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Trump fait frémir les territoires palestiniens

Wided Bouchrika
Wided Bouchrika Journaliste free-lance

Le président Donald Trump a ouvertement déclaré son soutien à Israël. « Les Palestiniens perdent espoir et c’est dangereux. C’est une question de jours ou de mois avant que la situation explose une nouvelle fois », craint l’activiste Munther Amira.

Les milliers d’habitants du camp de réfugiés d’Aida se composent, pour plus de la moitié, d’enfants. Presque toutes les semaines, ils jettent des pierres, et l’armée israélienne répond à coup de gaz lacrymogène, de balles en caoutchouc ou d’arrestation. Mais après l’investiture du président Donald Trump, le mur le long du camp est devenu le champ de bataille de Munther Amira, l’ancien directeur du Popular Struggle Coordination Committee, et de quelques autres activistes. Ensemble, ils brûlent une photo du nouveau chef d’État.

« Trump devrait construire des ponts entre les gens, mais il va les faire sauter », déclare Amira quand il annonce l’action symbolique de la soirée dans son salon. « C’est dangereux. Je crains pour l’avenir, et pas seulement pour celui des Palestiniens. »

« Clair où nous allons »

Le gouvernement et l’administration Obama s’étaient abstenus in extremis lors du vote de la résolution de l’ONU condamnant la colonisation israélienne. Le président Trump s’est entouré de conseillers pro-Israël tels que David Friedman, nommé ambassadeur américain en Israël. Friedman est contre la solution à deux états et collecte de l’argent pour les colonies.

« Pour tout le Moyen-Orient, Trump a planifié une série de rencontres avec le Conseil de Yesha , (une association de colons juifs en Cisjordanie invitée à l’investiture) et le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi. « C’est clair où l’on va », affirme Amira.

On s’attend à ce que le nouvel entourage de Trump soutienne les colonies et déplace l’ambassade américaine à Jérusalem – alors qu’aucun pays n’a son ambassade dans cette ville, ni ne reconnaît l’annexion de Jérusalem-Est.

« Les relations de Trump avec le parti de droite et les colons sont très fortes », poursuit l’activiste. « Nous craignons que les colonies se développent. Il est possible qu’il y ait des effusions de sang. Un des leaders du Fatah vient de rappeler au peuple qu’il y a des ambassades américaines dans tous les pays, appelant implicitement à la résistance. 2017 sera une année très difficile. »

Cantons

Le gouvernement israélien souhaitait procéder à l’annexion de la colonie Maale Adumim, une colonie de 40 000 Israéliens à l’est de Jérusalem en Cisjordanie. Le vote a été postposé jusqu’à la rencontre avec Trump. L’annexion balaierait tout espoir de paix, a déclaré un porte-parole du président palestinien Mahmoud Abbas à l’agence de presse Reuters. Barack Obama aussi a prévenu son successeur que les décisions unilatérales telles que le déplacement de l’ambassade à Jérusalem mettaient une solution à deux états en péril.

« Cependant, nous avons toujours su où Israël voulait aller. Avec Trump au pouvoir, ces exigences sont ouvertement sur la table. Les partis de droite du gouvernement ne pensent plus à deux états, mais à comment gérer la Cisjordanie », estime Amira. « Si Israël continue et occupe la zone C, seules les 142 petites zones A et B isolées entre elles resteraient et les Palestiniens seraient poussés dans une espèce de cantons. Je crains qu’ils vivent soit directement sous un régime militaire israélien soit sous un régime militaire de l’Autorité nationale palestinienne. Nous vivons déjà sous ce dernier régime et je ne peux pas dire que ce soit positif. »

La corruption au sein des autorités palestiniennes est un phénomène connu. La résistance non violente n’est pas entendue et cela entraîne frustrations et désespoir. Les jeunes qui voudraient manifester restent plus souvent chez eux parce qu’ils sont face au choix amer d’être arrêté par l’armée israélienne ou d’avoir partie liée avec la police palestinienne.

« Beaucoup de gens sont très pessimistes, et ce n’est pas lié uniquement à l’élection de Trump », explique Amira. « Non, il s’agit de tout le procès auquel nous sommes quotidiennement confrontés. Des maisons abattues, des gens à qui on enlève les droits, la violence et la mort. »

Moins d’opposition

Le matin de l’investiture de Trump, Amira et une cinquantaine d’activistes et journalistes se sont rendus à Maale Adumim. Ils se sont introduits dans la colonie et y ont hissé des drapeaux palestiniens. Tout le monde a été arrêté, six personnes ont été maintenues en état d’arrestation et la presse s’est vue infliger des amendes de quelques centaines d’euros. « Pourtant, ce n’était pas une action d’envergure. « , estime Amira.

« De moins en moins de personnes essaient encore de résister », soupire Amira, pessimiste. « On dirait que nous sommes une espèce d’esclaves. Qu’en tant que Palestiniens nous n’avons qu’à avaler tout ça. À la longue, les petites actions semblent creuses, fausses. Mais arrêter, c’est accepter ce destin. »

2017 marque aussi le centième anniversaire du sionisme. Des deux côtés, on parle beaucoup de l’avenir de la Cisjordanie. Mais pour le vrai changement, le peuple devra exiger une véritable rupture avec l’histoire. Y compris au sein des territoires palestiniens, où les jeunes apprennent rarement toute l’histoire, l’enseignement se détériore et les vieux briscards qui s’accrochent à leurs postes bloquent toute forme de progrès ou de démocratie.

Pour Amira, c’est malheureusement le calme avant la tempête : « Les gens perdent l’espoir et cessent leurs actions, mais ça bout toujours à l’intérieur. C’est une question de jours ou de mois avant que la situation explose à nouveau. C’est intenable. »

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