant en particulier le tir de missile balistique « provocateur » mené par Téhéran.

« L’Iran joue avec le feu. Ils ne se rendent pas compte à quel point le président Obama avait été +gentil+ avec eux. Pas moi! », tweete le 3 février le président américain.

– « Isoler » l’Iran –

Le 21 mai 2017, Donald Trump appelle tous les pays à « isoler » l’Iran, dans un discours à Ryad, en Arabie saoudite.

« Du Liban à l’Irak en passant par le Yémen, l’Iran finance, arme et entraîne des terroristes, des milices et d’autres groupes terroristes qui répandent la destruction et le chaos à travers la région », déclare-t-il.

– « Etat voyou » –

Le 19 septembre 2017, le président américain affirme que l’accord nucléaire est « un des pires auquel les Etats-Unis aient jamais participé ».

« Le gouvernement iranien a transformé un pays riche, avec une grande histoire et culture, en un Etat voyou amoindri économiquement », lance-t-il devant l’Assemblée générale de l’ONU.

– Régime « brutal et corrompu » –

Le 1er janvier 2018, le président Trump affirme que « le temps du changement » est venu en Iran, après des manifestations, violemment réprimées, contre le pouvoir, les difficultés économiques et la corruption.

Le lendemain, il dénonce le régime « brutal et corrompu » au pouvoir en Iran. « Le peuple a peu de nourriture, une forte inflation et pas de droits de l’Homme », ajoute-t-il.

– Trump claque la porte –

Le 8 mai 2018, Donald Trump annonce le retrait des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire avec un retour de toutes les sanctions.

« Aujourd’hui nous avons la preuve définitive que la promesse iranienne était un mensonge », dit-il, en qualifiant l’accord de « désastreux ». « Tout pays qui aidera l’Iran dans sa quête d’armes nucléaires pourrait aussi être fortement sanctionné par les Etats-Unis », ajoute-t-il.

– « NE MENACEZ PLUS JAMAIS LES ÉTATS-UNIS » –

Le 22 juillet 2018, Hassan Rohani avertit les Etats-Unis de ne pas « jouer avec la queue du lion », assurant qu’un conflit avec Téhéran serait « la mère de toutes les guerres ».

« NE MENACEZ PLUS JAMAIS LES ETATS-UNIS OU VOUS ALLEZ SUBIR DES CONSÉQUENCES TELLES QUE PEU AU COURS DE L’HISTOIRE EN ONT CONNUES AUPARAVANT », réplique le président américain dans un message sur Twitter adressé nommément à son homologue iranien et rédigé entièrement en majuscules.

Mais le 30 juillet, Donald Trump se dit prêt à rencontrer les dirigeants iraniens « quand ils veulent », « sans conditions préalables ».

« Les menaces, sanctions et effets d’annonce ne fonctionneront pas », lui répond le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif.

– « Ouvert » –

Le 6 août, Donald Trump se dit « ouvert » à un nouvel accord avec Téhéran, tout en confirmant le rétablissement de sanctions économiques.

« Au moment où nous maintenons notre pression économique maximum sur le régime iranien, je reste ouvert à un accord plus global qui concernerait l’ensemble de ses activités néfastes, y compris son programme balistique et son soutien au terrorisme », dit-il.

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