Christian Makarian

« Trump, le mauvais soldat »

Depuis l’épisode du 10 novembre à Paris, Donald Trump a reçu de vives critiques émanant du coeur de son électorat ; l’annulation de sa visite au cimetière du bois de Belleau, où reposent plus de 2 200 soldats américains, qui ont fait le sacrifice de leur vie en juin 1918, a laissé les traces durables d’un malaise.

Est-ce la raison pour laquelle le président des Etats-Unis donne désormais des signes d’irritabilité à l’égard des militaires, alors qu’il avait nommé trois d’entre eux à des postes clés au sommet de l’Etat ?

Le thème patriotique est un des piliers de l’électoralisme de Trump. C’est un point essentiel pour bon nombre de ses supporters issus d’une Amérique blanche, conservatrice et républicaine, pourvoyeuse d’une forte proportion des soldats et officiers qui ont versé leur sang sur de lointains champs de bataille. Au point qu’il a même été reproché au vociférateur de l' » America first  » de ne pas s’être rendu dans une  » zone de guerre  » pour la fête nationale de Thanksgiving, contrairement à ses prédécesseurs. Bien qu’il ait jugé que cette coutume n’était pas  » absolument nécessaire « , le 45e président des Etats-Unis a finalement annoncé qu’un tel déplacement aurait lieu prochainement. Mais tout prouve que son adhésion à la gloire des armées n’est pas spontanée, que son empathie pour le culte de la bannière étoilée n’est pas naturelle, qu’elle relève par trop d’un calcul d’opportunité. Est-ce parce que le soldat américain est, selon le récit national, le serviteur valeureux de l’idéal démocratique ?

Donald Trump révèle, depuis les élections de midterm, des traits encore plus inquiétants.

L’étrange lien qu’entretient Trump avec la chose militaire mérite qu’on s’y arrête. Car cet homme qui a réussi à échapper aux obligations militaires auxquelles toute sa génération fut soumise – et qui ne manque pas une occasion inappropriée de saluer les hauts gradés à la manière d’un des leurs – ne témoigne fondamentalement d’aucun respect pour la valeur militaire. Déjà, il avait eu maille à partir avec John McCain, un de ses plus farouches opposants républicains lors de la campagne présidentielle de 2016, véritable héros de guerre qui fut capturé et incarcéré au Vietnam, en lui adressant cette phrase ignoble :  » Je n’aime pas ceux qui se font prendre.  » Trump a encore laissé libre cours à sa mauvaise humeur en s’en prenant à l’amiral à la retraite William McRaven, modèle même du militaire de référence, chef de l’opération Neptune’s Spear, qui a permis l’élimination d’Oussama ben Laden, sous le mandat de Barack Obama. Le président a estimé que Ben Laden aurait pu être appréhendé plus tôt, car  » tout le monde savait où il était « . Pourquoi tant de rancoeur et de bassesse ?

La réponse tient au désarroi croissant des plus hauts gradés américains, parmi lesquels certains expriment ouvertement les doutes profonds qu’engendre ce président si irrespectueux de tout. En l’occurrence, l’amiral McRaven avait critiqué le décret  » muslim ban « , signé par Trump pour interdire aux ressortissants de six pays, dont cinq à majorité musulmane, de se rendre sur le territoire américain ; de même, l’amiral avait qualifié les attaques lancées par la Maison-Blanche contre les médias de menaces contre la Constitution. Fait très révélateur, l’entourage présidentiel a répandu la nouvelle que McRaven figurait sur une short list pour devenir le vice-président de Hillary Clinton. Or, c’est totalement faux.

Où s’arrêtera donc Trump dans sa fureur contre les porte-drapeaux du camp républicain ? Après s’être séparé, en avril dernier, du lieutenant général McMaster, directeur du Conseil de sécurité nationale, voici que semble visé le général James Mattis, secrétaire à la Défense, pourtant un des derniers responsables de l’administration Trump qui sache rassurer les alliés occidentaux de l’Amérique.

Entre son narcissisme qui prend ombrage de tout et son mépris abyssal des compétences, Donald Trump révèle, depuis les élections de midterm, des traits encore plus inquiétants.

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