Donald Trump et Kim Jong-Un © AFP

« Trump ne pouvait pas ignorer l’invitation de Kim »

Le président américain Donald Trump surprend tout le monde en acceptant l’invitation du leader nord-coréen, Kim Jong-un, probablement au mois de mai. Quatre questions à Bart Kerremans, professeur en relations internationales et spécialiste de l’Amérique à la KU Leuven.

À quel point cette rencontre serait-elle historique?

Bart Kerremans: Il n’y a jamais eu de rencontre entre un dirigeant nord-coréen et un président américain en fonction, il est donc incontestable que cette rencontre serait historique.

Cela n’empêche pas que le caractère historique sera en partie influencé par les résultats de cette rencontre et il y a là un facteur de risque important. C’est une invitation de Kim Jong-un à Donald Trump, qui l’accepte. Mais en ce moment, il n’y a – pour autant qu’on sache – pas encore eu de préparation. Quels seront les sujets abordés, comment se passera exactement la rencontre, etc. ? Les diplomates qui doivent préparer cette rencontre auront beaucoup de travail.

Ces derniers mois, les tensions entre Washington et Pyongyang ont été exacerbées. Trump a même menacé de balayer la Corée du Nord du « little rocket man » (le petit homme à la fusée) de la carte en déchaînant « le feu et la colère ». D’où vient ce revirement ?

Moi non plus, je ne l’avais pas prévu. Une partie de l’explication se situe indubitablement en Corée du Nord. Je ne peux me défaire de l’impression que ces derniers mois la politique de rapprochement de Kim, à la lumière des Jeux olympiques d’hiver en Corée du Sud, est motivée par le fait qu’il a atteint le maximum pour pouvoir entrer dans ces négociations. Il a pu tester une bombe à hydrogène – ou du moins éveiller l’impression que le test est réussi, il a testé différents missiles balistiques et il a pu montrer au monde que leur portée est intercontinentale, et qu’il peut frapper les États-Unis.

Deuxièmement, la politique de Kim était initialement destinée à diviser les Sud-Coréens et les Américains. Il a changé de tactique. Pourquoi ? Une hypothèse possible, c’est que les sanctions économiques lui font vraiment mal, ce qui l’oblige à céder alors qu’il – et certainement en Corée du Nord – peut faire croire que ce sont les Américains qui cèdent.

Du côté de Trump, on dit que la politique américaine – le ton dur, la pression exercée sur la Chine pour éviter que les sanctions contre Pyongyang soient contournées -a forcé Kim à faire des concessions. C’est en tout cas le discours qu’on entendra les jours qui viennent de l’entourage de Trump et des médias américains conservateurs.

Enfin et surtout, Trump poursuit l’ambition de réussir là où ses prédécesseurs ont échoué. Et c’est ce que, selon moi, Kim a très bien vu : Trump ne pouvait tout simplement pas laisser passer une telle invitation.

Pour qui cette rencontre est-elle le plus grand triomphe?

Cette question est la plus importante, depuis la perspective de Trump, beaucoup moins que de celle de Kim. Le régime nord-coréen ne donne pas l’impression qu’il est sur le point de couler. Le fait que la rencontre a bien lieu cadre dans l’image que Trump aime à se créer. C’est la raison pour laquelle il accepte cette invitation.

C’est pour lui un grand avantage, mais doublé d’un grand risque, car en termes diplomatiques c’est ce qu’on appelle « aller jusqu’au bout ». Mais quelles possibilités restent-ils si vous échouez ?

A-t-il une chance de réussir? Il reste beaucoup de pièges, les conditions de Kim de réduire son arsenal d’armes nucléaires sont vagues, et le passé nous apprend que la Corée du Nord n’est pas vraiment fiable.

C’est une chose de cesser les exercices militaires collectifs de la Corée du Sud et des États-Unis. Cependant, il encore plus important que l’objectif du programme nucléaire – et c’est ce que partage Kim Jong-un avec son père Kim Jong-il et son grand-père Kim Il-sung – c’est d’atteindre un véritable accord de paix. Pour la Corée du Nord, les troupes américaines doivent quitter la Corée du Sud, c’est clair. Et c’est un problème énorme pour les États-Unis.

Un point important pour les États-Unis, c’est de vérifier les accords. Dans le passé, il y a déjà eu des accords sur la dénucléarisation de la Corée du Nord, mais la grande conviction du côté américain c’est que l’ancien président américain Bill Clinton s’est laissé berner en 1994 parce que Pyongyang n’a pas respecté les accords. Nous avons tous vu les images de démantèlement du site nucléaire de Yongbyon en 2007, mais après on a appris que la Corée du Nord avait continué à enrichir de l’uranium pour l’utiliser dans son armement.

Cette question de la vérification est extrêmement difficile, regardez les critiques de Trump contre l’accord avec l’Iran, qui tourne aussi autour de la vérification. Ce sera un noeud très difficile à trancher.

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