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Trump mérite-t-il d’être destitué?

Le Vif

Après deux mois d’enquête, le Congrès américain a ouvert mercredi le débat juridique pour déterminer si les faits reprochés à Donald Trump justifient une destitution, dans un climat acrimonieux reflétant la profonde fracture entre démocrates et républicains.

Le président était « prêt à mettre en péril » la sécurité des Etats-Unis pour en tirer un avantage personnel, a assuré l’élu démocrate Jerry Nadler à l’ouverture d’une audition destinée à discuter du cadre constitutionnel de la procédure de destitution.

« Si nous n’agissons pas maintenant », « il « essaiera à coup sûr de solliciter à nouveau une ingérence étrangère » dans les élections, a ajouté le président de la commission judiciaire de la Chambre des représentants, chargée de rédiger les éventuels articles de mise en accusation (impeachment) du président.

Les républicains, visiblement déterminés à perturber le déroulement de l’audition, ont dénoncé d’emblée une « imposture ». « Ce n’est pas une procédure en destitution, c’est un passage en force. Aujourd’hui, nous perdons notre temps », a assené le parlementaire Doug Collins, qui mène la contre-attaque en leur nom.

Donald Trump est dans la tourmente parce qu’il a demandé à l’Ukraine d’enquêter sur le démocrate Joe Biden, un de ses adversaires potentiels à la présidentielle de 2020.

Il assure avoir été dans son bon droit mais l’opposition démocrate est convaincue qu’il a abusé de ses pouvoirs, notamment en gelant une aide militaire de près de 400 millions de dollars destinée à ce pays en conflit avec la Russie.

Forte de sa majorité à la Chambre des représentants, elle a lancé fin septembre une procédure en destitution et confié à la commission du Renseignement de la Chambre le soin d’enquêter.

Après avoir auditionné une quinzaine de témoins, celle-ci a conclu, dans un rapport d’enquête publié mardi, que M. Trump avait « placé ses intérêts personnels et politiques au-dessus des intérêts nationaux, cherché à miner l’intégrité du processus électoral américain et mis en danger la sécurité nationale ».

Ce rapport est « une blague », a réagi Donald Trump, en dénonçant un processus « très mauvais » pour les Etats-Unis.

– « Un roi sur le sol américain » –

Sur la base de ce rapport d’enquête, la commission judiciaire a ouvert mercredi une nouvelle phase de la procédure. Son but? Déterminer si les faits reprochés à Donald Trump correspondent à l’un des motifs de destitution cités dans la Constitution: « trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs ».

Trois professeurs de droit invités par les démocrates ont répondu par l’affirmative.

« Impliquer un gouvernement étranger dans notre processus électoral est un abus de pouvoir particulièrement grave parce qu’il affaiblit la démocratie », a notamment déclaré Pamela Karlan, professeur de droit à l’Université Stanford.

« Si le Congrès ne le destitue pas, la procédure de destitution aura perdu tout son sens, tout comme les garanties constitutionnelles destinées à empêcher l’installation d’un roi sur le sol américain », a ajouté Michael Gerhardt de l’Université de Caroline du Nord.

Mais un autre universitaire, convié lui par les républicains, a jugé les preuves « insuffisantes » et déploré la précipitation des démocrates. « Ce n’est pas comme ça qu’un président doit être destitué », a estimé Jonathan Turley de l’Université George Washington.

Invités par Jerry Nadler, les avocats de la Maison Blanche ont refusé de participer à cette audition en dénonçant une procédure « inéquitable ». Mais ils se réservent la possibilité d’intervenir ultérieurement.

– Américains divisés –

La commission judiciaire pourrait débattre d’au moins quatre chefs d’accusation: abus de pouvoir, corruption, entrave à la bonne marche du Congrès et entrave à la justice.

Une fois rédigés, les articles seront soumis à un vote en séance plénière à la chambre basse du Congrès, peut-être avant Noël.

Compte tenu de la majorité démocrate à la Chambre, Donald Trump devrait entrer dans les livres d’histoire comme le troisième président américain mis en accusation, après Andrew Johnson en 1868 et Bill Clinton en 1998, tous les deux acquittés par la suite.

Le Sénat serait ensuite chargé de juger le président et il faudrait une majorité des deux tiers pour le destituer, ce qui paraît très improbable. Les républicains sont en effet majoritaires au Sénat et, comme l’audition à la Chambre l’a encore confirmé mercredi, ils font bloc autour de Donald Trump.

Comme leurs élus, les Américains sont divisés sur les poursuites ouvertes contre Donald Trump, avec 49% qui les soutiennent et 44% qui y sont opposés, selon RealClearPolitics.

Trump a commis des actes passibles de destitution

Catégoriques, trois professeurs de droit ont jugé mercredi que la procédure de destitution contre Donald Trump était justifiée, et même nécessaire pour protéger la démocratie américaine, lors d’une audition tendue au Congrès qui a une nouvelle fois reflété la profonde fracture entre démocrates et républicains. Un quatrième expert, invité par les élus républicains, a contrairement aux trois autres jugé les preuves « insuffisantes » pour mettre le président en accusation (« impeachment ») à la Chambre des représentants.

Après deux mois d’enquête, marqués par l’audition de 17 témoins, les parlementaires ont entamé en son absence le débat juridique pour déterminer si sa conduite correspondait à l’un des motifs de destitution mentionnés dans la Constitution: « trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs ». Sans hésiter, trois professeurs d’université prestigieuses ont répondu par l’affirmative.

– « Un Roi » en Amérique –

« Si l’on ne peut pas mettre en accusation un président qui utilise son pouvoir à des fins personnelles, nous ne vivons plus dans une démocratie, nous vivons dans une monarchie ou une dictature », a notamment estimé Noah Feldman, professeur de droit à Harvard, interrogé par la commission judiciaire de la Chambre.

« Impliquer un gouvernement étranger dans notre processus électoral est un abus de pouvoir particulièrement grave parce qu’il affaiblit la démocratie », a également jugé Pamela Karlan de l’Université Stanford.

« Si le Congrès ne le destitue pas, la procédure de destitution aura perdu tout son sens, tout comme les garanties constitutionnelles destinées à empêcher l’installation d’un roi sur le sol américain », a renchéri Michael Gerhardt de l’Université de Caroline du Nord.

En pleine audition, la Maison Blanche a accusé ces trois experts d’avoir « un parti-pris connu » contre Donald Trump. « Les +témoins+ des démocrates ont forgé leur opinion il y a bien longtemps », a tweeté sa porte-parole Stephanie Grisham, en dénonçant « une audition bidon ».

Un quatrième expert, convié par la minorité républicaine, a apporté une analyse plus favorable au président. Jonathan Turley de l’Université George Washington a déploré le manque de « preuves directes » et la « précipitation » des démocrates. « Les procédures de destitution trop étroites, trop rapides, ont échoué », a-t-il estimé.

Dans ce débat, « il y a tellement plus de rage que de raison », a-t-il encore regretté.

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